Sylvianne

(publié: 16-10-2004, 9:59 )

Naissance ou renaissance ? Quand, il y a quelques mois, j'ai découvert TVQ et par là même commencé à comprendre enfin celle que j'étais, j'ai eu tout de suite l'envie de raconter moi aussi mon histoire.

Et j'ai écrit, ou plutôt passée des heures devant mon clavier. Et cela n'a pas été négatif, une sorte de thérapie plutôt. Mais voila, que raconter de cette histoire tellement semblable à tant d'autres. Que dire de plus sinon que vers 12 ans j'empruntai les vêtements de ma mère. Que plus tard, je me suis laissée pousser la barbe pour tenter de donner une image d'homme. Et que 30 ans plus tard, malgré la culpabilité, je continuai à m'habiller en femme dans le secret. Raconter combien de fois j'ai jeté toute ma garde robe ? La honte, les déprimes et quelques moments de bonheurs. Non, je n'ai pas eu envie finalement d'envoyer ce texte, toujours inachevé d'ailleurs, à Isabelle. Sylvianne en quelque sorte venait de naître et c'est plutôt de cette naissance dont je voudrai parler.

C'est une chose que de comprendre que l'on s'est trompé toute sa vie, volontairement ou non. Et c'en est une autre que d'assumer enfin sa nouvelle situation. Réaliser que l'on a de toute façon commis l'énorme erreur de croire que l'on pourra un jour tenir le rôle que nous assigne la société. Un rôle que j'étais incapable de tenir correctement. Oh, j'ai fait des efforts, un style très "rustique" , repris une entreprise. Mais je me suis surtout enfermée dans la solitude. Peu d'amis, très peu de sorties. Comment aurai-je osé avouer à quelqu'un ce que je faisais chez moi alors que je ne l'acceptai pas moi-même ?. Et plus ma situation financière s'améliorait et plus je m'enfonçai psychologiquement. L'automne dernier j'étais vraiment très mal, pas loin du plus profond.

Est venue la découverte d'internet, et surtout bien sur de TVQ, encore merci à Isabelle et Liz. Comprendre ce que j'étais, réaliser que je n'étais pas seule dans mon cas. S'inscrire dans l'annuaire des copines, envoyer ma photo et commencer à correspondre par Email. C'était déjà beaucoup et pourtant j'ai vécu ce moment dans la difficulté. Beaucoup de clients dans la station et donc beaucoup de travail. Des heures sur le web après les journées de travail, 4 ou 5 heures de sommeil agité, je n'étais pas loin de la rupture. Décidément, je ne suis vraiment pas faite pour les dépressions nerveuses !. Il m'est quand même arrivée de sortir en courant du magasin pour ne pas éclater en sanglots devant tout le monde, simplement à cause d'une réflexion d'un client...

Et puis, peu à peu est venue l'acceptation de la situation. Un échange serré d'Email avec une copine transsexuelle. Elle me disait que je me trompais, que nous n'avions pas les mêmes besoins, que je ferai mieux de renoncer, que je ne me rendais pas compte des difficultés où j'allais me mettre. Et j'ai réagi assez violemment en disant que je n'étais pas passée loin de sombrer dans l'alcoolisme, que l'idée du suicide n'était pas dissipée depuis si longtemps et que j'étais prête à assumer les difficultés à venir car celles du passé m'étaient de toute façon insupportables. Je ne lui en veux pas, bien au contraire, de m'avoir poussée "dans mes derniers retranchements". Cela m'a aidée. Et puisque je réagissais comme ça, je n'avais qu'à m'assumer. Plus facile à écrire qu'à faire ! Mais ça c'est fait doucement. Avec comme paradoxe, en fin de saison vers le moi d'Avril, où tous les gens qui travaillaient dans la station étaient de plus en plus fatigués, moi je remontai sereinement la pente, tranquille et presque reposée !

Et c'est là qu'intervient ce qui est sûrement le grand tournant dans ma vie. Jusque la Sylvianne n'existait que devant son clavier. La fin de la saison approchait avec enfin des vacances en vue, mais je devais partir quelques jours voir un ami dans le Jura. Un ami très proche avec lequel je sentais que je gâchai notre relation à cause de ce secret. Il me fallait absolument franchir le pas. Je me doutai que face à lui, je ne trouverais jamais le courage de lui parler de mon travestisme. Alors la peur de rentrer de ce voyage sans lui avoir parlé, de rentrer avec une grosse, une énorme frustration et la déprime qui s'en suivrait inévitablement a été la plus forte. Des heures devant l'écran pour lui écrire une lettre. Le coeur battant à 150 en lâchant l'enveloppe dans la boite. Quatre jours d'attente, angoissée et soulagée en même temps et finalement la réponse. Exactement celle que j'attendais sans oser l'espérer. Il m'y disait que mes "révélations" ne changeraient rien à nos relations, ou plutôt que ça ne pouvait que les améliorer et qu'il était très heureux que j'ai enfin brisé ma coquille. Et la semaine de vacances a été proche d'un rêve. Pour la première fois je pouvais parler librement de moi, de périodes de ma vie que j'avais toujours passées sous silence. J'étais libérée, capable d'aborder tous les sujets sans qu'un petit quelque chose venu d'un coin du cerveau ne me bloque. Un grand moment !. Juste un petit problème : il n'aime pas me voir habillée en femme, dommage non ?!!!

Et puis les vacances ont une fin, retour à la maison et au travail. Et retour aussi vers les frustrations. D'accord, je ne culpabilise plus de porter une jupe, mais cette porte fermée à clef me hante de plus en plus. Je suis décidée et je commence à écrire à tous mes amis proches (mais qui habitent loin !) . C'est bien, mais c'est ici qu'il va me falloir franchir le pas. Jusque là, toutes les réponses ont été positives. Je ne peux quand même pas écrire à mon collègue de travail et ami qui habite à 500 m et que je vois tous les jours. Enfin je pourrai, mais non, il faut absolument que je trouve le courage. T'es une femme ou quoi !. Ah, les premiers mots sont durs à lâcher, mais je n'aurai pas besoin d'aller bien loin, il m'a arrêtée presque tout de suite : "Tu sais que j'ai vécu 10 ans au Brésil et des travestis j'en ai connu beaucoup. J'ai toujours eu de bons rapports avec eux. Tu peux être ce que tu veux, ça ne change rien entre-nous etc.". Ont suivi 2 heures de discussion. Il est vraiment très ouvert, ce dont je me doutais sans oser l'espérer. La tenue dans laquelle je le reçois ne le gène pas du tout et j'en profite assez largement maintenant ! Il me restait à mettre au courant les gens qui passent me voir de temps en temps et au jour d'aujourd'hui j'en ai pratiquement fait le tour. Maintenant je suis en jupe et chemisier, la porte n'est plus fermée à clef !. Ceux qui ne veulent pas me voir en femme savent qu'ils n'ont qu'à me téléphoner avant de venir. Je ne vous raconte pas le soulagement. Et vendredi dernier, un couple d'ami est venu dîner. Trois heures de préparation, épilation, maquillage. J'étais sur des charbons ardents quand ils sont arrivés mais passées les 3 premières minutes ce fut une super soirée ! Et pas seulement pour moi.

Voilà cette petite partie d'histoire. En quelque sorte maintenant Sylvianne existe "pour de vrai" ! Je sais bien que j'ai encore beaucoup de progrès à faire. En maquillage comme dans le choix de mes tenues. J'aimerai aussi me faire épiler la barbe mais j'habite si loin de tout au fin fond de la Savoie. De toute façon, j'ai déjà retrouvé un équilibre mental qui me permet d'envisager l'avenir avec sérénité. Je voulais raconter ça pour essayer d'aider des copines. Si nous ne faisons pas un effort d'explication envers les autres notre situation n'évoluera jamais. J'ai dit à environ 25 personnes maintenant ce que je suis et je n'ai pas eu de réactions négatives. Il est sur que je ne le dirai pas à tout le monde, il y a des gens que je connais bien à qui je n'ai pas envie d'en parler et d'autres plus éloignés avec qui je sens maintenant que je n'hésiterai pas. Bien sur, il n'est pas dans mes intentions de choquer qui que ce soit et je ne forcerai personne à me subir en femme. Mais je n'ai plus du tout honte de ce que je suis et finalement toutes les personnes qui "savent" ont appréciées le fait que je sois plus libre et plus à l'aise avec elles.

N'hésitez pas à m'écrire : mailto:sylvianne.p@wanadoo.fr
Grosses bises a toutes et tous,
Sylvianne

PS : pour faciliter mes explications je me sert le plus souvent du texte explicatif de l'ABC "Pourquoi s'habillent-ils en femmes" :

http://www.hrnet.fr/~abcgaby/ABC/pourquoi.htm