Sophie
(publié: 16-10-2004, 9:59 )Cette tentative d'écrire mon histoire n'est pas la première. À maintes reprises, j'ai entrepris ce projet mais toujours sans succès. Les continuels et nécessaires retour vers mon passé m'étaient toujours trop douloureux pour poursuivre mon récit. Pourtant, aujourd'hui, je suis bien résolu à y parvenir.
Principalement élevé dans par des femmes, j'ai acquis, tout au long de mon enfance, une sorte de sentiment d'appartenance avec elles. J'évoluais dans ce monde sans vraiment percevoir la différence qu'il y avait entre elles et moi. Partagé entre la garde de ma mère, de voisines ou de tantes, je participais à leur monde et allais partout où elles allaient. Celui qui devait me servir de modèle étant à la toute fin pratique absent, ce monde de femme fut pratiquement la seule chose que je connu. J'avais bien des copains avec qui jouer mais leur jeu de guerre et d'aventure m’intéressaient point ou alors très peu. Je préférais de loin la compagnie de mes cousines ou alors des voisines.
Longtemps elles m’ont laissé partager leurs jeu. Je pouvais, comme elles, être la mère d’une famille de poupées ou, lorsqu’elles ajoutèrent une touche de réalisme à ces jeux, être la petite fille d’une copine plus vieille qui jouait le rôle de mère.
C¹est à ce moment que j’ai découvert le plaisir que me procurait les vêtements féminins. Sans honte, je portais leurs robes, collants et souliers, chose qui les amusait beaucoup. Comme à cet âge il est parfois difficile de faire la différence entre un petit garçon et une petite fille, vêtu ainsi, je n’étais, aux yeux des passants, qu’une de plus parmi le groupe. Ce n’est que lorsque j'ai atteint les dix ou onze ans qu'elles m'ont pratiquement exclus de leur groupe, consciente qu’au fond, je n’étais pas une fille mais un garçon. Alors, je me suis enrôlé chez les garçons avec peu de popularité.
Même si je faisais maintenant parti d’un groupe de garçon, je n’avais pas oublié ces années qui m’avaient rendu si heureux. J’avais, sans le savoir, été marqué. Inconscient de l’ampleur qu’avaient pris ces jeux, j’ai continué mon petit bonhomme de chemin jusqu’à l’adolescence sans m’attendre à ce qui allait venir.
L'adolescence fut pour moi une période très difficile. Tout d'abord, j'ai commencé à consommer de la drogue et ce, de façon abusive. La drogue (j’imaginais), m'apportait un sentiment de bien être que je ne retrouvais nul part ailleurs sauf lorsque, devant le miroir, je me transformais. Ce n'était pas seulement mon corps que je travestissais mais mon identité aussi. En fait, mon identité ne changeait pas réellement mais je devenais une autre partie de moi que j'aurais bien voulu qu'on comprenne et qu'on connaisse. Il y a une bien mince frontière entre l'illusion et la réalité et je ne savais plus de quel côté j'étais. C'est donc ainsi que je suis devenu Sophie...
Ce fut un peu comme une deuxième naissance et tout aussi douloureuse que la première. Cependant, à mesure que je matures dans mon cheminement, je me suis mis à découvrir comment je pouvais changé mon apparence physique et l'adapter à mon identité. La chance était avec moi. Ma mère possédait (et possède encore) une très belle garde-robe, remplie à souhait et avec des morceaux de choix. Le comble, c'est qu'à cette période, nous avions la même taille et que nous chaussions la même pointure. Les longues absences de mes parents m'auront permis de m'initier aux techniques de maquillage ainsi que de raffiner mes goûts sur la mode féminine. Il m'arrivait de passer des jours habillé en femme et si je me changeais, ce n'était que pour sortir une autre robe ou enfiler une autre paire de soulier. Confortablement étendu sur le grand lit de mes parents, je lisais tout le jour et le soir, je risquais une sortie au salon où j'écoutais des vieux films. J'ai longtemps crû au secret de mes activités mais une personne savait bien elle.
Ma mère avait bien douté de certaines choses devant mon comportement lorsque je partageais les jeux de mes voisines. Mais j'avais toujours eu foi en ma bienveillance, replaçant les choses de façon archi-méticuleuse dans la garde-robe. Jamais je n'aurais penser qu'elle se douta encore de moi. Ce n'est que récemment qu'elle me la apprise. Le jour où je lui ai tout raconté.
Dehors, je réussissais assez bien à masquer ma nouvelle identité en jouant les durs et en affichant une mine de rebelle. Avec les copains, ont a fait les quatre cent coups. L'alcool coulait plus qu'abondamment dans nos réunions et les drogues dures ont fait leur apparition. Il en est une que j'ai préféré entre toutes les autres et ce fut la cocaïne.
Ma rencontre avec cette grande dame blanche fut aussi violente qu'un coup de bâton à la figure. Une descente aux enfers en chute libre. J'étais tombé amoureux d'elle et elle de moi. À partir de ce jour, tout allait devenir laid et sale autour de moi. Mon désir secret était devenu une chose dont j'avais honte et qui ne naissait que sous des impulsions qui me dégoûtaient. Je réussissais tout de même à fonctionner (du moins je crois) dans le monde extérieur mais mon état était plus que précaire. J'ai tenté une fois de m'ôter la vie mais j'ai reculé à la toute dernière minute. J'ai vu mon visage dans le miroir et la vision que j'y ai eu m'a fait atrocement peur. J'en ai eu assez et j'ai levé le pouce pour le pays des bayous.
La période que j'ai passé sur la route fut plus que bénéfique sur mon état et je me retrouvai en peu de temps extasié devant tout ce que je voyais de nouveaux. De la Louisiane, j'ai migré lentement vers le centre des États-Unis, en passant par le Tennessee et l'Oklahoma. J'y ai fait des rencontres incroyables et on aurait pu écrire une légende sur chaque personnage que je croisais. J'ai fait mon chemin vers l'ouest et sans m'en rendre compte, j'ai mis le pied en Californie. Le rêve de mes quinze ans.
J'avais mis quatre ans et beaucoup de chemin pour le voir se réaliser. J'y suis arriver comme je l'avais imaginé ; calé dans le siège d'une vieille voiture avec ma guitare sur les genoux. Le chauffeur, un gros texan qui racontait des blagues sur tout les sujets inimaginables, m'avait embarqué et nous étions en route pour Needles. De là, je me suis payé une bonne partie de cet état pour aboutir finalement à San Fransisco.
San Fransisco possède cette caractéristique que la majorité de ses habitants se foutent pas mal de ce qu'on est, pourvu qu'on soit bien et prêt à s'amuser. Il ne me fallu pas moins de deux jours pour me faire des amis dont la plupart homosexuels. Je suis entré dans leur cercle et parmi eux, j'ai connu un monde où l'inhibition était un concept que l'on ignorait. J'ai fait ma première sortie en femme avec eux et elles. C'était délicieux de sentir le souffle tiède et humide du pacifique passer sur mes jambes rasées et sous ma robe. Jamais je n'oublierai cette première sensation de légèreté qui fait qu'on a la tête qui tourne. Le long des trottoirs, nous arpentions les grandes rues brumeuses et nous marchions ainsi pendant des heures. Les rues étaient parfois pleines de gens qui, comme nous, se rendaient faire la fête et s'amuser. J'avais l'esprit léger, emporté dans le tourbillon des rires et des cris qui remplissaient mes oreilles.
Un peu plus tard, j'ai rencontré Sally, un jeune transsexuel. Elle attendait d'être opérée. Je ne l'ai rencontré qu'à deux reprises mais j'ai beaucoup discuté avec elle. Elle m'a tout raconté sur son cheminement et sans le savoir, elle m'a beaucoup aidé en m'éclairant sur mon propre cheminement. J'avais donc résolu qu'à mon retour, je consulterais une psychologue qui m'aiderait à faire le ménage à l'intérieur de moi et qui pourrait m'orienter vers le processus de transformation chirurgicale.
J'ai quitté San Fransisco avec regret et amertume. J'étais conscient que j'aurais à être prudent à mon retour sans quoi je retomberais facilement dans mes vieilles habitudes. J'avais cessé de consommer dès mon départ et jamais je ne m'étais senti aussi bien. J'étais bien résolu à prendre les rênes de ma vie et faire en sorte d'être heureux. J'ai refait mes malles après un bref séjour à Vancouver et reprit la route vers Québec.
C'est parfois lorsque l'on croit avoir le plus changé qu'au fond on est resté la même personne. Sans avoir reprit ma consommation de drogues, je m'étais retrouvé dans une sorte d'impasse qui faisait que j'avais l'impression de tourner en rond. Les choses ne se passaient pas comme je l'avais espéré et j'en étais que plus malheureux. Puis, j'ai rencontré Martine. C'est elle qui contribua à mon éveille et m'aida à me respecter et m'aimer. J'ai finit par tout lui raconter sur ma situation et comment je souhaitais plus que tout autre chose, changé de sexe. Au début, je crois qu'elle fit mine d'ignorer la gravité de la situation dans laquelle elle se trouvait maintenant. Je passai des soirées à lui expliquer comment je me sentais et ce que je voulais et espérais. Elle, elle m'écoutait sans jamais m'interrompre. Elle ne disait pas ce qu'elle pensait et pour ça, je croyais qu'elle comprenait et acceptait. Et puis un jour, n'en pouvant plus, elle explosa et pleura une nuit durant. Je restai à ses côtés sans savoir quoi dire ou quoi faire. Au petit matin, elle me serra dans ses bras et dit qu'elle voulait m'aider et croyait m'aimer assez pour continuer à vivre avec moi.
Un peu après, j'ai commencé à consulter une psychologue. Bien qu'elle n'était pas une spécialiste dans le domaine, son aide m'apporta réconfort et je me sentis bientôt plus fort. Dès lors, mon attitude changea et j'adoptai une façon plus positive de voir les choses autour de moi. Alors que mon esprit se nettoyait, je continuais à parfaire mon image de femme. Avec Martine, on passait les après-midi de mauvais temps dans les grands centres à magasiner pour elle mais aussi pour moi. Étrangement, j'avais toujours eu du mal à passer plus d'une heure dans les magasins lorsqu'il s'agissait d'acheter des vêtements pour homme et voilà que maintenant j'adorais. Elle m'aidait avec les tailles et essayait des morceaux pour moi afin que j'aies une meilleure appréciation du vêtement. À la maison, on s'amusait à voir si nos choix avaient été judicieux ou non. Bien de petites anecdotes assez cocasses me sont arrivées lorsque je croyais être à l'abri.
Comme cette fois où, étant seul pour le week-end, j'avais décidé de le passé en femme et que le livreur d'un colis important pour mon père vint à sonner. Mon père m'avait fait jurer que je serais présent pour l'accueillir et j'avais oublier. Je n'ai donc pas eu le choix de répondre, vêtu d'une jupe ample et d'une camisole. À cette époque, je gardais encore les cheveux longs ce qui me permettaient de leur donner différentes formes. Cette fois, je n'avais qu'un simple cerceau qui dégageait tout les traits de mon visage, souligné seulement d'un léger maquillage. Lorsque j'ouvris la porte, le coeur battant la chamade, un petit monsieur me lança un `Bonjour mademoiselle, on a un paquet pour m...., voulez vous signer en bas de la feuille! Merci... Comment avais-je pus être aussi stupide? J'hésitai, me mordu la langue et signai quelque chose qui ressemblait plus à un hiéroglyphe qu'à une signature. Je crois que jamais il n'a douté de ce qu'il a vu.
Une année c¹est passé ainsi. Supporté par ma copine (qui en avait pris goût) et par ma psychologue, j'ai évolué petit à petit sur la route qui devait me conduire à une opération. Je travaillais aussi à perfectionner mon image de femme. J'apprenais beaucoup en observant celles qui bougeaient autour de moi. J¹avais laissé pousser mes cheveux qui étaient devenu d¹une assez bonne longueur pour coiffer et leurs donner différentes formes. Grâce à Martine qui m'accompagnait toujours lorsque l’envie de magasiner me prenait, j’ai pu me constituer une garde robe assez bien garnie. J’avais construit à cet effet, un coffre à même la base de mon lit qui ne pouvait s’ouvrir que si on avait la clé. Un jour que la petite porte ne fut pas verrouillé, quelqu¹un, poussé par la curiosité, vint y mettre son nez.
J’étais à l’extérieur de la ville. Lorsque je suis rentré quelques jours plus tard, j’ai retrouvé ma mère qui était seule à la maison. Par son attitude, je savais qu’il se passait quelque chose et que c’était directement relié à moi. Je n’ai pas tardé à savoir ce qui se passait dans sa tête. Elle a immédiatement ouvert sur le sujet sur un ton qui semblait implorer des réponses à toutes ses questions. J’y ai répondu en espérant qu’elle comprendrait et accepterait. Après une soirée à lui expliquer ce que je vivais et que j’avais l’intention de vivre le reste de ma vie en femme. Elle m’a simplement répondu qu’elle m’aimait et que si c’était ce qu’il me fallait faire pour atteindre le bonheur, elle serait derrière moi pour m’aider. Elle ne souffla jamais un mot à mon père qui bien sur ne se doutait de rien.
Puis, je suis partit à l’extérieur de la ville pour poursuivre mes études en photographie. En partant, j’ai pris la décision de mettre mon projet en veilleuse. Je ne pouvais me permettre d’être déconcentré. J’avais besoin de reposer mon esprit et ma tête. J’ai rompu aussi avec Martine qui était restée à Québec. L’amour est un feu qui se nourrit quotidiennement sinon il meurt et c’est ce qui est arrivé. Pourtant, il m’arrive parfois d’y réfléchir encore et je me surprend aussi( sans m’en rendre compte) d’orienter mes actions dans le but de réaliser mon rêve. Je ne sais pas de quoi sera fait demain ni qu’elles seront mes décisions mais je sais qu’il y aura des gens autour de moi pour me supporter et m’accepter tel que je suis....
Projet de reportage:Dans le cadre de mes études en photographie, je suis présentement entrain de monter un projet de reportage photographique sur les travestis et/ou les transsexuels. Ce reportage cherchera à révéler la personnalité du modèle dans son environnement et dans ce qu’il vit. Je lance donc une invitation à celles qui seraient intéressées par ce projet. Quelques précisions :
Ce projet que je mijote depuis quelques temps se voudrait être un regard objectif sur les différentes facettes des travestis et/ou transsexuels. Cependant, plutôt que de seulement « rapporter », j’aimerais que mes images transcendent bien les sentiments et les différentes facettes de la personnalité du photographié. Je mise donc d’abord sur la communication et le contact pour pouvoir créer un lien étroit entre le sujet et moi.
Je suis donc intéressé surtout par le portrait. Portrait dans lequel on retrouvera le sujet dans un environnement ou il se sent bien, un lieu qu’il aime, ou tout autre endroit qu’il aura choisi.
Je voudrais être clair dans mes intentions : Je ne suis pas en quête d¹images qui pourraient se révéler provoquantes ou choquantes. Je suis respectueux des sentiments et aussi des limites de mon personnage.
À quoi ces images serviront-elles? Je réalise d’abord ces images à des fins personnelles. C¹est le contact direct avec les gens qui m’intéresse d’abord. J’aime créer des liens étroits avec les gens, basés sur le respect et la compréhension. Les images tirées de ces rencontres serviront aussi à constituer une partie de mon « book » de photographe qui sera visualisé à la fin de l’année scolaire par quelques enseignants. À moins que le modèle m’en donne l’autorisation, personne d’autre n’aura accès à mes images. De plus, vous pourrez d’abord voir les images avant d’être exposées devant les enseignants et des doubles pourront vous être remis si vous le désirez.
Je dois aussi mentionner que je développe moi-même les négatifs et je fais aussi le tirage. Je travaille surtout en noir et blanc.
Je m’adresse surtout à celles qui habitent entre Montréal et Québec pour des raisons de déplacements. J’espère que ce projet saura en intéresser quelque unes. Pour plus d’informations ou pour jaser, vous pouvez me rejoindre sans problème via le courrier électronique. Voici mon adresse :
coutures@cgmatane.qc.ca