Danielle-2005
(publié: 20-07-2005, 17:21 )Ma vie est un peu comme celle de toutes les autres travesties ou transsexuelles. Je me suis apperçu très jeune que je n'étais pas comme les autres garçons. Ma mère le savait aussi. Avant ma naissance, une sage femme avait prédite à ma mère qu'elle aurait une petite fille, la dernière de la famille puisque ma mère avait 43 ans. Après ses deux garçons, elle allait alors avoir la petite fille dont elle avait rêvé depuis de si longues années.
Puis, vint le jour de ma naissance. Oh! déception... sa petite fille, qu'elle voulait appeller Danielle, était en fait un petit garçon. C'est du moins ce qu'elle croyait. Elle m'appella alors Daniel (Danielle au masculin). Persuadée que je serais une fille, plusieurs mois avant ma naissance, elle avait confectionné toute une panoplie de vêtement pour petite fille, dans la soie et la dentelle et aux tons de pastel rose. (Moi, je ne m'en souviens pas, évidemment, mais c'est une tante qui m'a tout raconté).
Ainsi, je passais donc les premières années de ma vie avec des vêtements de petite fille lorsque j'étais à la maison. Vers l'âge de quatre ou cinq ans, alors que je faisais mes premiers pas à l'extérieur, pour me faire de petits copains,il est évident que ma tenue vestimentaire devint celle d'un petit garçon.
Puis, vint l'école primaire... mixte. Il y avait autant de petites filles que de petits garçons dans ma classe. Évidemment, sans savoir ou j'allais, mes jeux avaient une préférence vers les jeux de filles. Les jeux de balles, ballons ou courses ne m'intéressaient pas. Débutèrent, à l'âge de 6 ans, les moqueries sur ce que j'étais (sans savoir moi-même ce que j'étais). Comme j'étais le plus souvent à jouer à la marelle ou sauter à la corde avec mes deux cousines, les autres garçons me traittaient de "fillette" ou "ménette". Je ne comprenais même pas ou ils voulaient en venir, je ne croyais pas avoir à faire de commentaires sur les jeux que eux pratiquaient: balle-molle, course à obstacle... Erk! Cela ne m'inté- ressais pas du tout.
Ma jeunesse se passait presque qu'à lire des romans d'amour (que j'empruntais à ma mère) ou j'en devenais presque systématiquement l'héroine. Décidément, je ne me sentais pas un garçon du tout. Je crois que ma mère le savait. En effet, pour arrondir les fins de mois, elle faisait de la couture par ses rares soirées de loisirs. Combien de fois, en son absence, ai-je essayé de belles petites robes qui appartenaient à mes deux petites cousines. Cependant, il arrivait quelques fois que je ne les range pas tout à fait ou elles devaient être et ma mère s'en appercevait sûrement. Mais, elle ne m'en a jamais glissé un mot.
Puis, vint l'adolescence... Je fréquentais surtout des filles puisque je me sentais comme elles. Nous avions presque les mêmes sujets de conversations, les mêmes goûts... Ce n'étais pas tout à fait nette dans mes idées. Je pensais: "Je suis un garçon, pourquoi est-ce que je ne m'interresse qu'aux choses de filles?". Ce fut encore pire lorsque mes deux cousines et leurs amies commencèrent à se maquiller. Je trouvais tout ça si féminin, toutes ces couleurs, ces bijoux... et ces belles mini-jupes qui venaient d'être inventées. Biensûr, en cachette, j'essayais aussi les choses de ma mère, quand j'étais seule à la maison, puisque ma mère et mon père travaillaient à l'extérieur de la maison. Oh! j'avais bien deux frères, plus vieux que moi, mais je ne les voyais pas de toute la journée. Quoique j'ai faillie me faire prendre alors que je portais la petite robe de bal rose de ma cousine et tout le reste. Ouf!
Puis, avec le temps, je me fis une garde-robe que je cachais soigneusement, habitant chez mes parents. Un jour, ma mère a tout trouvé et à jeté tout ça... sans même en parler, ni à mon père, ni à moi. Discretion, mais je me savais découverte. Puis, malheureusement, ma mère décédat en 1972. Je demeurais quand-même avec mon père, ne voulant pas le laisser seul à son âge avancée. Il va s'en dire que je me suis refaite une garde-robe, que je n'enfillais que le soir. Mon père avait pris l'habitude, depuis sa jeunesse de se coucher vers 19h30, habitude qu'il avait pris parce qu'il devait se lever très tôt, jusqu'à sa retraite, pour aller au boulot. J'avais donc toutes mes soirées pour vivre comme je le voulais, c'Est à dire en femme. Puis, un soir, me vint l'idée de sortir prendre une marche... mais je n'avais pas le courage, car j'habitais un quartier de la ville de Québec ou je devais me faire passer pour un dur, un "caid", un fier à bras... sinon, on n'avait pas trop de chance de s'en sortir sans raclés le soir.
Bref, un soir, après m'avoir donné du courage en buvant quelques litres de cidre de pomme (erk!) J,ouvre la porte et sors sur le perron arrière, presque à l'abri de tous regards. Quelles sensations du vent sur mes jambes... dans les cheveux de ma perruque (C'était l'automne). Puis, contemplant les étoiles, je pensai à prendre une courte marche... il n'était surtout pas question de trop m'éloigner afin de ne pas me faire reconnaître. Je me risquais donc pour une courte marche d'à peine cinq minutes mais quel plaisir en ai-je ressenti. Je me jurais bien de recommencer un autre soir en tentant de m'éloigner un peu de la maison.
Puis, vint l'hiver... Un soir, j'enfillais donc mes longues bottes blanches (c'était la mode du temps) à hauts talons et, avec le petit coup de pouce de l'alcool pour me donner du courage, je pris une marche d'au moins une heure. Pas de passant, les rues pas trop éclairées, c'était le bonheur. Il m'est bien arrivé d'avoir une petite mésaventure mais j'en reparlerai une autre fois.
Enfin, vint 1974. Mes copains fréquentaient tous des filles et songeaient à établir une vie à deux avec elles. J'entrepris donc de faire la même chose. Je rencontrais donc, un soir, une gentille femme qu allait devenir mon épouse par la suite. Mais, à peine quelques semaines de fréquentations, nous entreprenons de vivre sous le même toit. Mon père avait dû être hospitalisé pour le reste de ses jours, l'appartement me revenait. Et, arriva ce qui devait arriver... mon épouse trouva ma cachette secrette et tous mes vêtements féminins... Quelle histoire ai-je dû inventer pour faire croire que ces vêtements n'étaient pas à moi et que je gardais cette boîte pour une amie. Ouf! l'histoire fut gobbée.
Je fut donc très longtemps, plusieures années, sans revêtir les vêtements que j'aimais le plus, mon épouse avait tout mis à la poubelle. (Mais, elle se doutait bien de la vérité). Ainsi passèrent un peu plus de 20 ans de vie commune et de rares moments ou je pouvais me retrouver avec moi-même. Au début des années 90, je décrochais un emploi de journaliste et rédacteur en chef pour un hebdomadaire... Vie publique, longues heures de travail sept jours par semaines, quinze à dix-huit heures par jour, à cotoyer personnalités des arts et politiques... pas question de vivre ma féminité, j'étais trop connue. Puis, vint 1995... séparation de mon couple et reprise partiellement de ma vie de femme libre. Vivant seule, maintenant, plus rien ne s'opposait à ce que je vive, chez moi, comme je l'entendais. Mais, je dû y mettre un frein. Nouvel emploi comme relationniste pour le Gouvernement du Canada... Ouch! vie politique active... plus question de risquer de me faire reconnaître en tant que femme.
Pas besoin de dire que je prenais grand soin que mon secret ne fut pas révélé... ma carrière serait en jeu. Puis vint 1997, découverte pour moi du site de Travesties Québec et celui de Travesties Montréal. Enfin, j'avais la preuve que je n'étais pas la seule. Ouf! Grand soulagement. Mais, restait ma vie publique... ma vie de femme ne pouvais pas coincider avec ma vie publique. Je rencontrais fréquemment des ministres, même les premiers ministres du Canada et du Québec... alors, discrétion requise sur toute la ligne.
Puis, vint la fin de mon contrat avec le Gouvernement... et une invitation de copines pour sortir en femme à Montréal (je demeurais à plus de 1000 kilomêtres de Montréal, à l'époque). Première vraie sortie dans une grande ville que je ne connaissait pas... parmi des milliers de gens. Cette soirée fut adorable... je décidais alors de prendre ma vie de femme en main. De retour chez moi, le lendemain, je commençais à faire mes bagages et contacter un amie pour déménager mes choses à Montréal.
Une semaine après mon arrivée à Montréal, je me dégotta une chambre à louer à deux coins de rues d'un cabaret qui accueillait très bien les travesties et les transsexuelles. Pour y être allée le soir de l'halloween, un mois avant, je savais que j'y serais bien reçue. Évidemment, pour commencer, il a fallu que je me trouve un emploi... en gars (erk!). Entre temps, les samedis soirs, je fréquentais le bar en question à tous les samedis soirs. Je m'y fit beaucoup d'amies dans le milieu des travesties et des transsexuelles..
Petit à petit, je commençais à consulter des médecins pour passer à la transformation. Le cheminement primaire fut très long, me laissant que très peu d'espoirs. Enfin, par un bel avant midi d'automne, mon médecin m'appellat: J'avais le feu vert (et sa bénédiction). Hormones, psys... etc!
Je fini par me trouver un premier emploi comme "shooter-girl" pour le bar voisin. Puis, je devint Maitre de Cérémonie (peut-être devrais-je dire Maîtresse de Cérémonie) et enfin animatrice des soirées karaoké et webmistress. Le bonheur parfait. Ensuite, j'ai rencontré le copain que j'ai actuellement. Il est un peu plus jeune que moi, sportif et musclé, qui n'hésite pas à m'amener au restaurant ou me faire visiter de bien beaux lieux. Je ne peux malheureusement pas raconter mon histoire entièrement dans ces pages, car il y en aurait pour des semaines de lecture.
Aujourd'hui, malheureusement, j'ai dû cesser l'hormonothérapie sur les recommandation de mon médecin: Trombo-phlébite sévère dans une jambe et Cellulite virale dans l'autre. Je risquais l'ACV ou la trombose pulmonaire. Le danger, avec les hormones, de boucher encore plus les veines et, peut-être, y laisser ma vie. Cependant, cela ne m'empêche pas de vivre pleinement ma vie de femme libre et heureuse.
Danielle (Danielle-2005, sur le site)