Annecarole

(publié: 16-10-2004, 9:17 )

Je ne suis pas sans me poser des questions sur les raisons, indépendantes de ma volonté, qui me poussent à me travestir. A bien y réfléchir, je pense que je finirai par comprendre. Une parmi d'autres, peut-être, pourrait venir du fait que, je suis le produit d'une seconde grossesse et qu'alors ma mère souhaitait une fille pour laquelle elle avait déjà choisi le prénom. Fait du hasard, dès ma plus tendre enfance, il est apparu que j'avais un corps de petite fille : fesses rebondies, petite poitrine. Pour autant, à l'époque je me sentais garçon et je dois avouer que ma honte était grande quand, lors de réunions de famille par exemple, ma mère m'appelait Veronique (prénom qui aurait du être le mien) et parlait de ma "poitrine de petite fille".

Quoi qu'il en soit, et aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours apprécié les tissus fins, sensuels à la vue et au toucher. Je dois dire que ma mère était couturière et que grâce à elle j'ai largement profité des revues de mode, voire des défilés que nous aimions, et que j'aime encore, regarder à la télévision.

J'ai baigné dans ce milieu qui sans doute m'a imprégné lentement et dans lequel, à la reflexion, j'aurais aimé faire carrière. J'eu une vie de garçon à peu près normale et, si je détestais la bagarre (autre signe peut-être ?), je me suis beaucoup investie dans le sport en particulier l'athlétisme et le rugby. A la réflexion, je me demande aujourd'hui s'il ne s'agissait pas là d'une réaction inconsciente, certes, au fait même que quelque part, ma mère aurait souhaité que je sois une fille, voire qu'elle me considérait comme telle, bien qu'elle n'en ait jamais parlé autrement que je ne l'ai écrit plus haut.

Ce n'est que tardivement, vers 13-14 ans, que j'ai physiquement compris l'effet que faisait sur ma peau des voiles légers. J'avais emprunté à ma petite copine (la première) un grand foulard en pseudo-soie rose/mauve translucide. Je ne sais pas pourquoi, le dimanche matin suivant, dans la salle de bain, je m'en suis enveloppée. Ce fut le déclic.

La suite de mon histoire n'est guère différente des autres "soeurs". Assez vite, puis à chaque fois que l'occasion se présentait, je visitais la garde-robe, très fournie, de ma mère, et me plaisait à lui ressembler. S'en est-elle jamais rendu compte ? Je parirais que oui, en raison de la méticulosité, du soin avec lesquels elle rangeait ses affaires (sous-vétements toujours repliés de la même manière, piles de linge "construites" à l'équerre). Je n'étais pas aussi habile qu'elle (et je ne le suis toujours pas en ce domaine), et je reste persuadée que le moindre faux-pli ne lui échappait pas. Il y aurait donc eu complicité de sa part, ce que je ne saurai sans doute jamais, me refusant de lui en parler. Mais il est vrai que, quelque part, je reste persuadée qu'elle aurait aimé me coudre des vêtements féminins.

J'ai poursuivi ce chemin pendant ma longue vie de célibataire, seule, parfois même trop seule, sans jamais mot dire de mes habitudes de peur de choquer et mes amis et, vous l'avez compris, mon entourage familial. Puis, j'ai rencontrée une femme de quelques années mon ainée, avec laquelle j'ai vécu plusieurs années avant de l'épouser et lui faire deux enfants, un garçon et une fille.

Un jour, avant même que l'on ne se marie, je me suis présentée, devant elle dans une de ses jupes, cousue par ma mère et dont j'avais d'ailleurs moi-même choisi le tissu, sur une paire de collants. Sa surprise fut brève et elle m'avoua tout de suite qu'elle n'y voyait aucune gène. Nous avons depuis beaucoup discuté. Elle accepte mais elle ne comprend pas et ne souhaite pas que je rencontre d'autres TV.

Voilà Isabelle, résumé à grands coups de crayon "Ma Vie" dont je te laisse libre d'en faire l'usage que tu veux.