Florence A
(publié: 16-10-2004, 9:37 )J'ai 40 ans et des poussières et je m'habille en femme depuis longtemps. Mais commençons par le début.
J'ai passé une enfance heureuse et sans souci dans le midi de la France. J'étais réservée et j'avais peu de camarades mais j'avais mes frères. J'ai beaucoup joué avec eux; entre autres à la guerre des boutons tout nus dans la pinède voisine de la maison. Je n'ai pas de soeur et, comme à l'époque l'école primaire n'était pas mixte, la seule présence féminine de mon enfance a été ma mère qui dirigeait ses quatre "mâles" (y compris mon père) d'une poigne de fer.
A mon entrée au collège, j'ai éprouvé beaucoup d'intérêt pour les filles. Leur univers me paraissait merveilleux et j'aurais voulu en faire partie. J'avais une admiration béate pour une fille de ma classe, sa poitrine naissante et les reliefs de son soutien-gorge.
J'étais complètement ignorante des différences entre garçons et filles. Je savais seulement que les filles n'ont pas de zizi et mes camarades me racontaient des histoires invraisemblables. J'ai beaucoup lu pour combler ces lacunes. A cette époque, j'ai profité de ce que j'étais seule à la maison pour enfiler les bas et les jupons de ma mère et m'enivrer de féminité. Mais les occasions étaient rares. Pendant un camp de vacances chez les scouts, alors que je dormais sous la tente à coté de mon moniteur, il a glissé son bras dans mon sac de couchage et m'a caressé la verge; j'ai eu peur, j'ai retiré sa main et ça n'est pas allé plus loin.
J'ai beaucoup changé après 18 ans.Etudiante à Paris, j'habitais en cité universitaire et j'ai pris l'habitude de porter des bas le soir dans ma chambre en révisant mes cours.
C'était au début des années 70, à l'apogée des mouvements trotskistes, maoïstes, anarchistes; l'époque du MLF et de la naissance du mouvement homosexuel. Je lisais Freud, Reich et Lacan.
J'ai plu à des filles qui rejetaient les stéréotypes masculins, la drague et tout le folklore de la virilité. Quand je leur avouais mes goûts pour le travestisme, elles avaient des réactions compréhensives et même encourageantes.
Je me souviens de ma première jupe achetée dans la rue Mouffetard avec mon amie de l'époque. Une jupe longue en tissu provençal à volants qu'elle a essayée dans le magasin. Une fois rentrées dans ma chambre, je l'ai portée devant elle et elle s'est amusée de la bosse due à mon sexe. Plusieurs fois, je l'ai raccompagnée chez elle en portant cette jupe. Je la lui ai prétée contre les siennes...
J'ai rencontré ensuite d'autres amies avec lesquelles j'ai pu exprimer librement mes tendances et j'ai commencé à acheter mes vêtements seule.
Un jour à Marseille, alors que je venais d'acheter une paire de chaussures d'été à talons hauts, j'ai été draguée par un docker qui m'a emmenée chez lui dans un studio sordide. J'étais innocente et ce n'est que lorsqu'il m'a demandée de me déshabiller que j'ai compris ce qu'il voulait. Il a essayé de me pénétrer mais comme il ne bandait pas je suis partie.
J'ai ensuite rencontré la femme avec laquelle je vis depuis vingt ans et avec laquelle j'ai eu un garçon et une fille.Elle m'a prise comme j'étais, sans pour autant m'encourager. Elle espérait me "guérir" en m'apportant la féminité dont je manquais. Elle a totalement échoué car aujourd'hui, quand nous sommes seules toutes les deux à la maison, elle porte un jean et des baskets et je porte une jupe et des escarpins!
C'est moi qui fait les courses et ça ne me gène plus depuis longtemps de m'attarder au rayon femme pour m'acheter jupe, chaussures ou sous-vêtements féminins. Ma femme me pique mes jupes comme ma fille me pique mes pulls d'homme.
Parfois ça la fatigue; elle s'inquiète que je me laisse envahir par cette deuxième personnalité.Je me cache des enfants qui atteignent aujourd'hui leur maturité. Ils ont compris depuis longtemps pour avoir vu des soutien-gorges qui étaient trop grands pour ma femme et pour m'avoir surprise plusieurs fois en rentrant trop tôt du collège ou du lycée. Nous n'en avons jamais parlé.
A l'extérieur, je ne suis pas toujours assez prudente.Je m'habille régulièrement en femme pour conduire la voiture. J'ai été controlée plusieurs fois par la police de la route mais cela s'est toujours bien passé. Les policiers ont vérifié mes papiers et m'ont laissée repartir avec pour seul commentaire: "chacun vit sa vie comme il veut". Une fois, ils m'ont sincèrement appelée "madame" et j'étais aux anges.
J'ai marché dans des rues mal éclairées où j'ai croisé des hommes et des femmes qu'y m'ignoraient.
J'ai aussi trainé dans les bois et j'y ai connu des frayeurs: des hommes m'ont poursuivie à pied ou en voiture; pour en décrocher un j'ai même fait le tour du boulevard périphérique de Paris!
Depuis je suis plus prudente... Il m'arrive bien de sortir de ma voiture pour poster une lettre mais je n'ose plus comme il y a vingt ans marcher en jupe en plein jour dans la rue.
A Paris aujourd'hui, je me contente de porter des vêtements unisexes, des boucles d'oreilles et une perruque. Je n'ai jamais rencontré la moindre hostilité mais les commerçants continuent de m'appeler "monsieur". J'ai encore beaucoup de progrès à faire!
J'essaie de trouver mon équilibre dans cette situation ambigüe où je suis mi-homme mi-femme, de vivre les deux cotés de la sexualité, de m'enrichir de ce qu'ils ont chacun de meilleur.
Je vous embrasse toutes.