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« Shobu international », une petite histoire imaginée par sidonie

1 Shobu international sidonie sidonie.tv@caramail.com 28-05-2007, 9:55 Cette nuit, Kimiko n’avait que très peu dormi. Il n’avait cessé de se tourner en tout sens en pensant à Masao Yuki. Maintenant, il savait où travaillait le jeune homme, mais se retrouver face à lui en tant que Kurara était toujours autant impossible. Comment lui expliquer que le jeune homme en face de lui était la personne que Masao connaissait sous le nom de Kurara ? Comment parvenir à donner une explication sensée concernant le fait que Kimiko connaissait le lieu de travail de Masao ? A moins d’un quelconque dérèglement de l’esprit, personne de raisonnable n’agissait comme Kimiko l’avait fait.
Retrouver l’homme de sa vie pour le voir toujours aussi inaccessible, telle était la punition de Kimiko qui s’était joué du destin en troquant, le temps d’une soirée, ses pantalons pour une petite robe.

La nuit était encore noire, ce lundi matin, quand Kimiko décida qu’il ne pouvait rester une seconde de plus aussi éloigné de Masao. Il fallait qu’il l’approchât. Lui parler était folie, car Kimiko se connaissait assez bien pour savoir qu’il n’aurait jamais assez de courage pour aborder Masao, pour lui raconter une histoire invraisemblable de garçon pris pour une fille un matin où la brume avait inondé les rues de Kyoto. Mais Kimiko pouvait toujours parvenir à frôler Masao, entrer dans sa sphère de vie, suivre ses traces, partager, le temps d’un voyage dans les artères de la ville, la compagnie de celui qu’il aimait.

Kimiko se prépara le plus rapidement qu’il pu pour se poster à quelques mètres devant l’entrée de la société Shobu International. Dans la rue, une certaine animation commençait à régner. Des travailleurs venaient de tous horizons et sillonnaient les trottoirs, les yeux encore hagards, déjà prêts à sacrifier leur vie pour leur société, prêts à donner leur existence plutôt que de ne pas servir correctement leur employeur. Ils étaient encore nombreux, ces guerriers modernes, ces samouraïs de l’économie, qui ne vivaient que pour leur entreprise.

Dans la foule de plus en plus nombreuse, Kimiko distingua Masao. Le coeur de « Kurara » frémit, palpita même de plus en plus. Le visage de Masao était accablé de cette tristesse sous laquelle son corps ployait depuis quelque temps. Kimiko se mordit les lèvres de se voir ainsi la cause d’un chagrin sans nom, d’une mélancolie apparemment sans borne qui pourtant pouvait recevoir un remède.

Masao frôla Kimiko sans le remarquer. Il est vrai que le premier était plongé dans ses pensées et que le second ne semblait pas plus palpable qu’une ombre. Comme à son habitude, Kimiko n’était qu’une apparition parmi les hommes, une créature effacée que masquaient les puissantes armées de travailleurs qui s’affrontaient sur les trottoirs de Kyoto.

Kimiko, doucement, s’approcha de Masao. Il se fondit dans son espace, n’étant plus que l’ombre de celui pour qui son coeur battait. Un léger parfum musqué piquait les narines de Kimiko. Masao sentait les bois et la forêt, la vie sauvage, les montagnes et leurs cours d’eau. Sans quitter Masao d’une semelle, Kimiko inspirait de longues bouffées du parfum du jeune homme. Il tentait de s’imprégner de Masao.

Est-ce folie que de suivre l’homme que l’on aime ? Est-ce déraisonnable que de vouloir humer son parfum ? Kimiko se sentait étrange d’agir comme il le faisait. Cela n’était pas normal de faire ce qu’il faisait, d’être comme il était. Mais sa rencontre avec Masao avait-elle été normale ? En apparence, oui, mais par delà ces apparences, rien ne semblait être raisonnable. Voilà qu’un jeune homme en aimait un autre, que l’un de ces deux jeunes gens s’était habillé en demoiselle, que l’autre croyait l’aimer alors qu’il ne savait pas à qui il avait à faire. Voilà maintenant que l’un des deux suivait l’autre, respirant les fragrances de son corps.

Masao ne ralentit pas lorsqu’il s’engouffra dans l’immeuble de la société Shobu International. Kimiko le regarda avancer jusqu’à l’ascenseur qui l’engloutit quelques instants plus tard. Kimiko sourit. Il était heureux d’avoir passé quelques trop rares minutes en compagnie de Masao, même si ce dernier n’avait aucunement eu conscience de sa présence. Il avait partagé un peu de la vie de celui qu’il aimait et cela le remplissait d’une joie qu’il pouvait difficilement contenir. Kimiko avait envie de rire, de chanter, de dire au monde : « J’ai accompagné mon homme jusqu’à son travail. »

Dans la rue, les gens continuaient d’aller en tous sens, formant une foule de plus en plus compacte et animée. « Pourquoi ne pas entrer dans les locaux de Shobu International ? » se demanda Kimiko. Rien ne l’empêchait de faire cela et découvrir quelques éléments de la vie de celui qu’il aimait ne pouvait que lui être bénéfique. Kimiko poussa alors la porte de l’immeuble et pénétra dans le hall qui bourdonnait d’activité. Partout s’affairaient des gens qui prétendaient se détendre ou attendre le début de leur travail. Chacun travaillait déjà en faisant mine de ne rien faire. Des bribes de phrases parvenaient à Kimiko.
- Il faut tenter d’augmenter la productivité de certaines usines pour permettre à la demande des clients d’être satisfaite...
- La Chine est difficile. Elle veut nos produits, puis refuse de les payer au prix escompté...
- Shiki a été vu avec une très jeune femme. Serait-il amoureux ?
- L’annonce pour trouver un assistant spécialisé dans les langues européennes a été publiée aujourd’hui. Nous recevrons très vite des postulants...

Cette dernière phrase retint l’attention de Kimiko. Il avait appris l’anglais et le français parce qu’il avait été subjugué par les histoires d’Edgar Poe et d’Emile Zola, mais ses connaissances dans ces deux langues pouvaient lui servir à autre chose. Elles étaient un moyen de vivre plus près de Masao-san, en partageant son lieu de travail : en devenant un employé de Shobu International.
La décision de Kimiko était prise. Il allait postuler au poste offert par la société.

Masao Yuki entra dans la petite salle de réunion en poussant un gros soupir. Ces entretiens pour tenter de trouver le collaborateur idéal n’avaient pas été très fructueux jusqu’ici. Les cinq cadres de Shobu International qui avaient été chargés de cette tâche – dont lui – avaient déjà vu passer devant leur petit « tribunal » des éléments intéressants ; mais aucun ne présentait vraiment le profil recherché. Quelques-uns étaient visiblement habités par l’esprit « offensif » de l’empire Shobu, mais leurs connaissances linguistiques s’avéraient finalement assez maigres. D’autres, par contre, se débrouillaient plus qu’honorablement dans l’une ou l’autre langue européenne, mais ne semblaient guère pouvoir se couler dans le moule de la société de produits alimentaires.

Masao jeta un œil distrait sur la liste des postulants que le petit comité devait entendre cet après-midi : trois jeunes gens et trois jeunes filles. Des copies de leur C.V. étaient jointes dans une grande chemise. Le jeune homme les parcourut en diagonale et se retourna vers l’un de ses collègues :
- Tu crois que c’est pour cette fois ?
- Je commence à devenir pessimiste. Je crois que nous plaçons la barre un peu trop haut. Je me demande si nous n’allons pas être obligés de revoir nos exigences à la baisse. Mais cela impliquerait de réétudier tous les C.V. et de faire défiler à nouveau devant nous tous les candidats retenus.

Pour la deuxième fois en quelques minutes, Masao poussa un énorme soupir. Il songea aux investigations effectuées jusque là. Shobu International avait reçu près d’une centaine de propositions. Masao, comme les quatre autres membres du « tribunal », avait dû passer au peigne fin tous les C.V. pour opérer un premier tri. Cette tâche de fourmi – qu’il avait dû effectuer chez lui, en heures supplémentaires non payées – ne l’avait guère passionné. Mais Masao avait été obligé de s’avouer que, pour le moment, plus rien ne le passionnait. Vendredi dernier, il n’avait même pas eu l’envie de faire sa virée hebdomadaire dans le bar karaoké de « ses » succès. C’était un signe inquiétant à ses yeux. Masao se demandait s’il n’était pas en train de sombrer dans une certaine forme de dépression. Mais il sentait que consulter un psychiatre ne l’aiderait point. La cause de son coup de cafard, il ne la connaissait que trop bien : elle se nommait Kurara. Le jeune cadre avait foi en la médecine (bien qu’il n’eût encore jamais été en contact avec un spécialiste de la « médecine de l’âme »). Néanmoins, son esprit logique lui avait dicté qu’aucun membre du corps médical, aussi talentueux fût-il, ne pouvait l’aider en quoi que ce soit pour retrouver la fille des brumes...
Si Masao s’était abstenu d’aller jouer au crooner d’opérette, il n’était pourtant pas resté à se morfondre entre ses quatre murs : il s’était lancé avec détermination sur la piste incertaine de l’élue de son cœur !

Il avait arpenté l’avenue Motoki pendant cinq heures durant la nuit de vendredi à samedi. Mais en vain. Il avait bien sûr croisé des noctambules, mais très peu de jeunes filles seules. Et aucune d’elles, à ses yeux, n’avait la beauté, la grâce et le charisme de Kurara, dont une sorte de photographie demeurait gravée dans son esprit de manière indélébile. A un moment donné, Masao avait pensé adopter une autre tactique. Il avait retenu que, lors de leur rencontre, Kurara revenait d’une discothèque. Il avait songé à explorer les « dancing rooms » dans un rayon déterminé. Mais très rapidement, il avait été obligé de condamner ce plan. D’abord, il réalisa que les discothèques étaient beaucoup trop nombreuses dans les environs. Ensuite, il se dit qu’une attente statique valait mieux, dans le cas présent, qu’une exploration dynamique : la jeune fille pouvait fort bien déambuler dans l’avenue Motoki pendant que lui tenterait de faire l’inspection, le plus souvent dans une pénombre savamment entretenue, d’un certain nombre de « boîtes ». Masao se frappa une tempe avec une paume bien tendue et décréta que cette stratégie, qui paraissait intéressante de prime abord, ne constituait, en dernière analyse, qu’une mauvaise bonne idée. Une phrase crissa entre ses dents :
- La seule et unique solution raisonnable, mon garçon, consiste à demeurer dans l’avenue !

Vers cinq heures du matin, quelque peu transi, Masao du néanmoins admettre qu’une jeune fille « bien » ne devait plus circuler seule dans les rues de Kyoto ; il n’avait plus qu’à rejoindre, bredouille, son petit appartement en reportant déjà tous ses espoirs sur le vendredi suivant. Et il eut bien du mal à faire taire cette espèce de diablotin qui, quelque part au fond de son cerveau, lui répétait en se moquant ouvertement de lui :
- Et qui dit que ta Kurara va danser chaque vendredi dans le même quartier ? Et qui dit que ta Kurara rentre chaque fois chez elle à pied ? Et qui dit...
Masao fut ramené à la réalité par la voix cristalline d’une secrétaire ouvrant brusquement la porte donnant sur le local dans lequel les cinq membres du « tribunal » attendaient, avec un certain scepticisme, de dénicher « l’oiseau rare ».
- Le premier candidat de cet après-midi, Monsieur Kimiko Asakura...

Un jeune homme assez frêle pénétra dans la pièce à pas comptés. A la suite d’un vague mouvement du menton d’un supérieur de Masao, le dénommé Asakura prit place, d’une manière très coulée, dans l’unique siège libre du local, faisant ainsi face aux cinq inquisiteurs répartis de l’autre côté d’une vaste table. Un silence de plomb régna durant une bonne minute dans la pièce. Les « comitards » étaient plongés dans leurs notes, tandis que le nouveau venu, que l’étiquette obligeait à demeurer silencieux, scrutait attentivement les visages ostensiblement fermés qui lui faisaient face. En tout cas, quatre d’entre eux : Monsieur Asakura évitait soigneusement de croiser le regard de Masao... et celui-ci nota ce détail. Mais il nota aussi quelque chose de bien plus troublant à ses yeux. Intérieurement, il se dit :
- Suis-je le sujet d’une hallucination ? Ce Kimiko Asakura possède un visage qui me rappelle étrangement l’objet de tous mes rêves. Mais... Tu deviens cinglé, mon pauvre Masao ! Tu as été envoûté par « ta » Kurara. Ressaisis-toi !

L’entretien démarra enfin. Et immédiatement, un flux d’ondes positives sembla émaner du nouveau postulant. Au niveau de l’esprit d’entreprise, il correspondait assez bien au profil « Shobu ». Mais, c’est sur le plan de ses compétences en langues européennes qu’il éblouit tout de suite le petit groupe. L’un des supérieurs de Masao, nommé Fujinawa Akio, répétait à qui voulait l’entendre qu’il excellait dans la langue de Shakespeare. Il se lança donc dans une conversation assez complexe avec Monsieur Asakura... pour être obligé d’admettre, après quelques minutes, que son interlocuteur parlait l’anglais bien mieux que lui. Il fut immédiatement relayé, mais en français cette fois, par un collègue de Masao qui avait étudié à Paris pendant deux ans. Lui aussi du abdiquer assez rapidement, le postulant pratiquant la langue de Voltaire avec plus de subtilité que lui. Les cinq cadres de Shobu International se regardèrent à la dérobée : la « perle » qu’ils n’espéraient presque plus n’était-elle pas sous leurs nez ? Masao Yuki entreprit de se mêler à l’interview.
- Voyons... Vous habitez encore chez vos parents, Monsieur Asakura ?
- Non, je vis seul, Monsieur, depuis quelques années déjà.
- Vous êtes brouillé avec eux ?
- Pas du tout, mais j’ai estimé, à un moment donné, qu’il était temps que je quitte le cocon parental.
- Je vois... Vous avez des frères, des sœurs ?
Masao remarqua que Kimiko Asakura rougit légèrement, mais aussi, une fois encore, qu’il fixait obstinément un point dans le vide, évitant étrangement son regard.
- Je n’ai pas de frère. Mais... euh... j’ai effectivement... euh... une sœur. Une sœur jumelle d’ailleurs.
Masao sentit son estomac se nouer, tandis qu’un espoir insensé s’emparait de son esprit au bord de l’affolement.
- Est-il indiscret de vous demander son prénom, Monsieur Asakura ?
- Non... pas du tout... euh... Elle se prénomme Kurara.

Le cœur de Masao se mit à battre à un rythme insensé dans sa poitrine. Il se mit à transpirer subitement abondamment. Les autres membres du comité de sélection – qui l’observaient curieusement depuis quelques minutes, se demandant en quoi ces considérations « familiales » avaient une quelconque importance dans l’enjeu du moment – se posèrent la question de savoir si Masao Yuki n’était pas en train de délirer. Sans prêter la moindre attention à leurs regards interrogateurs, le jeune cadre de Shobu International poursuivit, presque en hurlant :
- Vous avez une sœur jumelle, Monsieur Asakura, une sœur jumelle du nom de Kurara ?
- Oui... euh... oui. Vous voulez voir sa photo ?

Masao sentit son coeur trembler comme le ferait une île un jour de séisme. Il lui était possible de poser à nouveau son regard sur celle qui le hantait depuis maintenant trop longtemps. Enfin, enfin, ses yeux allaient pouvoir appréhender le visage charmant et quelque peu enfantin de Kurara. « Oui ! » Telle était le cri lancé par le coeur de Masao. « Oui ! » Il fallait qu’il revoie Kurara, qu’il puisse l’embrasser du regard une nouvelle fois. « Oui ! » Seul ce mot résonnait dans l’âme de Masao.
- « Non merci, cela sera inutile Asakura Kimiko. Nous ne sommes pas ici pour employer votre soeur. » répondit Fujinawa Akio.
Masao sentit une vague de rage et de rancoeur s’élever en lui. Une fois de plus le destin semblait vouloir le séparer de celle qu’il aimait. Le jeune homme replongea dans une certaine torpeur, où ses rêves lui semblaient accessibles et Kurara moins insaisissable.

Le jeune Asakura Kimiko se leva après que les représentants de Shobu International eurent quitté leur chaise. Il fit une révérence aussi gracieuse que polie à chacun des individus présents puis disparu des locaux pendant que Masao ne parvenait pas à quitter le monde des songes où Kurara ne cessait de l’appeler


Responsable du site : Lucie Sobek


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