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« Lettres du village », une petite histoire imaginée par marietherese

1 Lettres du village jeanne jeanne.claude@femme.net 14-10-2004, 6:33 Neupré les oies, le 17 septembre

Ma chère nièce, comment vas-tu? Comment se passe ton entrée en fonction comme femme de chambre, à la ville ? Tu as eu beaucoup de chance d'être remarquée par ta patronne. Surtout fais bien tout ce qu'il faut pour qu'elle soit satisfaite de tes services.

Ici les vaches sont rentrées dans les étables. Elles sortent encore dans les prés en journée. Les fermiers finissent de préparer leur provision de bois pour l'hiver. Marcel, le valet de ferme de chez l'Anglu, notre voisin, est venu s'occuper de mon bois. Il pense que l'hiver sera rude, et il s'y connaît. Pour mes mains cela ne s'arrange pas. Heureusement ma voisine Simone vient m'aider à faire la cuisine. C'est d'ailleurs elle qui écrit cette lettre. Moi je ne saurais plus le faire.

Simone te fait bien le bonjour.

Ma chère nièce, prends bien soin de toi,

ta tante Marie



Neupré les oies, le 12 octobre

Ma chère nièce, comment vas-tu? J'espère que tu te fais un peu à la vie de la ville et que tu te plais dans ton nouveau métier. Sois bien attentive aux ordres de ta patronne.

Ici les vaches ne sortent plus de leurs étables. Les canards sauvages sont passés. Le froid est déjà là. Maintenant j'ai fort mal aux mains et aux poignets. Je ne sais plus les employer. Le docteur est venu jusqu'ici. Il ne peut rien faire. C'est la vieillesse qui veut cela. J'ai trop travaillé, trop dur et trop longtemps. Je dois rester au chaud et me reposer. Heureusement Simone vient me faire la soupe et la cuisine. Elle est souvent ici. Nous mangeons ensemble et nous passons du temps près du feu, à nous raconter des histoires de dans le temps, lorsque nous avions ton âge. C'est plus agréable et nous économisons ainsi le bois.

Le curé est passé hier dans l'après midi. Il est venu en vélo. J'ai demandé à Simone de lui présenter une goutte, mais il a refusé poliment. Simone et moi allons encore à la messe du dimanche. Nous allons à pied, bras dessus, bras dessous. Bientôt nous ne pourrons plus y aller. Monsieur le curé nous apportera alors la communion.

Le père Antoine, tu sais le vieux fermier de la côte de la Bleuse, est mort mardi passé.

C'est Simone qui t'a encore écrit cette lettre. Elle te fait bien le bonjour.

Ma chère nièce, prend bien soin de toi,

ta tante Marie



Neupré les oies, le 16 novembre

Ma chère nièce, comment vas-tu? J'espère que tu vas bien. J'espère que tu as un bel uniforme. Cela m'aurait bien plus à ton âge d'avoir un bel uniforme et de travailler à la ville.

Ici nous avons eu les premières neiges. Hier matin, il faisait tout blanc dehors. Je l'avais senti la veille dans les mains et les poignets. J'avais encore plus mal que d'habitude. Je n'ai pas dormi de la nuit. Dimanche, j'ai été à la messe avec Simone. C'était notre dernière messe à l'église du village avant longtemps. Nous essayerons d'aller à la messe de Noël. A la fin de la messe, avant que nous ne repartions, le curé nous a donné spécialement sa bénédiction.

Il y a deux vaches malades à la ferme Couteau

Simone qui écrit cette lettre te salue.

Ma chère nièce, prend bien soin de toi,

ta tante Marie



Neupré les oies, le 31 décembre

Ma chère nièce, comment vas-tu? J'espère que tu as passé une bonne fête de Noël.

Simone et moi avons été à la messe de Noël, ici au village, grâce à Marcel qui est venu nous chercher avec la charrette. Le curé a annoncé l'arrivée d'un nouveau vicaire. Celui-ci est arrivé le lendemain. Le curé a organisé une procession dans les rues du village pour fêter son installation. Simone et moi avons placé un petit autel sur le bord de ma fenêtre, en y mettant le crucifix de la cheminée et les fleurs séchées de mon bouquet de mariée. Nous avons vu notre nouveau vicaire. Il est bien jeune, mince et timide. Il a l'air bien gentil.

Hier il est venu jusqu'ici en vélo pour nous saluer et faire connaissance. Il a un beau regard. Il a bu un grand bol de café. Il a des gestes calmes. Il y a beaucoup de force en lui.

Une des deux vaches de chez les Couteau est morte, l'autre s'est rétablie.
Simone qui écrit cette lettre te souhaite une bonne nouvelle année.

Ma chère nièce, prend bien soin de toi,

ta tante Marie



Neupré les oies, le 17 janvier

Ma chère nièce, comment vas-tu? J'espère que tu n'as pas trop de neige chez toi, à la ville.

Ici, nous en avons eu beaucoup. Marcel est venu dégager mon entrée. Simone habite maintenant ici, cela nous fera de l'économie de bois. C'est aussi plus pratique pour s'entraider. A deux, Simone en haut et moi en bas nous avons remonté les poids du régulateur. Ce n'était pas facile, moi avec mes mauvaises mains et Simone avec sa grosse bosse. Elle était montée sur mon tabouret. Ainsi nous pourrons à nouveau écouter son tic tac, lorsque nous serons tranquilles, près du feu.

Le vicaire est venu nous dire bonjour cet après midi. Nous l'avons laissé parler. Simone et moi nous l'écoutions. Il a eu une enfance difficile. Son père était violent. Il a beaucoup d'amour en lui qu'il fait partager autour de lui. Il est gentil et doux. De temps en temps il se tait et nous fait écouter le silence. Quand il boit son café, il place ses deux mains autour du bol, comme je le fais, pour les réchauffer. Moi qui souffre beaucoup je te dis que cet homme a une souffrance en lui, une souffrance vive et continue. Ce n'est pas une souffrance physique, c'est quelque chose à l'intérieur de lui. Ce qu'il y a de fascinant c'est que cette souffrance est offerte.

A certains moments il me fait penser à toi, ma nièce. Il a parfois des manières, des expressions, des gestes, un peu comme toi.

Simone qui écrit cette lettre te fait bien le bonjour.

Ma chère nièce, prend bien soin de toi,

ta tante Marie



Neupré les oies, le 12 février

Ma chère nièce, comment vas-tu? J'espère que tu n'as pas trop froid à la ville.

Ici il fait très froid. Je le sens à mes mains et mes poignets. Mes coudes s'y mettent eux aussi pour me faire souffrir. Le vicaire est encore passé. Il nous a parlé de sa visite chez monsieur le marquis. Il habite le "Château", la grande maison sur la place du village, en face de l'église. Monsieur le marquis va souvent à Paris, pour ses affaires. Madame la marquise est souvent seule, souvent triste. Elle ne se console pas de la mort de ses deux filles. C'étaient deux charmantes jeunes filles qui sont mortes à trois mois d'intervalle, d'une maladie dans les poumons. Le vicaire ira encore la voir pour lui parler. Elle en a fort besoin, dit-il.
Simone qui écrit cette lettre te fait bien le bonjour.
Ma chère nièce, prend bien soin de toi,
ta tante Marie



Neupré les oies, le 25 février

Ma chère nièce, comment vas-tu?

Il est arrivé quelque chose d'important au village. Marcel est venu nous le raconter ce matin. Avant-hier soir, monsieur le marquis est rentré de Paris plus tôt que prévu. Il a sonné chez lui et son valet, qui est le frère de Marcel, lui a ouvert. Il avait besoin de la signature de madame pour des papiers importants. Il est monté sans tarder à la chambre de madame. Le valet a entendu des éclats de voix. Monsieur criait, il était fort en colère. Madame suppliait et sanglotait. Monsieur a hurlé : "Dehors !" Quelqu'un est descendu. A voir ses habits, la belle robe, le chapeau, les souliers, le sac à main, les longs cheveux, le valet a cru que c'était une amie de madame. Mais lorsqu'il a pu voir la personne de près, il a bien vu que c'était le jeune vicaire qui, terrorisé, dégringolait les escaliers. Monsieur lui courait après en vociférant.

Le curé a été convoqué séance tenante. Monsieur le marquis a parlé de scandale, d'exigence, de réclusion, de plainte en justice.

Le vicaire ne quitte plus sa chambre. Il attend la réponse du cardinal.

Sois bien attentive à bien faire ton service et à donner satisfaction à tes maîtres.
Simone qui a écrit cette lettre t'envoie bien le bonjour.

Ma chère nièce, prend bien soin de toi,

ta tante Marie



Neupré les oies, le 9 mars

Ma chère nièce, je t'écris pour te tenir au courant des derniers évènements.
Le facteur nous a dit que le vicaire allait partir pour l'Indochine. Personne au village ne l'a plus vu depuis que monsieur le marquis l'a chassé de chez lui.

Hier je l'ai vu passer sur la route, semblant porter un très lourd fardeau. Pourtant il n'avait qu'une petite valise en carton à la main. Je suis sortie et je l'ai appelé. Il a eu l'air surpris et est resté immobile, étonné que quelqu'un veuille lui parler. Je lui ai fait signe de venir. Il est venu sur le pas de ma porte et attendait là sans bouger. En souriant, je lui ai fait signe d'entrer. Je lui ai préparé du café dans un bol. Ce n'était pas facile, Simone est venue m'aider.

Il nous regardait l'une et puis l'autre, d'un air un peu effrayé. Nous lui avons souri et l'avons invité à s'asseoir à la table. Il s'est assis et a pris le bol à deux mains. Il a bu lentement le café bien chaud, les yeux fermés. Il avait l'air triste et malheureux. Je ne savais pas quoi lui dire. Je me taisais. Je voyais sa souffrance et je souffrais avec lui. Quand il a posé le bol sur la table, il a gardé ses mains sur le bol. J'ai posé mes mains sur les siennes. Simone s'est levée doucement et a mis sa main sur son épaule. J'ai vu une larme couler sur son visage. Il a hoché plusieurs fois la tête, a murmuré quelque chose que je n'ai pas bien compris, puis il a pris une de mes mains dans les siennes et l'a embrassée. Il a fait de même avec l'autre. Il s'est levé et a embrassé Simone en plaçant ses deux mains sur sa bosse. Il a repris sa valise et est parti.

Nous sommes sorties avec lui et l'avons regardé marcher sur la route. Le vent a commencé à souffler. Au fur et à mesure qu'il s'éloignait, le vent devenait plus puissant. Le vent n'était pas froid, il était doux, il venait de partout à la fois. Nous sommes restées longtemps devant la maison après que le vicaire eut disparu au loin.

C'est en voulant rentrer, en me tournant vers Simone que j'ai su que quelque chose avait changé. Simone, que j'avais toujours connue un peu plus petite que moi, était maintenant un peu plus grande que moi. En voulant toucher son dos, là où il y avait sa bosse, j'ai vu ma main. C'était la même main que celle que j'avais lorsque j'étais jeune fille. Et cette main, ma main, avait des doigts et un poignet souples qui pouvaient bouger sans me faire du mal. Tout doucement j'ai levé ma main gauche et j'ai vu une autre main toute pareille. Le vent s'est arrêté brusquement.

Le curé est venu nous voir. Il est arrivé en transpiration, tant il avait pédalé fort dans la côte. Je lui ai présenté une goutte qu'il a bue d'un trait. Il en a bu trois d'affilée. Nous lui avons raconté tout ce qui s'était passé. Il avait l'air fort étonné, perplexe et un peu contrarié. Il s'est levé brusquement en disant qu'il avait une lettre importante à écrire.

La neige est partie. Le ciel est tout bleu. Il y a un beau soleil. Les canards sauvages sont repassés. Le printemps sera très beau.

C'est moi-même qui t'ai écrit cette lettre ci. Simone te remet bien son bonjour.

Ma chère nièce, pense aux choses importantes de la vie et prend bien soin de toi,

ta tante Marie


Responsable du site : Lucie Sobek


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