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« L’ENQUETE DU COMMISSAIRE MOGERKE », une petite histoire imaginée par marietherese

1 L’ENQUETE DU COMMISSAIRE MOGERKE marie therese marietheresekoest@yahoo.fr 18-09-2007, 12:00 L’ENQUETE DU COMMISSAIRE MOGERKE

Je venais juste de sortir de l'école de police. J'avais reçu un beau papier mentionnant mon titre d'inspecteur stagiaire. Ma première affectation était la brigade de S. . Je devais me présenter au commissaire principal, monsieur de Leyer.

C'était un homme petit et à qui cela ne plaisait pas de l'être. Il mettait tout en œuvre pour atténuer ce défaut. Son bureau, la disposition de celui-ci, et tout particulièrement la hauteur des sièges étaient agencés dans ce sens. Son regard aigu, sa voix claire et précise impressionnaient ses interlocuteurs.

Il lut ma lettre d'affectation avec soin. Il parcourut le relevé de mes notes d'examen, et les commenta sans ménagement. Il me posa quelques questions sur mes points faibles et la façon dont je comptais m'y prendre pour les améliorer. Il écouta mes explications en faisant la moue et me dit :
"Dans votre cas il y a beaucoup à faire. Je vais vous confier au commissaire Mogerke. Il n'a pas un caractère facile, mais si vous vous appliquez, vous apprendrez beaucoup de choses."
Il m'invita à patienter quelques instants. Il avait à terminer un rapport pour le préfet.

J'attendais dans le couloir, lisant sans vraiment y prêter attention le nouvel arrêté préfectoral concernant la répression de l'ivresse sur la voie publique, lorsque l'on me tapa sur l'épaule.

J'avais rencontré Marcel à l'école de police, il faisait partie de la promotion précédant la mienne. Nous venions du même département et nous avions sympathisé. Rapidement nous avons échangé quelques nouvelles. Apprenant que j'allais travailler avec Mogerke, il eut une moue dubitative, un peu peinée.
"Mon pauvre vieux, tu ne resteras pas longtemps avec lui. Il est formidable, il sait démêler les enquêtes les plus difficiles, mais il est invivable. Il a un caractère épouvantable. Le commissaire principal lui colle systématiquement comme adjoint les nouveaux inspecteurs stagiaires. Souvent ils ne terminent même pas leur première enquête avec lui. Il les juge incapable et les renvoie au principal. Certains ne tiennent que quelques minutes. Je détiens le record, j'ai tenu toute une enquête. C'est vrai qu'il est très fort, mais il vaut mieux apprendre des choses de lui en ne restant pas à proximité. Méfie toi surtout de son regard. "

Le commissaire principal me conduisit au bureau du commissaire Mogerke.
En approchant du bureau, je remarquai que l'allure de sa marche se ralentissait. Arrivé devant la porte, monsieur de Leyer lut avec attention l'écriteau placé sur la porte, comme s'il le voyait pour la première fois. Puis il frappa doucement à la porte. Une voix forte se fit entendre :
"Entrez ! "
Le commissaire principal entrouvrit la porte, resta à l'extérieur du bureau du commissaire Mogerke, et dit d'une voix où je perçus quelques pointes d'hésitation :
"Mon cher commissaire Mogerke, voici le nouvel adjoint dont je vous ai parlé." N'attendant pas la réponse, il s'esquiva, me fit signe d'entrer et referma rapidement la porte derrière moi.

Ce qui me frappa d'abord, c'était son aspect massif, son volume imposant, sa force tranquille, sa puissance contenue. Ensuite ce fut son regard. Il me regardait sans exprimer de sentiment. C'était comme s'il n'était pas là, comme si je n'étais pas là non plus. C'était comme si un objet était placé près d'un autre objet, sans plus. Puis tout à coup je sentis son regard se pointer dans mes yeux et me fouiller de l'intérieur. Je me suis senti soupesé, évalué. Je savais que sans lire aucun rapport, il connaissait déjà mes nombreux points faibles et mes quelques points forts.
Il fit la moue, baissa ses yeux, poussa un soupir et réfléchit un moment. D'un geste fataliste, il se massa les sourcils à l'aide de sa main droite.
Il lâcha un "Enfin…", choisit une pile de dossiers et les fit glisser sur son bureau dans ma direction.
"Tenez, prenez déjà ces trois ci. Ce sont trois dossiers en cours dont je m'occupe. Lisez-les."
Je les pris en main. Je restai planté là, ne sachant où aller. Sans lever les yeux, d'un geste négligeant de la main, il m'indiqua le coin de son vaste bureau le plus éloigné de son fauteuil.
"Surtout ne dérangez rien !" Me recommanda t-il d'une voix cassante.
Sans me faire prier, je m'installai comme je le pouvais. Je m'assis sur l'unique chaise libre. Je posai mes dossiers au sol devant moi et en gardai un sur les genoux.

Le silence était entrecoupé par des craquements de son vieux fauteuil, des bruits de sa pipe et ses exclamations :
"Tiens !" "J'y crois pas !" "A vérifier " "Mmmm…" "Ah!" "Aaaah…"

Il mit du temps à décrocher le téléphone. Je vis sa main chercher à tâtons le cornet, tout en continuant à lire son dossier. D'une voix agacée il lança un "Qu'est ce que c'est ?" sec et bref.
Je vis son regard se détacher de son dossier et s'élever lentement.
Il émit quelques "Mmm…" sentencieux, quelques "Ah…" d'intérêt. Il griffonna quelques indications. Je sentais que l'atmosphère s' adoucissait.
Il remit lentement le cornet en place, fit quelques annotations dans son dossier, le referma soigneusement, se leva et lança sans me regarder : "On y va !"
Sans hésiter, je le suivis.
En sortant de son bureau, il s'adressa au planton et commanda une voiture pour le conduire à B.
En passant à vive allure devant le bureau du commissaire principal, il leva poliment son chapeau. Je fis de même.
Dans la voiture, d'un ton calme, comme s'il lisait un dossier posé devant lui, il m'expliqua ce qu'il savait de cette nouvelle affaire qui venait de lui être confiée.
Madame de Wary était la veuve d'un riche industriel qui avait fait fortune dans le textile.
Elle vivait seule dans une élégante villa entourée d'un parc. Elle n'avait que deux domestiques.
Elle possédait de nombreux bijoux qu'elle gardait dans un coffre. Elle venait de constater la disparition de ses bijoux.

Il a fait garer la voiture sur le boulevard. Il est resté tout un temps dans la voiture à examiner la villa et le parc joliment recouvert de neige. Il est sorti de l'auto et s'est dirigé vers la grille d'entrée en prenant soin de ne pas marcher sur d'éventuelles traces de pas laissées dans la neige.

Lorsque le majordome s'est approché pour nous ouvrir la grille, il lui a fait de grands signes pour l'obliger à faire un détour. En effet il avait repéré deux traces de passage dans la neige qu'il me désigna d'un mouvement ample de sa pipe. Il examina de loin les traces laissées dans la neige par le franchissement de la grille. Il donna des instructions au chauffeur pour que personne ne vienne déranger ces traces.

Il entra le premier dans la villa. Il regardait partout, de tous côtés, notant systématiquement tous les détails.
Arrivé au salon, il salua madame de Wary en s'inclinant devant elle. Il continua de fureter dans le salon, tenant sa pipe à la main et tirant de temps à autres une longue bouffée. Il était devenu une machine à observer. Je voyais son plaisir sur son visage.
"Auriez vous l'obligeance de bien vouloir éteindre votre engin malodorant ?" Dit–elle d'une voix pincée et légèrement nasillarde.

Il eut d'abord l'air surpris. Il se tint immobile, comme s'il cherchait d'où pouvait bien venir une remarque aussi déplacée. Puis il comprit que c'était madame de Wary qui l'avait émise. Il lui jeta un coup d'œil et comprit qu'elle était sérieuse, qu'il ne s'agissait donc pas d'une plaisanterie douteuse.
Il rougit légèrement, mais uniquement des oreilles. Je vis sa main se crisper sur le manche de sa pipe. Il se dirigea vers la terrasse, et me lança sèchement un :
"Commencez donc l'enquête sans moi, mon cher collègue." au passage.
Il se planta dans un coin de la terrasse, débarrassa avec brusquerie un fauteuil de jardin de la neige accumulée, s'assit, et contempla ostensiblement le paysage en continuant à fumer sa pipe.

Je respirai lentement trois fois de suite et commençai à poser mes questions autour de moi.

Deux heures plus tard je rejoignis le commissaire qui n'avait pas quitté la terrasse.
Il me fit signe de m'approcher et me lança un :
"Alors ?"
Je me raclai la gorge et commençai :
"Effectivement, madame de Wary habite seule avec ses deux domestiques. Anne est sa femme de chambre. Bertrand est son majordome. Ils sont à son service depuis de nombreuses années.
Les bijoux et les papiers importants de madame sont enfermés dans un coffre situé dans sa chambre. Elle a encore sorti ses bijoux du coffre ce matin vers onze heures."

Tout en m'écoutant avec attention, il sortit son petit attirail de fumeur de pipe. Il évacua les cendres, bourra le tabac qui n'avait pas encore brûlé, fourailla dans le tuyau avec une tige et ralluma délicatement sa pipe avec une allumette. Lorsque la fumée s'éleva, il aspira profondément une bouffée et souffla en une longue expiration un fin filet de fumée qu'il observa tout en m'écoutant.
"Elle a déjeuné dans sa salle à manger, située au rez de chaussée, vers douze heures trente. Elle a été servie par son valet et sa femme de chambre. L'un servant les plats et l'autre les boissons. La neige a commencé à tomber hier soir. Il y a des traces de pas bien visibles dans la neige, entre le bas de la fenêtre de la chambre de madame et la grille à l'entrée du parc. J'ai observé des traces d'escalade sur la grille. Les traces de pas se perdent au milieu du boulevard. Les traces indiquent qu'une personne a marché dans la neige entre le milieu du boulevard et la chambre et que cette personne a effectué le trajet dans les deux sens.
La fenêtre semble avoir été ouverte de l'extérieur. Un carreau de celle-ci a été brisé. Le voleur a ainsi pu glisser sa main et manœuvrer le dispositif d'ouverture de la fenêtre. Les morceaux de verre sont tombés à l'intérieur de la chambre, sur un tapis, sans attirer l'attention.
Le coffre a été fracturé; seuls les bijoux ont disparu. Ce coffre est impressionnant, mais il présente un défaut. Il a suffi au malfaiteur de dévisser le panneau arrière pour s'emparer de son contenu."
Je m'interrompis et j'attendis son verdict.
Deux minutes et cinq bouffées plus tard, il me dit d'une voix douce, accompagnant le rythme de ses phrases par des mouvements de l'embouchure de sa pipe :
"Ca m'a l'air tout simple. Une personne extérieure à la villa, probablement bien informée, s'est introduite par effraction dans la chambre et a volé les bijoux."
Je ne bougeais pas. Je vis à sa façon de crisper sa main sur sa pipe qu'il s'attendait à me voir partir et courir en tous sens pour continuer à enquêter d'après ses directives.
Trois bouffées plus loin, il n'y tint plus :
"Alors, qu'attendez-vous ?"
J'attendis encore un moment là, debout devant lui, les bras le long du corps.
Il fronçait ses sourcils épais, en tirant furieusement sur sa pipe.
J'inspirai profondément et me lançai dans la suite de mon explication :
"J'ai l'impression que l'on veut lancer l'enquête sur une fausse piste. J'ai trouvé que les morceaux de verre de la vitre brisée étaient un peu bizarres. En fait, il me semble que la vitre a été brisée lorsque la fenêtre était légèrement ouverte. Ceci m'indique que quelqu'un a voulu me faire croire que la vitre a été brisée de l'extérieur. J'ai observé aussi, grâce à la déteinte du parquet, que le tapis qui a recueilli les morceaux de verre et ainsi amorti le bruit de leur chute n'était pas à son emplacement habituel. Etrange n'est ce pas ?"

La seule réaction que je constatai fut un sourcil, le droit, qui s'était élevé légèrement plus haut que l'autre.
Je continuai :
"J'ai examiné de près les traces de pas dans la neige. Le malfaiteur portait de grosses bottines d'homme. Il y a une trace continue de la grille d'entrée du parc jusqu'au mur extérieur de la villa, sous la chambre de madame de Wary, et une autre, identique, en sens inverse. Il y a des traces d'escalade sur la façade, au bas de la fenêtre de la chambre. Elles sont visibles, je dirais même trop visibles, un malfaiteur un peu adroit en aurait laissé beaucoup moins.

En y regardant de près, j'ai remarqué que les traces de pas ne sont pas identiques dans les deux sens. J'ai découvert que dans un sens, trois petites pierres se sont intercalées dans la semelle. J'en ai fait un croquis. Ces pierres proviennent du bas côté de la route. Les traces de pas qui viennent de la route présentent des pierres intercalées. Les traces de pas qui viennent de la maison n'en présentent pas. Les souliers, et donc le malfaiteur, ont d'abord été de la maison vers la route, et ensuite de la route vers la maison."
J'attendis sa réaction. Très vite, il pointa sa pipe vers moi, et me lança :
"A moins qu'il n'ait perdu ces pierres lors de l'escalade."
Je tendis vers lui ma main fermée et l'ouvrit lentement.
"Les pierres ne sont pas tombées lors de l'escalade. Les voici. Elles correspondent dans les moindres détails aux croquis des traces de pas. Je les ai retrouvées dans le foyer de la cuisinière à charbon. Elles étaient entourées par des clous à chaussures et quelques morceaux calcinés de semelle. Le malfaiteur a tenté de les faire disparaître en les incinérant."
Il resta songeur, tira quelques bouffées, leva son regard vers moi et d'un signe de l'embouchure de sa pipe, m'accorda un point.

"Mais comment a t-il procédé ? Madame de Wary a bien déclaré qu'elle était entourée de ses deux domestiques pendant tout le déjeuner."
"En effet, elle l'a dit. Et je crois qu'elle est sincère. Elle a dit ce qu'elle a cru voir."
Je vis ses sourcils se serrer encore un peu plus.
"J'ai remarqué deux petites plaques rouges sur les ailes de son nez. Elles proviennent du port régulier de lunettes, ce qui est bien normal à son âge. Or, en notre présence elle n'en porte pas. J'émets l'hypothèse que c'est par coquetterie qu'elle ne les porte pas. Il est donc bien possible qu'elle ne les portait pas non plus lors du déjeuner."
J'eus droit à un mouvement de sourcils et un hochement de tête que je qualifierais de légèrement approbateur. Je poursuivis :
"J'ai d'ailleurs testé son acuité visuelle. Elle connaît sa villa par cœur et joue bien la comédie, mais je lui ai tendu un petit piège en lui présentant un papier. Il est clair qu'elle ne sait pas lire sans ses lunettes "
Ses sourcils se rapprochèrent encore.
Je relevai un peu la manche de mon veston et fis voir mon avant bras droit. Il était lisse, sans aucun poil. Je passai un gros élastique autour de mon poignet en guise de bracelet. A l'aide d'un crayon rouge je colorai deux de mes ongles.

Je m'approchai du commissaire, me plaçai derrière lui, et en me penchant et me déplaçant derrière lui, je fis mine de lui présenter un plat ou de lui verser à boire. Dans un cas je montrais mon bras recouvert de mon veston, dans l'autre cas je montrais mon avant bras dénudé agrémenté d'un bracelet de pacotille et d'ongles rouges.
Il restait immobile, les yeux écarquillés, marmonnant des "Sacrebleu !" à la file.
Il reprit peu à peu son calme.
"Et les bijoux ?" Fut sa question suivante.
Il se demandait sans doute si les bijoux étaient encore dans la villa. Je luis dis mon idée :
"Je pense que les malfaiteurs ont caché les bijoux de façon ingénieuse, aux abords de la villa et non dans celle-ci afin de les mettre à l'abri d'une fouille éventuelle. Si j'avais été à leur place, j'aurais emballé les bijoux dans un linge blanc et envoyé ce paquet dans le parc, le plus loin possible. Un petit paquet blanc qui tombe verticalement dans l'épaisse neige blanche, cela ne se voit pas, surtout s'il n'y a pas de traces de pas aux alentours. J'ai pensé à employer une catapulte, confectionnée par exemple à partir de bretelles élastiques pour pantalon. Le majordome en a plusieurs exemplaires dans l'armoire de sa chambre. J'ai noté, en ouvrant la fenêtre de sa chambre, deux gros clous qui auraient pu servir à attacher ces bretelles. Si vous voulez bien me suivre dans sa chambre nous allons tester le procédé et envoyer dans le parc ce paquet de cailloux, d'un poids équivalent à celui des bijoux, mais emballé dans un linge noir, afin de mieux le repérer après sa chute."

Le procédé était bon, il fonctionna très bien. Le paquet tomba dans le parc, à une vingtaine de mètres de la villa. Il tomba à la verticale, creusa un petit trou dans la neige profonde et s'y engouffra. Comme j'avais laissé une longue traînée de tissu noir, celle ci restait bien visible sur la neige et indiquait l'endroit de la chute de notre projectile.

J'ai organisé une petite battue autour de l'endroit de la chute. J'avais prévu de faire tourner le commissaire, notre chauffeur et moi-même en cercles autour de l'endroit de la chute du colis noir. Nous n'avons pas du chercher longtemps. Le commissaire a vite remarqué un petit trou dans la neige. Au fond de celui-ci il a trouvé les bijoux enveloppés dans un linge blanc. Le commissaire était visiblement content.
Il est entré dans la villa, un air modeste au visage, les bijoux à la main.

Je suis entré à sa suite dans le salon. J'ai vu la crispation de madame de Wary. Elle a ouvert la bouche mais n'a rien réussi à dire, tellement elle était surprise de retrouver si rapidement ses bijoux. Elle a tendu sa main vers celle du commissaire. Il lui a remis ses bijoux. Elle les faisait glisser d'une de ses mains dans l'autre, en souriant. C'était visiblement un de ses rituels favoris. Elle les contemplait comme un trésor fabuleux.
Gentiment, il la laissa se rassasier, puis il lui reprit les bijoux, les posa sur la table du salon, plaça à côte le linge blanc qui les avait enveloppés, ainsi qu'une paire de bretelles, et déposa sur le tout un journal déplié.
Il convoqua les deux domestiques.

Ils se tenaient devant lui.
Tranquillement il frotta une allumette, alluma sa pipe, et tira une longue bouffée, tout en les observant d'une façon peu amène.
Il fit encore durer le silence. Il mit leur patience à l'épreuve en faisant monter la tension.
Il se pencha, les regardant bien dans les yeux et avança lentement le bras vers la table. Tout d'un coup il déplaça le journal.
"Je sais tout !" Dit-il d'une voix claire et forte.
Lorsque Anne a éclaté en sanglots, il a eu un petit sourire et un rapide coup d'œil de connivence vers moi.
Bertrand a avoué après elle, voyant que tout était perdu.

En traversant le parc, il s'est arrêté. Sa main a effleuré mon coude et il m'a dit sans me regarder:
"Je me demande dans quel état est votre avant bras gauche."

Sans attendre le début de l'explication que je lui préparais, il ralluma sa pipe et continua son chemin. Il fit quelques pas, s'arrêta à nouveau et se retourna vers moi. Il eut d'abord un long regard pensif. Il lança ensuite un rapide coup d'œil aux alentours pour voir si nous étions bien seuls, puis il me lança en souriant une variante adoucie de son regard inquisiteur dont il avait le secret, et m'interpella d'une voix douce que je ne lui connaissais pas :
"Expliquez-moi donc pourquoi vous avez pensé à une solution aussi…bizarre ?"
Il a rallumé à nouveau sa pipe qui n'en avait pas besoin. J'ai noté le léger tremblement de sa main.
Il a repris sa marche vers la voiture où notre chauffeur nous attendait. Il marchait lentement. Il a ouvert la porte arrière droite, a contourne la voiture et s'est installé à l'arrière gauche.
Il regardait droit devant lui lorsque j'ai pris place à mon tour.
Au départ du véhicule, il y a eu ce regard, toujours aussi rapide, mais tout différent de tous les autres qu'il m'avait lancés auparavant.


Nous sommes rentrés à la brigade.

En entendant le pas caractéristique du commissaire Mogerke dans le grand corridor, le commissaire principal est sorti de son bureau. Il tenait à la main un formulaire de mutation interne. Il le parcourait d'un regard fébrile, en pointant avec son stylo la liste des inspecteurs stagiaires mis à sa disposition.

Le commissaire Mogerke, arrivé à sa hauteur le salua aimablement en soulevant légèrement son chapeau, et continua sa marche. Monsieur de Leyer le regarda s'éloigner, l'air stupéfait. Deux mètres plus loin, Mogerke, se ravisant, ralentit son allure et à demi tourné vers lui, lui lança :
"Au fait, monsieur le commissaire principal, il est très bien ce jeune inspecteur, je le garde avec moi".
Je passai à mon tour devant monsieur de Leyer, médusé, en levant poliment mon chapeau.

Cela fait maintenant quelques années que nous travaillons ensemble.
J'ai appris à fumer la pipe. C'est très utile lors des enquêtes difficiles, lorsque nous réfléchissons ensemble. C'est souvent notre seul moyen de communication.

Parfois nous sommes appelés en province, pour une belle enquête compliquée.

Nous voyageons alors en train, confortablement installés en première classe. J'emporte mes deux valises, la normale et l'autre. Celle ci est sécurisée par une grosse sangle en cuir. Nous veillons jalousement sur elle, car elle contient mes petits trésors qui égailleront nos soirées à l'hôtel. Il ne faudrait pas qu'elle s'ouvre intempestivement et livre notre secret. Pendant le voyage, nous fumons de concert quelques pipes. Nos regards, nos pipes nous permettent de communiquer entre nous sans déranger les autres voyageurs. Nous évoquons des plaisirs raffinés qui ne les concernent pas.
En sortant de la gare, il aime porter ma valise, celle à la grosse courroie.
Il répartit les charges. Il porte maintenant la valise et ce soir moi je porterai ce qu'il y a dedans.

Le soir, lorsque nous sommes débarrassés de tous les importuns, lorsque nous sommes enfin seuls, il pose ma valise sur le lit et s'installe confortablement dans le fauteuil. J'ouvre la valise et en vide lentement le contenu. J'examine chaque vêtement, chaque accessoire avec attention, lui choisit un endroit de rangement dans la pièce et l'y pose avec précaution. Bientôt le lit, la chaise et le petit bureau sont pleins. Mogerke n'attend que ça et me tend les bras. Je place alors sur ses bras et ses genoux mes derniers effets, les plus doux, les plus coquins, en les faisant glisser sur ses bras pour qu'il ait plus de plaisir encore.

Après avoir pris le temps et le plaisir de choisir, je passe ma première tenue de la soirée. J'évalue mon effet sur lui grâce à son sourire. Il a au début le sourire un peu condescendant du commissaire en titre vers son jeune collègue. Puis il passe au sourire de l'adolescent qui réalise une de ses premières conquêtes. Ensuite vient le sourire ravi du gamin que ne cache pas sa joie de voir une jolie femme se déshabiller et se rhabiller devant lui.
Pour camoufler un peu son émotion, lorsqu'il constate enfin que sa pipe est éteinte depuis longtemps, il me lance alors sa plaisanterie classique :
"Tu as eu de la chance pour ta première enquête".
Puis il rit de bon cœur. Parfois même il se laisse aller à se taper les mains sur les cuisses pour manifester sa joie, et il corrige :
"Nous avons eu bien de la chance pour ta première enquête"

Marie Thérèse KOEST


Responsable du site : Lucie Sobek


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