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« La COLONELLE / chapitre 9 / LES VISITES », une petite histoire imaginée par marietherese

1 La COLONELLE / chapitre 9 / LES VISITES marie therese marietheresekoest@yahoo.fr 22-03-2007, 9:37 La colonelle recevait régulièrement des visites. Elle aimait prendre le thé en compagnie de dames de qualité. Nous étions tenues d'être présentes et de participer à ces cérémonies, car nous avions beaucoup à y apprendre.

Julie était une amie de jeunesse de la colonelle. Elles s'étaient connues lors de l'exercice de leur premier vrai métier. Julie habitait dans la maison où se pratiquait son commerce. Cette maison se trouvait dans un quartier bourgeois de la ville voisine de la nôtre. Ses clients étaient surtout des militaires. Il n'y avait que des officiers qui fréquentaient son établissement. Elle rendait service à ces officiers en entretenant leurs uniformes. Ces uniformes souffraient beaucoup de la vie militaire. Ils s'usaient, se déchiraient, se décousaient facilement. Il fallait les entretenir régulièrement. Les militaires mariés venaient moins souvent que les célibataires, mais ce n'était pas une règle absolue. Julie pensait que les épouses de militaires s'occupaient de l'uniforme de leurs maris, mais elle avait constaté que ce n'était pas toujours le cas.

En soirée, après la fin du service de ses messieurs, la porte de Julie était toujours ouverte. Celle-ci, souriante, les recevait dans le vestibule. Elle revêtait pour ce faire ses plus beaux atours. Ses clients étaient souvent seuls mais ils arrivaient parfois en groupe. Elle demandait de sa voix suave ce qu'elle pouvait faire pour leur faire plaisir. Ils expliquaient la défectuosité de leur uniforme, la fatigue du tissu, la déchirure due à un effort trop important, la couture défaite, le bouton détaché, la garniture brinquebalante. Elle examinait sans tarder le défaut annoncé et d'une voix joyeuse et entraînante annonçait qu'elle et son équipe allaient s'occuper sans tarder de remettre à neuf l'uniforme détérioré. Elle invitait l'officier à la suivre vers un des vestiaires où il pourrait ôter l'uniforme à réparer et patienter pendant la réparation. La qualité de la décoration des vestiaires était variable en fonction du grade et donc de la solde de l'officier, ou de la valeur du supplément qu'il était prêt à payer pour bénéficier d'un traitement de faveur. La maison tenue par Julie était connue pour le côté agréable qu'elle avait donné au temps d'attente dans les vestiaires. Elle aimait la joie et les plaisirs et faisait bénéficier ses clients de ce penchant. Elle aimait les clients qui partageaient sa joie et ses plaisirs. Elle offrait à ses clients le charme de la conversation avec les lingères et couturières de son équipe qui venaient dans le vestiaire s'enquérir des particularités de la réparation ou démontrer la solidité de celle-ci. Par temps chaud, elle offrait des boissons alcoolisées propices à rafraîchir ces messieurs. Par temps froid, elle offrait des boissons qui procuraient une chaleur immédiate à ces hommes dénudés. Par temps moyen elle offrait des boissons fortes afin de se préparer au rude hiver qui s'annonçait. Elle offrait des massages aux officiers souffrant par malheur d'un membre endolori par les exercices militaires. Les jours d'affluence, pour passer le temps, pour distraire ses clients, elle proposait au salon de petits spectacles improvisés, ou des curiosités comme la lanterne magique qui montrait des paysages peu courants, des scènes de la vie quotidienne de pays lointains, ou des scènes inhabituelles de pays proches.

Julie aimait la musique et l'art. Elle encourageait ses employés, qui avaient une jolie voix ou des dispositions pour la danse classique, temporairement inoccupés au travail des uniformes, à venir sur la scène du salon, près du piano installé là par ses soins, chanter un air d'opéra, ou esquisser quelques pas de danse.
Nous étions toutes les trois forts attentives à la conversation de Julie. Elle nous expliquait en détails son peu banal métier, en ajoutant de nombreux commentaires. Elle répondait sans détours à toutes nos questions, même à celles que nous posions à voix basse.
Nous étions abasourdies par la sollicitude qu'elle déployait envers ses clients pour qu'ils ne s'ennuient pas trop en attendant leur uniforme.

Julie voyait à nos regards le grand intérêt que nous portions à ses paroles. Elle nous regardait aussi avec intérêt. Elle nous examinait et observait nos réactions. Elle cherchait à déceler nos dispositions naturelles et à les encourager. Elle nous faisait chanter et danser. Elle nous laissait entendre qu'elle était régulièrement à la recherche d'excellentes employées, ayant bénéficié d'une éducation de haut niveau, et à même de réparer des uniformes. Elle recherchait particulièrement les employées qui avaient des dispositions pour chanter les airs d'opéra, ou pour la danse classique.
Julie aurait pu épouser un militaire, comme l'avait fait la colonelle. Mais elle aimait trop cette vie aventureuse, au multiples plaisirs, de réparatrice d'uniformes.

La colonelle recevait également d'autres visites.
Marie-Pier était couturière. Elle avait un magasin dans notre ville, près de la caserne. Depuis plusieurs années, elle confectionnait les uniformes de la colonelle et de toute son unité.

La colonelle ne manquait pas de passer par son magasin lors des sorties avec Anne. Marie-Pier se fournissait directement auprès d'établissements parisiens qui lui envoyaient régulièrement leurs catalogues ainsi que des échantillons. Elle était également abonnée à diverses publications de mode. Lors de ses visites à la colonelle, elle ne manquait pas de lui apporter les nouveautés. Nous étions impatientes de voir les nouveaux modèles, les tendances de la mode pour la saison prochaine, les jolis dessins et les descriptions détaillées, de frôler du bout des doigts les échantillons de tissu, de broderie, de rubans et de dentelles. Mais la colonelle était très stricte sur les règles de bienséance. Elle tenait à son rang. Elle ne voulait parler boutique qu'après la cérémonie du thé.

Marie-Pier était une femme gentille et douce. Elle était souvent un peu courbée, ayant passé tant d'heures penchée sur son ouvrage. Elle était d'humeur égale. Elle souriait souvent. Elle avait le sourire un peu las des personnes courageuses à qui la vie n'a pas beaucoup souri. Parfois son regard chavirait et elle pleurait doucement. La colonelle nous disait alors d'attendre un peu, de ne pas la mettre mal à l'aise en faisant trop attention à ses larmes. Il s'agissait de souvenirs de temps anciens qui l'envahissaient par moments. Dès que la crise était passée, nous l'entourions de notre affection, et sitôt ses larmes séchées, nous reprenions notre conversation.

Son prénom était curieux. La colonelle nous en avait donné l'explication. Elle s'appelait en fait Marie-Pierre. Son père était marin. Il avait baptisé son bateau du nom de sa fille. Le bateau fit naufrage, le père disparut en mer. Tout ce que l'on retrouva du bateau fut un morceau de planche de bord où le nom incomplet était encore gravé. En souvenir de son père, Marie-Pierre se fit appeler désormais Marie-Pier.

Nous passions avec Marie-Pier des après midis charmants. Elle apportait parfois une partie d'uniforme en cours de confection. Nous nous livrions alors aux joies de l'essayage en groupe. La destinataire devait se dévêtir partiellement, placer sur elle, avec l'aide de l'une ou de l'autre, la nouvelle partie d'uniforme. Nous pouvions ainsi apprécier du regard et du toucher le choix des tissus et la parfaite exécution du travail de notre couturière préférée. Il y avait des joies et des rires. Nous donnions nos avis, nous discutions de l'emplacement de chaque ruban, de sa forme, de sa couleur, de sa nuance, du nombre de plis et du bombé des drapés.
Prises au jeu, nous nous enhardissions et posions nos doigts sur les tissus, nous les tirions, glissions, pliions afin de modifier l'aspect et voir si l'effet n'était pas meilleur.

Parfois un léger différent éclatait entre nous, qui aurait pu à la longue dégénérer en une dispute. Marie-Pier intervenait avec tact et pondération dans ce genre de situation. Elle nous regardait, nous écoutait et puis nous disait de sages paroles, pleines de gentillesse et de bon sens. Bien vite nous formions un cercle qui se rapetissait, nous nous enlacions et nous nous réconciliions.

Marie-Pier aimait à nous apprendre le métier de couturière. Elle avait une façon bien à elle de nous donner ses leçons. Elle en faisait un jeu. Les points de broderie les plus compliqués étaient décortiqués, décomposés en une série de mouvements simples qu'elle liait entre eux par des moyens mnémotechniques, que nous transformions à notre tour en de charmantes petites chansons. Elle aimait nous voir à l'œuvre, nous montrait de nouveaux exercices et nous laissait à chacune un petit ouvrage que nous devions terminer pour sa prochaine visite. En passant l'inspection de ces travaux, elle nous encourageait avec chaleur.
Elle aimait à déceler en nous les couturières douées, celles qui pourraient en faire leur métier. Elle échangeait souvent quelques paroles à ce sujet, accompagné d'un regard de connivence, avec la colonelle, avant de prendre congé d'elle.

Eugénie avait deux aspects. Au premier abord, lorsque je la voyais pénétrer dans l'appartement, elle n'attirait pas le regard. Pendant toute la cérémonie du thé, j'avais tout le temps de l'observer et je ne lui trouvais rien de particulier. Elle était de taille moyenne, elle bougeait peu, elle avait le regard neutre et poli, sa conversation était lente et banale. Mais, dès que la cérémonie était terminée, dès que les tasses étaient vidées, dès qu'elle ouvrait sa grande sacoche en cuir et qu'elle commençait à en sortir ses pièces de lingerie, ses modèles de sous-vêtements, ses corsets de démonstration, son comportement changeait. Elle parlait toujours aussi peu, mais son regard devenait ardent et volubile. Ses mains ne bougeaient pas plus qu'avant, mais leurs mouvements, en caressant les échantillons, en glissant sur les étoffes et les broderies, en épousant les galbes des corsets, étaient expressives et nous transmettaient tout un flot agréable de renseignements utiles. Au fur et à mesure qu'elle vidait sa sacoche, elle faisait passer son matériel de démonstration de mains en mains et observait nos réactions, essayant de détecter en nous les personnes au tempérament délicat, particulièrement réceptives à ces plaisirs subtils.

La colonelle n'aimait pas à être limitée dans ses achats d'uniformes et de leurs accessoires. Comme elle s'occupait des états de service, des inventaires et des dépenses de tout le régiment, et qu'elle connaissait les sommes dérisoires accordées par le gouvernement pour l'entretien complet des soldats, elle usait d'un facteur multiplicateur adéquat lorsqu'il s'agissait de déclarer le nombre de soldats composant son unité spéciale.
Personne en haut lieu ne trouvait à y redire.


Responsable du site : Lucie Sobek


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