J'appuyais sur la touche d'arrêt. Je pris un grand respire afin d'assimiler toute cette technique qui se révélait à moi. Donc, j'étais "fonctionnelle" comme disait le médecin. Je venais de comprendre pourquoi le médecin m'avait dit que le résultat serait parfait. On m'avait transformé, rapetissée, changée de sexe, donnée une peau plus jeune, de nouveaux cheveux et même rajeunie. En plus, je pourrais avoir des enfants et une vrai famille bien à moi. De quoi vous couper le souffle. Aucune science connue n'aurait pu accomplir un tel miracle en si peu de temps, ni quoi que ce soit qui s'en rapprocherait même partiellement.
Remise de cette émotion, j'enclenchais le mécanisme à nouveau pour entendre la suite.
"Votre transmutation aura prise quinze semaines. Mais, d'ici quelques mois, nous pourrons le faire en un jour ou deux... presque instantanément. Nous ne voulions pas faire naître quelques craintes que ce soit en vous. C'est pourquoi nous avons du tout vous cacher. Cependant, nous avons dû vous garder endormie plusieurs jours afin de donner le temps aux atomes de se stabiliser dans votre organisme."
"Vous aurez, au sein de la section "Trans", une mission à accomplir. Mais, vous n'aurez les détails qu'à la toute dernière minute. Voilà, c'est tout ce que je peux vous dire pour l'instant et je me permet de vous offrir mes meilleurs souhaits pour votre nouvelle vie."
La bande était rendue à la fin. Le magnétophone s'arrêta de lui-même pendant que j'en étais à mes réflexions. J'aurais donc une nouvelle mission sous peu. J'imagine qu'elle sera comme les autres: mouvementée, dangereuse et même peut-être fatale. Devais-je me soumettre à cette nouvelle mission? Devais-je risquer de perdre cette nouvelle vie que je venais à peine de connaître?
Me tirant de mes réflexions, je me dirige vers la porte de ma chambre. Je voulais aller montrer à mes copines le résultat final de la transmutation. Mais, comment les reconnaîtrais-je, elle avaient du passer par la phase terminale elles aussi Ouvrant la porte donnant sur le couloir, deux infirmiers poussant une civière où repose un grand sac vert fermé par une fermeture éclair. Il ne me fallut pas longtemps pour comprendre ce que renfermait ce sac. Posée sur le sac, la fatale seringue hypodermique. Une autre personne avait décidé de ne pas poursuivre la transmutation jusqu'au bout. Un infirmier me regarde, avec un air dépité. Il me semble lire dans ses yeux un profond regret.
Un profond sentiment d'impuissance vient me perturber encore plus. Et si c'était Sylvain, mon jeune homme roux dans ce sac? Il me faudra absolument en savoir plus. J'entrepris donc de suivre les infirmiers jusqu'à l'infirmerie et tenterais d'entrouvrir le sac à la première occasion. Je savais qu'on entreposait les corps dans une morgue réfrigérée avant de procéder à l'autopsie. Il n'y avait que cinq ou six médecins pour une base qui devait bien contenir deux mille cinq cent hommes et femmes. J'aurais le temps d'agir.
Soigneusement cachée dans un recoin du couloir, j'attendis que les infirmiers se retirent et verrouillent soigneusement la porte de la morgue. La serrure comportait un système de verrouillage simplifié, ce ne serait qu'un jeu d'enfant pour moi de la contrer. Ayant participé, il y a quelques années, à la conception de ce mécanisme, je possédais un "code universel" qui me permettrait de pénétrer dans la morgue. En effet, dès que j'y ai eu frappé mon code personnel confidentiel, la porte s'entrouvrit. Me dirigeant rapidement vers le seul corps en place j'entrouvrit doucement le sac, m'attendant à y découvrir ce que je craignait le plus. Mais, le corps contenu dans le sac était celui d'un parfait inconnu. Pas encore de cheveux, cette personne n'avait pas passée par le stade final. Je respirai un peu mieux, car je n'y reconnaissais pas Sylvain.
Une nouvelle manipulation du système de verrouillage me tira de mes songes. J'eus à peine le temps de gagner un coin de l'infirmerie où un grand rideau me cachait de la vue des nouveaux arrivants. Deux hommes, revêtus de salopettes noires, entreprirent d'extirper le corps du sac et de l'installer à l'intérieur d'une grande cage de verre, juste en face de moi... Par la fente du rideau, je pouvais voir tous les gestes des deux personnages. Après un bref délais, à remplir une paperasserie quelconque, un long grésillement se fit entendre et la cage de verre s'illumina d'une forte lueur rouge. "Un désintrégrateur" pensais-je.
L'opération ne dura environs que trois minutes... Il n'y avait effectivement plus rien à l'intérieur de la cage de verre. Les opérateurs retirèrent une disquette informatique de l'appareil, ainsi qu'un boîte qui me parut bien lourde à manipuler... "Du plomb" songeais-je.
"Voilà" dit l'un d'eux. "Le professeur pourra opérer une nouvelle transmutation de femme à homme avec les atomes recueillis" ajouta-il à son confrère. "Heureusement, la matière première ne manque pas" répondit celui-ci. "Avec tous ces agents que nous devons éliminer, il en aura pour une bonne vingtaine de transmutations" termina-t-il avant de se retirer de l'infirmerie tous les deux.
L'horreur me cloua sur place. Je ne pu réagir avant de longues minutes. Si je venais bien de comprendre, on ne se servait pas d'atomes de carbone récupérés de l'air ambiant pour les transmutations... on désintégrait tout simplement des être humains pour en récupérer les atomes et les recycler lors des transmutations. Je regardai brièvement mon corps... j'étais maintenant composée d'atome qu'on avait récupérés probablement sur une agente qui avait été éliminée.
Enfin, je pu récupérer suffisamment mes idées pour quitter l'infirmerie, ce lieu d'horreur. Mon fort intérieur me disait que je devais mettre fin à cette élimination pure et simple de nos agents. Notre gouvernement sacrifiait des êtres humains afin d'en transformer d'autres selon son besoin actuel.
Je me dirigeai vers la cafétéria, mais je savais bien que je ne pourrais rien avaler. Je désirais simplement y rencontrer mes compagnes d'aventures et, qui sait, mon petit Sylvain qui devait être devenu Roberta maintenant. Ma joie première de me voir si belle avait totalement disparue, pour faire place à une sorte d'amertume. Une femme avait du payer de sa vie pour me donner mon apparence actuelle.
Comme les autres jours, aucune des "trans" totales ne se trouvait à la cafétéria... A peine quelques unes, en début de la transmutation. Je me devais de retrouver mes compagnes d'aventure et de les informer de cette horreur.
Une voix, plutôt une odeur, me tira de nouveau de mes songes. "Elle est belle la petite princesse" me lança la "chose". "Vous avez l'air toute bouleversée, quelque chose ne va pas et puis-je vous aider?" me demanda t'il. Curieusement, je cru noter une vague expression d'inquiétude dans sa voix. S'inquiétait-il vraiment de ma santé, ou si c'était encore sa façon sarcastique de me narguer.
"Un jour, belle demoiselle, j'espère que vous comprendrez le tout de cette aventure qui vient de se terminer pour vous" ajouta t'il. "Moi, ça fait longtemps que je ne puis plus rien y faire" termina-t-il en s"éloignant. Pourquoi cette allusion? M'aurait-il surprise lors de ma sortie de l'infirmerie? Et si il était simplement là pour épier mes faits et gestes, afin d'éviter toute mauvaise surprise à mon gouvernement?
Enfin, je me contenta d'un sandwich et d'un verre de lait... je n'aurais pu avaler quoi que ce soit d'autres de toute façon. Avant de quitter la cafétéria, je jetai un coup d'oeil rapide sur toutes les nouvelles "trans" qui s'y trouvaient. J'aurais eu envie de leur révéler tout ce que je venais de voir. Mais, je ne sais pourquoi, je ne put que retourner sur mes pas et regagner ma chambre. Je devais tenter d'oublier toute cette aventure et penser à mon avenir, à ma nouvelle vie de femme totale... qui m'aura été rendue possible que grâce au sacrifice humaine d'une agente.
Et, quelques soient les questions que je puisse poser autour de moi, personne ne pouvait me rassurer sur le sort de mon copain Sylvain... Pardon, de ma compagne Roberta maintenant.
À suivre: Les retrouvailles