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HOMMEFLEUR, le site pour les hommes qui aiment les femmes, au point de vouloir leur ressembler !
pascal(e)

pascal(e)

(publié: 06-03-2005, 10:00 )

Je m’appelle Pascal(e). Pascal, c’est le nom que voulait me donner ma mère à ma naissance; mais mon père n’a pas voulu, de peur que l’on m’appelle « Pôscal » – avec l’accent du Bas-du-fleuve! De sorte que j’ai hérité d’un autre prénom, plus masculin et impossible à déformer.

Cependant, j’ai toujours été fasciné par ce prénom qui aurait pu être le mien, comme le signal d’un autre destin possible... Bizarrement, je n’ai jamais rencontré de garçon de ce nom; mais j’ai connu plusieurs filles prénommées Pascale, toutes plus brillantes et allumées les unes que les autres. Et c’est tout naturellement que le prénom Pascale m’est revenu quand j’ai commencé à me travestir.

Le « e » est entre parenthèses parce que c’est ainsi que je vis ma vie de femme : entre parenthèses. Dans mon placard, si vous préférez. Dans mon intimité.

Si je trouve un jour le courage – et le moyen – d’en sortir, la parenthèse disparaîtra.

Je me travestis sérieusement depuis bientôt un an. Quand je dis « sérieusement », je veux dire que ma tenue est complète, incluant les seins potiches et le maquillage. (Je viens d’ailleurs de commander de nouveaux seins plus gros, en silicone, pour remplacer mes formes en caoutchouc mousse.) Il ne me manque qu’un manteau et une paire de chaussures; mais je chausse du onze pour hommes, et j’ignore à quoi ça correspond comme pointure féminine, ni même si ça existe! Et quant à percher mes cinq pieds et onze pouces et mes deux cent cinquante livres sur des escarpins, mieux vaut ne pas y penser...

Mettre une petite culotte et une paire de bas de nylon, c’est un premier pas, mais ce n’est pas encore se travestir. C’est pourtant comme ça que tout a commencé : par un bas-culotte ramassé presque machinalement dans les rayons d’une pharmacie. Format XL, le plus grand en magasin. En rentrant chez moi, j’ai déchiré fiévreusement le paquet et me suis mis en frais d’enfiler l’humble sous-vêtement. Ça n’a pas été sans mal, car il était évidemment beaucoup trop petit pour moi. Je suis néanmoins parvenu, au prix de quelques contorsions, à gainer mes jambes de nylon diaphane.

Au contact du tissu sur ma peau, j’ai pleuré.

Je revivais tout à coup des instants depuis longtemps oubliés, chassés de ma mémoire par les pressions inhumaines d’une vie d’esclavage et de dissimulation. Je me revoyais à quatorze ou quinze ans, alors que je mettais aisément, avec une volupté sans nom, les dessous et les robes de ma mère. Oh! la douceur des bas soyeux sur mes jambes lisses, la douce pression de la petite culotte qui faisait rentrer mon minuscule pénis dans ma chair, le froissement délicat des jupons et des fines étoffes que recelait le placard de ma mère! Les heures délicieuses à me pavaner devant sa glace, en arborant ses plus fines dentelles et ses plus roses atours! La joie émerveillée de me transformer peu à peu en une ravissante jeune fille, dont je me sentais presque amoureux!

Pourquoi tout cela avait-il pris fin un jour?...

Plus d’une fois, j’avais failli être surpris dans cet appareil – une perspective qui me terrifiait. Et puis, j’ai commencé à sortir avec des filles, et mes premières maîtresses m’ont – provisoirement – détourné de mes tendances au travestisme. Je me répétais que ce désir n’était « pas normal », sans compter que j’avais désormais bien d’autres centres d’intérêt... J’aimais vraiment les filles, et elles me le rendaient bien.

À vrai dire, j’ai toujours aimé les filles... et je me suis toujours identifié à elles plus volontiers qu’à la plupart des hommes. Être une fille, c’était avoir le droit de vivre ses émotions en toute franchise, sans fausse pudeur et sans retenue; c’était pouvoir donner libre cours à son goût pour la beauté, pour la grâce, pour l’harmonie – toutes choses rigoureusement interdites aux hommes... sauf aux artistes, peut-être, dont la virilité était par ailleurs fréquemment mise en doute par leurs congénères. Une fille pouvait cultiver son intuition, manifester de la douceur, de la tendresse, et surtout ne rien cacher de sa fragilité. Un homme, au contraire, devait rester fort et stoïque en toutes circonstances – le moindre signe de vulnérabilité étant aussitôt perçu comme un aveu de faiblesse. « Un garçon, ça ne pleure pas », entendais-je dire et répéter autour de moi.

Ça ne s’habillait pas en rose non plus, même si c’était ma couleur préférée...

C’est ainsi qu’on pensait, dans ce rude pays de trappeurs et de bûcherons, quand j’étais enfant. Inutile de préciser que dans le village où j’ai grandi, les homosexuels étaient rares, et les travestis plus rares encore...

Tout ce que je savais de l’homosexualité, ce sont les blagues idiotes que les adultes se racontaient parfois le soir, à la veillée. J’en déduisais qu’être homosexuel était la chose la plus ridicule et méprisable qui soit au monde. Je n’étais pas bien viril moi-même, mais je m’appliquais avec tout mon zèle à me conformer le plus possible à l’image qu’on se faisait d’un homme, autour de moi. J’étais peureux, douillet, pleurnichard, lunatique et rêveur, sans doute, mais j’étais un homme quand même! Un futur contribuable, mari et père, appelé à prendre la place qui lui était assignée dans la société. Il n’était pas question que je suive une autre voie; ce n’était même pas une option.

Tout petit, il m’arrivait, comme à beaucoup de petits garçons sans doute, d’emprunter les robes et les chaussures de ma mère, dix fois trop grandes pour moi, et de me montrer ainsi accoutré... Allez savoir pourquoi, les adultes trouvent « charmant » de la part d’un bambin ce qui les horrifie venant d’un adolescent : malgré l’homophobie ambiante, mes parents riaient alors à gorge déployée – avant de m’intimer l’ordre, quand même, d’aller remettre vêtements et chaussures où je les avais pris.

Que dire de mon enfance... J’ai vécu une enfance tragique au sein d’une famille aimante. Tragique, parce que malgré tout l’amour dont j’étais enveloppé, j’ai toujours ressenti un manque, un vide insondable, une brisure qui me rendait profondément malheureux. Il me semblait qu’une part de moi-même était niée, et que j’étais malgré moi complice de ce déni. Tragique, aussi, parce que mon hypersensibilité m’amenait à vivre les événements malheureux, comme la mort de ma grand-mère ou le départ de ma meilleure amie pour une autre ville, avec une intensité proprement délétère. Les chagrins m’habitaient pendant des années, et je portais mes deuils comme autant de boulets soudés à mes pieds.

Plus tard, nous avons vécu quelques années à l’étranger – dans un pays de machos, pour ne rien arranger... J’avais quatorze ans quand nous sommes arrivés à Montréal – et c’est là, dans une monstrueuse école-usine appelée polyvalente, que j’ai rencontré les premiers garçons réellement efféminés que j’aie connus. Avec mon accent vaguement européen et les « bonnes manières » que j’avais acquises outre-mer, je n’ai pas tardé à devenir la cible de tous les quolibets, de toutes les agressions, de toutes les cruautés. Horribles, horribles années d’angoisse et de tristesse, de peur et de haine! Cent fois, j’ai songé à me suicider pour mettre fin à mon supplice; chaque fois, l’amour de mes parents m’en a dissuadé. Je ne me sentais pas le droit de leur causer un si grand chagrin.

Cependant, cela n’arrangeait en rien mes problèmes d’identité sexuelle, d’autant que je me découvrais à l’époque une véritable passion pour le travestisme et les dessous féminins! Je vivais cela dans le plus grand secret, un peu honteux d’y trouver tant de plaisir. Mes seuls amis d’alors étaient des garçons très féminins, de ceux qu’on appelait les « fifis » à l’école (injure qui m’était aussi très souvent adressée); c’étaient les seuls de mes camarades qui acceptaient d’être vus en ma compagnie. Je savais que ma mère, en particulier, ne voyait pas ces fréquentations d’un très bon œil, même si elle n’osait pas le dire ouvertement – pas plus qu’elle n’appréciait mes cheveux longs, ni ma récente passion pour les poètes maudits et pour tout ce qui les concernait... car elle avait des lettres, et n’ignorait pas la nature des rapports qu’avaient entretenus, entre autres, Verlaine et Rimbaud.

Bref, elle me faisait comprendre à mots couverts qu’elle accepterait difficilement d’avoir un fils homosexuel – et moi, en bon fils appliqué à faire le bonheur de sa mère, je refoulais encore un peu plus mes tendances « contre-nature » et mes pulsions non assumées...

Quitte à me sentir de plus en plus malheureux, et à comprendre de moins en moins pourquoi...

Et voilà que je renouais, à quarante ans passés, le fil rompu depuis l’adolescence, et que je comprenais enfin tout ce dont je m’étais privé depuis tant d’années!

En effet, que s’était-il passé entre ces deux moments phares de ma vie?

D’abord, j’ai subi de brusques poussées de croissance entre seize et dix-huit ans, et les vêtements de ma mère n’ont pas tardé à devenir trop petits pour moi.

Ensuite, le temps s’est écoulé, inexorablement... Il y a eu plusieurs femmes dans mon existence; certaines que j’ai beaucoup aimées, d’autres qui n’ont fait que passer dans mes bras. Quelques amants, aussi, mais ce ne fut pas concluant – sordides étreintes à la va-vite qui me laissèrent un goût amer. Ce que j’aimerais, avec un homme, ce serait me sentir vraiment femme dans ses bras, goûter la joie d’une étreinte réellement amoureuse; cela se passe surtout au niveau du fantasme. Les attouchements « hygiéniques » entre bons copains me sont odieux. Je préfère les femmes, parce qu’elles m’ont appris la douceur et la volupté. Mon fantasme suprême, mon rêve secret, ce serait d’être femme... et lesbienne.

Ce n’est pas gagné, on le voit.

Des années de conditionnement à l’homophobie m’ont sans doute laissé un profond dégoût de mes propres tendances homosexuelles; je ne désespère pas, toutefois, de me libérer quelque jour de ces barrières mentales, à présent que j’ai amorcé ma féminisation. Je sais néanmoins que les femmes auront toujours la première place dans mon cœur, dans mes pensées et vraisemblablement dans mes désirs.

Je sais aussi, maintenant, que l’identité et l’orientation sexuelles sont des notions tellement floues qu’elles n’ont pas d’existence réelle; ce ne sont que des vues de l’esprit. Personne n’est entièrement ceci ou cela, et nous changeons tous et toutes avec le temps.

Tant de souvenirs me reviennent... Par exemple, cette période punk et gothique que j’ai particulièrement aimée, notamment parce qu’elle autorisait aux garçons non seulement les coiffures les plus extravagantes, mais aussi l’usage du crayon khôl et du mascara... Ou encore mon obstination, plus tard, à revenir au « look » hippie, cheveux longs et imprimés multicolores, totalement à contre-courant de la mode masculine qui se tournait alors, une fois de plus, vers les cheveux courts et les couleurs sombres...

Donc, j’ai recommencé à me travestir à quarante ans bien sonnés... Le lendemain de ma mésaventure avec le bas-culotte, j’ai pris mon courage à deux mains et je me suis rendu dans une grande surface pour y faire provision de sous-vêtements féminins un peu plus à ma taille, en racontant aux vendeuses – qui ne me demandaient rien – que c’étaient des commissions pour ma copine... Elles ont dû bien rigoler, quand j’ai eu le dos tourné! Ensuite, je me suis rendu dans la plus vaste friperie de Montréal et j’ai acheté trois robes, parmi les plus grandes que j’ai pu trouver. Au retour, déception : une seule m’allait, une longue robe noire toute simple de coupe tunique – et le soutien-gorge que j’avais acheté était beaucoup trop petit. Qu’importe : j’avais des bas de nylon, des collants, des petites culottes de dentelle et, surtout, j’avais ma première robe!

Dans les jours qui ont suivi, j’ai écumé toutes les pharmacies de la région pour acheter ici un rouge à lèvres, là un fond de teint, ailleurs une crème épilatoire ou des fards à paupières – toujours sous le prétexte d’une course pour ma copine. J’essayais de me faire le plus discret possible en payant ces marchandises à la caisse – mais ensuite, quel sentiment d’exaltation à la vue des trésors que je m’étais procuré!

J’ai acheté un soutien-gorge de plus grande taille, et je l’ai bourré de coton : l’effet n’était pas terrible, mais avec un peu d’imagination, ça pouvait passer pour des seins...

Une passe dans mes cheveux mi-longs, une paire de « clips » en guise de boucles d’oreilles, mes bottillons de cow-boy aux pieds – ce que j’avais de plus unisexe comme chaussures – et ça y était : elle m’est apparue dans la glace, radieuse, splendide, les yeux brillants agrandis par le mascara et les fards. J’ai murmuré son nom : « Pascale... Que tu m’as manqué, ma chérie!... Pardon, oui, pardon de t’avoir si longtemps négligée! » J’ai déposé un long, tendre et douloureux baiser sur la surface glacée du miroir, y imprimant la marque de mon rouge.

Dieu! quelle fille sublime tu aurais fait, Pascale, du temps que j’étais jeune et mince!

J’ai passé les quatorze dernières années de ma vie à manger mes émotions, à étouffer ma libido sous des tonnes de boustifaille et des hectolitres de bière. Je porte dans mes chairs gonflées les stigmates de ma trop longue vie commune avec S***. Et Pascal(e) doit maintenant s’arranger avec ce qu’il reste de moi.

Qu’est-ce qui a bien pu m’attirer en S***? Sa virilité, sans doute; son ambiguïté, sûrement; son travestisme aussi, peut-être, car elle était toujours vêtue comme un homme : en treize ans, je ne crois par l’avoir vue en robe ou en jupe plus d’une douzaine de fois. Elle avait de très fortes tendances homosexuelles, c’est certain; mais elle s’acharnait à les nier et à les refouler, avec une rage tout à fait terrifiante. Est-ce pour cela que je m’étais mis en tête de l’aider à épanouir sa féminité? Pour ne pas avoir à m’occuper de la mienne?

J’ai été terriblement malheureux auprès de cette femme, qui devenait de plus en plus violente et hargneuse en vieillissant. Je n’ai pas l’intention de m’étendre ici sur sa personne, ni sur les détails de notre triste vie commune; il y a maintenant deux ans que ce cauchemar a pris fin, et je me félicite encore chaque matin d’avoir pris l’initiative de la rupture – même si en définitive, c’est elle qui est partie... avec notre petite fille, qui avait alors cinq ans. Au terme d’une longue bataille judiciaire, j’ai heureusement obtenu la garde partagée de la petite et depuis, je m’efforce d’oublier... et d’être un bon père pour ma fille.

Le printemps dernier, Pascal(e) est apparue dans ma vie, comme je l’ai dit, et je continue à l’apprivoiser, augmentant peu à peu le contenu de sa garde-robe et de sa trousse à maquillage. Travailleur autonome, j’ai la chance de passer mes journées seul(e) à la maison, ce qui me permet d’être Pascal(e) assez souvent pendant plusieurs heures d’affilée. À l’été, j’ai franchi une nouvelle étape quand j’ai enfin trouvé le courage d’entrer dans un sex-shop pour y dénicher quelque chose qui ressemble à des seins. Peu après, j’ai effectué ma première « sortie » – mais c’était la nuit, et je me suis contentée d’une longue promenade en auto, sans oser m’arrêter nulle part.

Ma fille adorée, qui a maintenant sept ans, a très mal réagi à la séparation de ses parents, ce qui n’a rien d’étonnant compte tenu des circonstances dans lesquelles l’événement s’est produit; elle est encore fragile, et il me faut la ménager. L’automne dernier, j’ai tenté une timide approche en lui suggérant de passer l’Halloween avec elle « déguisé en madame »; mais sa réaction plutôt négative ne m’a guère encouragé...

Et me voilà encore seul(e) avec cette femme en moi qui prend de plus en plus de place, et que je n’ai aucun désir de voir disparaître à nouveau. Seul(e) avec Pascal(e), cette part immense, fondamentale, essentielle de mon être dont la vie m’a si longtemps privé(e). Ma chère Pascal(e), mon amour-propre, fleur de mon âme, lumière de mon espérance! Toi que je n’ose encore montrer, parce que j’ai peur de blesser ceux que j’aime – mais aussi, mais surtout, parce que j’ai peur que tu t’y blesses également...

TVQ, c’est mon oxygène... sans vous, mes sœurs, je suis perdue.

Sans vous, Pascal(e) ne pourrait que ratatiner dans son coin... Mais avec votre aide, avec votre soutien et votre amour, je sais qu’elle peut tout espérer.

Je sais que je peux tout espérer de l’avenir. Parce que je ne suis plus seul(e).

Plus maintenant.

Love,

Pascal(e)

mars 2005


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