Hélène

(publié: 02-12-2004, 0:52 )

Des bribes. Mon histoire commence très jeune et peut ressembler à celle de nombreuses copines. Je ne m’attarderai pas à la période pré-transition. Bien sûr j’ai adroitement emprunté les vêtements de ma mère et de mes sœurs sans que ça ne paraisse jamais. A 12 ans un article sur la transexualité m’a profondément marquée.

Mais j’étais destinée à une brillante carrière universitaire et fonder une famille, le chemin était tracé pour moi. J’ai réussi la carrière et la famille. Gros salaire, belle maison etc. Mais pas le bonheur. Tristesse continuelle en moi.

Puis ça a flanché. Séparation, perte de mes biens, de ma fille (que j’ai élevée, catinée, adorée tandis que sa génitrice ne faisait rien. J’ai été la mère de ma fille mais ça le juge ne l’a jamais compris.)

A l’aube des 40 ans j’avais le choix : vivre enfin au grand jour ma féminité ou disparaître tout bonnement. La date butoir était le jour de mon anniversaire. J’ai rencontré psychiatre et psychologues et été admise dans un suivi sur la transexualité. Le soir de mes 40 ans j’ai reçu à la maison plein de copines et on a fêté. Le début de ma nouvelle vie. Que j’aurais du entreprendre bien avant mais enfin on ne revient pas en arrière.

La transition a été graduelle, bien planifiée. Assez facile aussi malgré les inconvénients habituels. Ce n’est pas moi qui me serait baladée en jupes si je n’avais pas été convaincante. Faut laisser le temps au temps de faire son œuvre. Inutile de précipiter.

Faut dire que je suis de petite taille avec un visage assez doux. Presque pas de pomme d’adam pour me trahir.

Mes vêtements étaient de plis en plus androgynes, puis féminins mais discrets. Les cheveux ont allongés et même le début de calvitie est disparu avec le Proscar.

Soudainement les gens se sont mis à m’appeler madame dans les magasins. Quelle joie à ce moment là. Et quelle confiance ça m’a donnée.

Les hormones sont arrivées bien après. Je vivais déjà ma vie de femme sans ces petites pilules. Mais leur effet est quand même remarquable. Huit mois et ma poitrine me permettait un décolleté. Les fesses et les hanches ont pris de l’ampleur me donnant une silhouette plus agréable. Le visage a évolué aussi, plus doux. Les poils … ça ça diminue mais pas assez à mon goût. Encore là faut donner le temps au temps.

Bon les inconvénients sont réels et très sérieux. Faut être bâtie solide pour faire ce choix de vie. La grande partie de ma famille m’a rejetée. J’ai perdu mes amis. Côté carrière, faut oublier, la société n’est vraiment pas prête pour nous.

Faut accepter de perdre sa famille, ses amis et son emploi. Mais je le referais sans même prendre le temps d’y réfléchir.

J’avais fait la connaissance d’un copain au tout début de ma transition mais on s’était malheureusement perdu de vue. Un hasard a fait qu’après plus de 2 ans je le retrouve. Sa première phrase en me voyant a été : Bon Dieu que tu es belle! Ce sont des paroles agréables à entendre. Depuis on vit ensemble et on est bien. Comme moi c’est un être rebelle qui déteste la société et veut vivre sa vie à sa manière.

L’an dernier je suis retournée aux études. Ils ont accepté que je m’inscrive sous le nom d’Hélène même si le changement de prénom n’était pas officiel. Ca évitait des problèmes, à moi mais aussi à eux. Je me suis fait des copains et copines de classe. Ils n’ont jamais su ma situation ou ont fait semblant de ne pas le savoir s’ils avaient des doutes. Une copine de classe m’a demandé un jour comment s’était déroulé mon accouchement… On devient habile à répondre à ce genre de question. Et puis d’autres qui me draguaient. Ils auraient eu toute une surprise si j’avais donné suite à leurs avances hihihi.

Lorsque j’ai à faire affaire avec les organismes publics et que je dois présenté une pièce d’identité on me répond à chaque fois : Mais madame vous ne pouvez pas utiliser les pièces d’identité de votre mari! Je rigole car si je dois leur dire que c’est moi, ils deviennent tout mal à l’aise et embarrassés. Et je souris car je sais qu’à leurs yeux ils ont vu seulement une dame.

Ca me rappelle quand j’étais allée magasiné avec ma sœur, la seule qui a gardé contact avec moi. Nous sommes allées dans une friperie où elle connaît bien la propriétaire. Ma sœur me voit toujours avec ses yeux d’autrefois. Je lui ai assuré que personne ne devinerait rien à mon sujet. Ca s’est bien passé mais pour en avoir le cœur net ma sœur y est retournée la semaine suivante. Comme de fait la propriétaire ne s ‘était aperçu de rien. Depuis ma sœur se sent mieux en ma présence.

Je sens souvent les regards des hommes se tourner vers moi. Quelle sensation. On me klaxonne aussi. Faut dire que je prend soin de mon apparence car la première impression est très importante.

Voilà, je vis ma petite vie de femme au jour le jour, je me lève avec le sourire car maintenant, enfin, je suis heureuse et bien dans ma peau.

Je vous embrasse

Hélène