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HOMMEFLEUR, le site pour les hommes qui aiment les femmes, au point de vouloir leur ressembler !
Estelle22

Estelle22

(publié: 22-12-2005, 14:58 )

Saurais-je un jour le pourquoi du comment ? Ah le vieux débat de l’inné et de l’acquis…Il n’y a pourtant pas la moindre ambiguïté là-dessus : je suis bien né dans un chou ! Comme tous les petits garçons…mais un chou OGM probablement, car au milieu des feuilles vertes épaisses et disgracieuses poussent depuis toujours des pétales de rose… quelle plante extraordinaire ! … quelle vie singulière en perspective !
L’attirance et le trouble pour les vêtements féminins hantent mes souvenirs les plus lointains.

Ma première émotion forte, je devais avoir cinq ans, remonte à un rallye automobile, une de ces fêtes organisées annuellement par le comité d’entreprise de mon père, dont on ne sait jamais vraiment si elle consiste à célébrer joyeusement entre collègues l’arrivée de l’été ou à fédérer les énergies, l’esprit de corps en vue d’optimiser la réalisation de futurs objectifs commerciaux. Probablement les deux …

Ce rallye consistait en la réalisation d’épreuves sur un itinéraire touristique, et lorsque nous arrivâmes au restaurant, à l’étape ultime, je découvris un spectacle qui provoqua en moi un véritable cataclysme : les organisateurs accordaient un bonus de points aux hommes qui arriveraient travestis (mon père n’avait pas joué le jeu) et je découvrais, pour la première fois de ma vie que des hommes pouvaient être habillés en femme; je me souviens d’être resté longtemps prostré, tétanisé dans la voiture, refusant de sortir, pénétré d’un malaise indescriptible.

Avant cet épisode, je m’étais déjà constitué une cabane chez mes grands-parents, mon premier refuge rempli de secrets, un espace dérobé entre le canapé et la cheminée, où ma grand-mère entreposait des chiffons et ses vieux collants.

La disette de la guerre lui avait appris à ne pas jeter, donc elle les conservait là, probablement hantée par la crainte traumatique et vaine d’avoir à les recycler un jour.

Je me souviens comme si c’était hier de la sensation troublante de tous ces tissus délicats sur ma peau, du sentiment confus que m’inspiraient ces premiers effleurements coupables et délectables, de cette enveloppe de volupté, presque placentaire, dans laquelle mon imaginaire et mon éonisme se sont construits au fil de ces premières années.

La conscience de ne pas être tout à fait le même petit garçon que mes camarades et cousins s’est donc précisée très tôt, et l’on n’essaya pas vraiment de me persuader du contraire avec une éducation baignée de douceur et bienveillance.

Nous n’en avons jamais parlé, car elle s’en est allée trop tôt, emportée par la maladie, mais j’ai la certitude que ma grand-mère mesurait assez précisément mon attirance pour la féminité; je pense même qu’à travers moi elle a essayé, un peu paradoxalement, de se « racheter » par rapport à tout ce qu’elle n’avait pas réussi à transmettre en la matière à ses propres filles (dont ma mère).

Je dois lui rendre grâce aujourd’hui pour le rôle initiatique, déterminant, complice, qu’elle a joué dans mon éveil sensoriel et affectif.

Cette femme qui avait beaucoup souffert de la pauvreté pendant son enfance et de la persécution dans les années quarante, s’était réfugiée, reconstruite, dès la Libération, dans une espèce de boulimie de consommation de produits cosmétiques et de vêtements les plus luxueux, comme pour exorciser ses années les plus sombres.

Sa chambre, qui était devenue aussi mon empire (j’y avais mon lit pour les vacances et les week-ends) était remplie des vêtements les plus sensuels qu’il m’était permis de frôler et d’enfiler presque à loisir.
Combien de fois ais-je dormi avec les bas ou les combinaisons en soie que je lui avais empruntés, et quelle ne réclamât jamais…
Ils étaient, jusque vers l’âge de 10 ans, mes doudous, mes objets transitionnels.

Cette complicité était telle qu’à deux reprises elle m’envoya même chercher à la bonneterie, chez une amie à elle (peut-être lui avait-elle parlé de ma singularité ?) des bas et une nuisette qu’elle avait commandés.

Quelle expérience mémorable que de pénétrer, avec sa bénédiction, dans cet univers intimement féminin où les rayonnages débordaient de trésors, et où l’on mit assez de temps (peut-être avec complaisance ?) à me servir pour que je profite du spectacle !

L’un des bonheurs sensoriels auxquels elle m’a aussi initié très jeune, en me permettant de rester auprès d’elle, est lié au soin méticuleux qu’elle prenait chaque matin dans sa préparation, son coiffage, son maquillage : je n’en ratais pas une miette, je me nourrissais de chacun de ses gestes et cet avant petit - déjeuner me mettait en joie pour la journée ; je reste encore aujourd’hui suspendu à l’effluve de son patchouli.

Ma mère, qui a été élevée et s’est structurée dans un violent déni de sa féminité n’a pas été pour moi une référence d’identification et je ne lui ai que très peu emprunté tout au long de ces années d’insouciance.

Une confusion, qui n’est toujours pas vraiment réglée dans son esprit (et contre laquelle je me suis toujours insurgé, ce qui peut paraître paradoxal pour un fils travesti), s’est surajoutée à tout cela : sa forte volonté d’avoir une fille et des projections puissantes à mon égard dans ce sens, malgré le drôle de tour que lui avait joué la cigogne.

Il lui arrive encore, alors que je suis marié et père de famille, accompli dans ma vie d’homme, de m’appeler par moments par des petits noms à consonance féminine qui me font radicalement hérisser le poil (ma chérie, etc…)

En revanche notre cheminement commun a pris une tournure particulière à partir de mon adolescence : je suis venu prendre malgré moi une place intermédiaire, un relais de « fille et de sœur symbolique » entre elle et ma grand-mère et nous sommes devenus plus proches, des confident(e)s, un peu comme si je venais remplir et réparer, après le décès de cette dernière, les défaillances de leur relation, comme si j’étais mandaté post mortem par l’une pour initier enfin l’autre à sa féminité.

Au-delà des illusions que confèrent temporairement les vêtements et le maquillage, cette posture originale m’a permis de pénétrer mentalement et durablement l’univers féminin, de m’en enrichir, de m’accomplir en tant que personne, à la limite des deux genres, les synthétisant.

Combien de fois me suis-je entendu dire, tout au long de mon enfance et de mon adolescence, des phrases dans le genre : « il a les traits tellement fins qu’on dirait une fille ! » ? Les méprises ont été nombreuses à mon égard jusqu’ à l’âge de 18 – 20 ans.

J’avais vraiment du mal à assumer mon image androgyne. Je me sentais piégé par les apparences. Je me suis toujours senti masculin et hétéro malgré tout, et cet état de fait a contribué à restreindre mes relations. Les choses auraient peut être été plus simples si mon comportement avait été efféminé, mais ce n’était pas du tout le cas. Bien des fois j’ai senti que je semais le trouble chez mes camarades, ou chez des adultes, qui ne parvenaient pas à me ranger dans un cadre suffisamment clair et rassurant pour eux et elles. Je ne parvenais à être bien intégré ni par les filles ni par les garçons.

A l’adolescence, certains crétins dans la force de « l’âge bête » ont même essayé de me martyriser pour me faire sans doute payer le prix expiatoire de leur ébullition hormonale ou d’être meilleur qu’eux au football.
Je garde de mes années au collège le souvenir d’une réelle souffrance.

Ma deuxième émotion forte m’a surpris à un moment où je ne l’attendais absolument pas, à l’âge de 14 ans, à une période où mon éonisme sommeillait.

Bien qu’ayant quelques difficultés relationnelles avec les jeunes de mon âge, j’avais quand même quelques copains, dont un dont la mère, une femme sublime, était à l’origine de mes premiers émois amoureux…

Un soir, un lundi, après les cours, je décidais d’aller retrouver ce copain pour passer un moment ensemble. A mon arrivée à son domicile je fus accueilli par sa mère (que je connaissais depuis des années) qui m’expliqua qu’il venait de partir à la pêche avec son père, mais qui m’invita à prendre un goûter.

La réputation de son chocolat et le plaisir de passer un peu de temps, rien que pour moi avec elle, me fit accepter l’invitation sans la moindre hésitation.

Je rêvais de cette femme magnifique, épanouie, indépendante, magnétique, désirée probablement de tous ceux qui l’approchaient, et le fait qu’elle puisse m’accorder une attention particulière me transportait et me glaçait le sang en même temps, car je lui prêtais instinctivement le don d’être capable de lire dans mes pensées et de deviner l’effet enivrant qu’elle produisait sur moi.

Nous discutions de choses et d’autres depuis un moment, lorsque son regard bleu et transperçant me dévisagea avec une expression étonnamment chaleureuse que je ne lui connaissais pas ; je me sentais vaciller ; je ne savais plus où me mettre et m’attendais à un tremblement de terre.
Avec beaucoup de douceur elle me dit qu’elle avait quelque chose à me montrer qui devrait m’intéresser…

Mon cœur battait la chamade, je transpirais l’adrénaline me sentant confusément mis à nu dans mes sentiments et éventuellement sur le point de perdre mon pucelage avec cette femme mûre, la mère de mon copain, la femme d’un homme qui me considérait un peu comme son fils, alors que ma sexualité d’adolescent n’en était qu’à ses balbutiements.
Je me sentais inexorablement entraîné dans une périlleuse entreprise, à la limite de l’inceste et de la haute trahison.

Elle m’invita à la suivre, je ne savais plus quoi penser…mais j’engageais le pas fiévreusement derrière elle, en direction de ce grenier où je n’étais jamais monté alors que je connaissais bien le reste de la maison.
Qu’allais-je trouver en haut de cette quinzaine de marches qui me parurent interminables ?

Nous arrivâmes dans une première pièce, un vrai bric-à-brac de cartons, de vieux jouets et d’objets en tous genres, sans relief particulier.

Au fond de cette pièce se dressait une porte vers laquelle elle m’entraîna, et lorsqu’elle l’ouvrit, je compris à quel point j’avais eu raison de croire en sa capacité de lire jusque dans mes pensées les plus secrètes.

Cette pièce était, en quelque sorte, une annexe, un entrepôt, de son magasin de confection, rempli de mannequins, de perruques, de vêtements, de sous vêtements et de chaussures en tous genres, avec un miroir sur un pan de mur.
J’étais abasourdi !
Comment avais-je été si superbement démasqué, alors que je vivais mon éonisme le plus clandestinement et le plus furtivement possible ?

Elle ne chercha pas à m’accabler davantage et me proposa pudiquement de me laisser « visiter » la pièce tandis qu’elle m’attendrait en bas.
Cette femme me paraissait plus extraordinaire et plus énigmatique que jamais.
J’étais subjugué.

Cette première visite fut assez brève, peut être un quart d’heure, mais elle me parut infinie. Mon esprit était trop embrouillé pour que je puisse vraiment profiter de l’aubaine, et se focalisait sur les questions du « comment a-t-elle su ? » et du « que dire quand je vais redescendre ? ».

Incapable de trouver des réponses et halluciné d’avoir subitement à ma disposition tout ce dont j’avais rêvé pour me féminiser, j’aurais voulu rester toute ma vie dans ce grenier.

Quand je redescendis elle me soulagea grandement en prenant l’initiative de la parole, comme si elle connaissait déjà tout mon questionnement.

Elle m’expliqua, sans trahir personne, qu’elle avait déjà une longue expérience du travestissement de personnes proches, qu’à ses yeux je présentais de nombreuses similitudes, et que j’étais loin d’être un cas unique… Quel poids elle venait de me sortir !
J’aimais encore plus cette femme ! Et maintenant je savais précisément pourquoi.

Les trois années qui suivirent (jusqu’à ce que nous déménagions) furent extraordinaires. J’avais l’impression de sortir enfin d’un carcan de culpabilité et de pouvoir exister pleinement en expérimentant, comme jamais, ma part de féminité, cherchant et trouvant mon style, accomplissant mon adolescence dans une espèce de plénitude, bien qu’Estelle ne sortit jamais du grenier.

Mes années universitaires marquèrent un nouveau cap : celui d’un travestissement plus abouti, j’avais enfin la possibilité de me maquiller, et de mes premières sorties, d’abord nocturnes (assez stressantes), puis rapidement en journée, avec le bonheur, toujours présent de me fondre dans la masse comme mademoiselle ou madame Tout Le Monde.

Quel bonheur que de pouvoir rentrer dans un rayon de vêtements féminins sans culpabilité et de se livrer tranquillement au choix des articles, voire à quelques essayages.

Le seul hic est que ma voix n’a jamais été au niveau de la jeune femme que je donne à voir et que de ce fait j’ai toujours fui le contact et le dialogue avec d’autres personnes.
Je pense objectivement n’avoir été repéré comme travesti que deux ou trois fois en quinze ans de sorties.

Ce physique androgyne qui m’a causé tant de tourments dans mon enfance et dans ma jeune adolescence, j’ai appris à le domestiquer et à en tirer parti; il me fallait peu d’artifices pour paraître convaincante.

Les années avançant et les traits masculins s’affirmant inexorablement, j’en viens aujourd’hui à en regretter le flétrissement, tant il faut que je m’emploie davantage en maquillage pour faire encore émerger une image féminine crédible.

Ma formidable épouse, sait mais n’approuve pas. J’ai tenu rapidement à lui « présenter le tableau » afin de dissiper cette zone de secret entre nous et pour l’assurer de l’intensité et de la non ambiguïté des sentiments que j’éprouve pour elle.

Il lui était difficile de faire la part des choses entre travestissement et sexualité (homosexualité en l’occurrence), tant les stéréotypes sociaux, les caricatures ont la peau dure.

Préalablement à ce dévoilement, qui m’a mis dans tous mes états, je suis allé voir un psychiatre et une psychanalyste, pour lui/me « donner des garanties ».
Les deux ne m’ont pas prodigué d’autre conseil que d’apprendre à accepter et à assumer ma part de féminité.

Mesurant mon trouble, mais quelque peu désarçonnée par cette fille cachée et intime qui faisait irruption dans sa vie, mon épouse m’accorda le droit d’avoir « mes petits travers », pour peu qu’ils restent clandestins par rapport à notre vie de couple et de famille, ce que je peux concevoir et dont je m’accommode, même si j’espère qu’elle puisse un jour devenir plus complice.

Estelle évolue donc par intermittence, mais décomplexée, sur les chemins de traverse de ma dualité, avec le bonheur de mesurer, grâce à la toile, à quel point ce qu’elle ressent et expérimente est partagé par mes sœurs de clandestinité.

Je vous embrasse toutes qui aurez pris le temps de me lire et qui vous vous reconnaîtrez peut être dans mon parcours, comme j’ai pu me reconnaître dans les vôtres.
Estelle22


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