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« », une petite histoire imaginée par marietherese2

1 LE PARADIS DE MIREILLE jeanne jeanne.claude@femme.net 14-10-2004, 6:59 "MADELEINE" partie 11 de 12

"LE PARADIS DE MIREILLE"

La reprise du magasin s'est faite rapidement. Sonia avait déjà bien entamé les démarches. Quelques papiers à signer pour le notaire, quelques autres pour la banque, et le paradis de Mireille appartenait à Mireille. J'avais acheté la maison complète, ce qui me permettait d'y vivre. Irène prenait mon appartement en sous-location. Elle ne m'abandonnait pas. Elle prendrait le temps de m'initier à ce commerce un peu différent de celui auquel j'étais habitué. Elle allait me montrer les coulisses du paradis.

Dans mon grand magasin, je m'attendais à devoir négocier mon départ. J'avais pris rendez-vous auprès du directeur des ressources humaines. Je lui dis que je désirais mettre fin à mon contrat de travail. Il consulta la fiche établie à mon nom, lut quelques rapports à mon sujet et me dit, d'un air glacé, qu'il ne voyait pas d'inconvénient à ce que je quitte très rapidement son établissement. Il me donna raison de vouloir réorienter ma carrière et me souhaita bonne chance.

Monsieur Charles, mon chef de rayon, ne fut pas surpris d'apprendre que j'allais m'en aller. Il fut par contre étonné d'apprendre que j'allais rester dans la vente et que je venais de reprendre un magasin. Il encaissa le coup sans broncher mais je vis bien sa réprobation. Il me serra la main sans rien dire, comme on le fait lors d'un enterrement où l'on assiste par obligation et que l'on ne sait pas trop quoi dire aux proches de la personne disparue.

Je me sentais nettement plus à mon aise dans le magasin d'Irène, dans mon magasin à présent.

Le genre d'article me plaisait bien plus que les casseroles du grand magasin. J'aimais les exposer, les mettre en évidence dans la vitrine. J'aimais à ouvrir les emballages, à tâter la souplesse des tissus, à évaluer la finesse de la dentelle, et à les caresser du dos de la main, avant de les replier soigneusement et de les ranger dans mes étagères. Irène m'expliquait bien le fonctionnement du magasin. Elle m'indiquait comment commander les nouveaux produits en se basant sur les catalogues et les explications des délégués de vente qui visitaient régulièrement le magasin. Elle me montra sa manière de vendre sa marchandise, ou plutôt ses manières, car elle s'adaptait à ses clients. Elle avait en effet beaucoup de dames comme clientes, mais elle avait aussi des messieurs qui entraient dans son magasin. Elle avait beaucoup de patience et tenait à aider et à conseiller chaque client, dès qu'il semblait avoir besoin de ses services. Elle voulait que chaque client sorte satisfait de son paradis. Elle ne vendait que des articles de haute qualité, provenant d'excellentes maisons.

Moi j'étais heureuse et réceptive à toutes ces bonnes paroles, j'apprenais vite et bien. Je pouvais enfin travailler librement, habillée comme je l'entendais. Comme j'habitais déjà au-dessus du magasin, je pouvais facilement changer de tenue, ou échanger un accessoire contre un autre dès que j'en éprouvais le désir, et je ne m'en privais pas. Je me sentais tout à fait dans mon élément, je me sentais au paradis.

Irène avait beaucoup de fidèles clientes. Au fur et à mesure de leur passage, elle me présentait, expliquait ma présence et l'avenir du magasin. Les clientes étaient enchantées d'apprendre que le magasin allait continuer d'exister en gardant son style actuel. En effet ni Irène ni moi ne voulions changer quoi que ce soit à ce magasin qui fonctionnait si bien.

Un matin, Madeleine est passée au paradis. Irène m'a présentée comme d'habitude. Madeleine m'a examinée avec attention et beaucoup de bienveillance. Nous avons bavardés quelques instants. Une cliente est entrée. Je m'en suis occupée afin de laisser les deux amies bavarder à l'aise. Une fois la cliente servie, je me suis à nouveau approchée d'Irène et de Madeleine. Madeleine s'est interrompue, s'est tournée vers moi, m'a souri et m'a félicitée. Elle m'a dit que j'avais le don du service à la clientèle et qu'elle me prédisait un brillant avenir au paradis.

Il y avait beaucoup de dames intéressantes dans la clientèle d'Irène. Une des premières à y venir fut la baronne Danièle de Hauterue. Elle me salua aimablement et me dit sa satisfaction de voir continuer à vivre ce magasin qu'elle aimait beaucoup et où elle venait souvent. J'aimais à la voir dans mon magasin. Elle avait une élégance naturelle lorsque immobile, elle examinait un article, ou lorsqu'elle se déplaçait dans ma boutique. Et puis j'aimais son regard où il y avait, entremêlés, beaucoup de joie de vivre, d'émerveillement, et une étrange gravité. Elle répandait autour d'elle de la douceur et du calme élégant, de bon ton. Elle aurait fait une excellente infirmière.
Irène me précisa que c'était une de ses plus fidèles clientes et qu'elle appréciait l'usage de la deuxième cabine d'essayage.
Elle revenait souvent, au moins une fois chaque semaine.

Quelques semaines plus tard, je m'occupai seule de la baronne Danièle de Hauterue. Irène jugeait que j'étais tout à fait apte à tenir toute seule le magasin et était partie faire quelques courses dans le quartier. Madame la baronne, comme à son habitude, me demanda conseil. Je lui montrai quelques articles qui venaient de rentrer. Elle choisit ceux qu'elle avait l'intention d'essayer et s'éclipsa vers la deuxième cabine d'essayage. Je m'occupai pendant quelques minutes à ranger mon comptoir et mes rayons. Puis j'entendis sa voix. Je m'approchai de la cabine. Elle me demandait de bien vouloir régler les bretelles du modèle qu'elle essayait. Irène m'avait enseigné l'art délicat du réglage des bretelles. Il fallait avoir du doigté, le sens de l'observation, une bonne connaissance des tissus, de l'intelligence, du bon sens, du tact et de la délicatesse. En rentrant discrètement dans la cabine, je vis la baronne de dos, et de face dans le miroir. C'était une très belle femme. Je l'observai et lui proposai de modifier le serrage en décalant les crochets d'une rangée d'agrafes, et de tendre légèrement plus les deux bretelles, surtout la gauche. Elle me regarda, et d'un sourire acquiesça. Je me penchai, voulant saisir une bretelle. Je dus interrompre mon geste. Une intuition venait de m'atteindre. Cette femme debout devant moi, cette très belle femme avait en commun avec moi une partie importante de son passé. Je me ressaisis et continuai mon geste. Lorsque je touchai sa peau, en m'emparant de la bretelle, j'ai senti son frémissement et j'ai vu son petit mouvement de tête. J'ai entendu son petit à coup de respiration. Mon intuition devint ma certitude. J'ai eu juste assez de conscience professionnelle pour terminer mon réglage. La gorge nouée par une forte émotion, je l'ai interrogée du regard. Elle regardait dans le miroir et avait observé toute la scène. Elle avait un tout petit sourire. Nos regards un instants croisés m'apprirent qu'elle venait de vivre exactement la même chose que moi et qu'elle aussi ressentait une forte émotion. Je suis sortie de la cabine. Il fallait que je m'occupe et surtout que j'occupe mes mains. J'ai fait chauffer de l'eau afin de me préparer un thé. Je m'assis à ma table, dans l'arrière boutique. J'étais toute rêveuse. La baronne sortit, me vit et sans façons, vint s'asseoir aussi. Je tremblais un peu en servant le thé. Nous avons bu notre thé en silence. De temps en temps nos regards se croisaient un instant. Nous n'avons échangé aucune parole, mais ce jour là nous avons convenu tacitement de ne pas parler de nos passés trop lourds à remuer. Nous voulions vivre dans le présent et penser à l'avenir. Nous voulions vivre dans ce monde enfin réel où il y avait des choses si jolies à tenir en main, où il y avait de si tendres choses à caresser. Nous étions comme deux touristes européens qui se rencontrent devant le château Frontenac. Ils sont du même pays, de la même ville, du même quartier. Ils viennent de s'en rendre compte à d'infimes détails, à leur façon à eux de parler leur français. D'un commun accord ils décident de ne pas parler de leur triste banlieue grise, de leur quartier envahi par les usines enfumées et malodorantes, de ne parler que de leur voyage actuel dans cette belle ville de Québec.
Sa voix était un peu cassée lorsqu'elle me demanda si j'avais aussi en bleu le modèle qu'elle venait d'essayer. Je me concentrai et lui répondis négativement, précisant que l'article allait rentrer la semaine suivante.
"Dans ce cas je reviendrai la semaine prochaine." Me dit-elle de sa voix déjà raffermie. J'avais saisi à l'intonation de sa voix que cette petite phrase banale contenait une promesse et une proposition d'amitié.
En lui tenant la porte pour la faire sortir de mon magasin nous avons échangé un long regard tout chargé de tendresse. Je l'ai suivie du regard dans la rue. J'ai suivi du regard ma grande sœur Danièle qui reviendra la semaine prochaine.

La porte d'entrée du magasin était munie d'un signal sonore. Ceci était fort pratique lorsque je me tenais, pour une raison quelconque, dans l'arrière boutique. Il ne s'agissait pas de l'un de ces gadgets électroniques, mais d'un sympathique système de trois clochettes mis en mouvement par l'ouverture de la porte. Irène m'avait prévenue que la musique produite annonçait le style de la cliente qui entrait. Elle avait raison.

Madame la comtesse Françoise de Verklied par exemple s'annonçait d'une façon dynamique et joyeuse qui correspondait tout à fait à son personnage. Elle répandait autour d'elle une joie active. Il émanait d'elle beaucoup de joie de vivre. Cette joie était particulière. Elle ne s'exerçait jamais au dépens d'autrui. Chaque fois que je l'ai rencontrée, je me sentais mieux après sa visite qu'avant. Elle aimait les modèles originaux, les nouveaux systèmes ou procédés de fabrication, les nouvelles matières. Elle essayait systématiquement toutes les nouveautés de mon magasin. Elle avait le don de deviner très vite le ou les avantages particuliers de telle ou telle nouveauté. Elle avait dans ce domaine une imagination débordante, bien plus grande que la mienne, qui pourtant était considérable. Aimablement, elle me confiait ses nombreuses impressions. Je les resservais plus tard, d'un air sentencieux, neutre et réservé à d'autres clientes qui appréciaient ces conseils avisés. Françoise avait aussi parfois un air grave. C'était le cas lorsqu'un modèle la mettait particulièrement bien en valeur. Elle restait alors longtemps silencieuse dans la cabine d'essayage de l'arrière boutique. J'attendais patiemment qu'elle en ressorte, sans la déranger. En sortant de la cabine, pour tout commentaire, elle m'indiquait, d'une voix un peu plus grave que d'habitude, que ce modèle était vraiment très bien. J'en notais soigneusement les coordonnées et en commandais de grosses quantités, sachant que j'allais en vendre beaucoup.

Le carillon, lorsque Madame la marquise Alcina de la Marolle l'actionnait émettait une musique semblable, mais légèrement différente. Les suites de trois notes produites à l'ouverture et ensuite lors de la fermeture de la porte étaient également dynamiques et joyeuses. Mais le rythme était légèrement plus lent. Ceci correspondait bien au tempérament légèrement plus modéré d'Alcina. Le temps un peu plus long qu'elle intercalait entre l'ouverture et la fermeture de la porte indiquait bien son souci de ne rien imposer autour d'elle, de proposer sa joie de vivre et sa bonne humeur, mais de ne jamais l'imposer. C'était toujours avec plaisir que je voyais entrer dans mon magasin cette excellente cliente. Lorsque je lui proposais les nouveautés qui venaient de rentrer, je voyais de suite celles qui lui plaisaient. Alcina était modérée dans ses gestes, ses expressions et ses paroles. Mais lorsqu'un modèle lui plaisait beaucoup, je lisais son plaisir dans ses yeux dont elle ne parvenait pas à modérer l'éclat. Elle préférait les modèles plus classiques que ceux de Françoise, aux couleurs moins voyantes, qui soutenaient mieux, qui laissaient moins voir. Parfois, certains jours, elle faisait une exception. Je lisais alors dans son regard beaucoup de joie mêlée d'un peu de fébrilité.

Madame la comtesse d’Archambauld venait parfois dans mon magasin. Généralement, elle était accompagnée par Geneviève, sa gouvernante.

Souvent c'était la comtesse qui menait la conversation. Cette charmante dame âgée m'expliquait en détail ce qu'elle désirait. Elle avait des goûts et des envies très classiques, tels que l'on pouvait s'y attendre en la voyant pénétrer dans le magasin. Mais parfois elle exprimait un souhait un peu différent. Elle avait alors un charmant regard vers Geneviève, un peu comme si elle lui demandait une permission accordée d'avance. Ensuite elle affichait un petit sourire gourmand et d'une voix douce, un ton plus bas, se penchant vers moi, exprimait sa demande. Geneviève avait alors un sourire et un regard complices.
Parfois la comtesse était un peu absente et c'était alors Geneviève qui menait la conversation. Je commençais à connaître les goûts de la comtesse. Geneviève et moi choisissions alors pour elle.

Geneviève me plaisait beaucoup. C'était une femme de tête à l'autorité douce. Elle avait l'art de pousser les gens à bien faire les choses, à réfléchir à ce qu'ils faisaient, sans imposer sa volonté. Elle savait toujours très bien où elle allait et ce qu'il fallait faire. Elle m'avait mise au courant de son activité chez "BELCUISININOX". Je lui avais parlé de mon expérience dans la vente de casseroles en inox. Elle se montra fort intéressée et me proposa d'en reparler à l'aise, plus tard.

Parfois Geneviève était prise par d'autres activités. C'était alors Louise, la femme de chambre de la comtesse qui accompagnait celle-ci. C'était toujours avec plaisir que je voyais Louise pénétrer dans mon magasin. Elle s'occupait d'abord de la comtesse, bien sûr, mais ensuite elle choisissait avec soin quelques modèles pour elle-même. Elle était grande et élancée. Elle avait une prédilection pour les guêpières. Son regard très mobile trahissait son excitation. Dès qu'elle était installée dans la cabine, elle poussait des gloussements de plaisir qu'elle tentait vainement d'étouffer. Après le dernier gloussement venait le premier fou-rire. Chaque départ de fou-rire était un moment de bonheur pour moi. Mes yeux glissaient alors dans le vague et j'avais un très tendre sourire.

Jacqueline était un autre genre de gouvernante. Son coup de carillon était assez discret. Elle aimait recevoir mais pas de demander. Elle était tendre et émotive. Je l'aimais beaucoup. Je parcourais les catalogues avec elle afin de l'aider dans ses choix. Je voyais à son regard ce qui l'intéressait. J'allais chercher le modèle choisi et le lui présentais. Elle plaçait ses mains jointes, bien à plat et recevait ce modèle comme un cadeau précieux. Elle se dirigeait alors vers la cabine d'essayage comme le ferait une prêtresse antique portant aux dieux une offrande de prix.
En quittant mon magasin, elle me remerciait chaque fois, la voix un peu rauque.

Le coup de carillon d'Amélie était bref, précis et énergique. Avec elle, rien ne traînait. Elle passait le temps qu'il fallait pour que le résultat qu'elle s'était assigné, soit atteint, mais sans une minute de plus. Elle m'expliqua un jour qu'elle avait perdu assez de temps dans sa vie jusqu'il y a peu. Elle avait donc résolu de profiter à fond des opportunités que la vie lui offrait. Elle savait très bien ce qu'elle voulait. Elle avait une conformation plus prononcée que ses amies. Elle avait plus de carrure. D'autre part, elle aimait les modèles robustes, solidement construits. Pour ses spectacles elle recherchait des modèles en cuir, si possible avec des chaînes et des pièces métalliques cousues. Ce n'était pas facile à trouver. Mais en feuilletant mes nombreux catalogues et en interrogeant les représentants de commerce qui visitaient mon magasin, j'avais pu proposer quelques articles à Amélie. De plus je disposais dans l'arrière boutique d'un petit atelier de couture. Une vénérable machine à coudre, installée en son temps par Irène, en était l'équipement principal. Irène m'avait montré le maniement de cette ancienne machine. J'y avais pris goût, j'étais douée. J'effectuais pour certaines clientes de petites réparations ou des modifications. J'aimais ces exercices délicats sur des tissus réputés difficiles. J'obtenais de beaux résultats. Pour Amélie je devais me surpasser. Elle voulait beaucoup de pièces métalliques et des effets compliqués, difficiles à coudre. Mais le résultat en valait la peine.

J'avais été la voir un soir où elle était en représentation. Moi qui la connaissais joviale et enjouée dans mon magasin, je la découvrais ici terrible et impressionnante. Ses coups de fouet claquaient, faisaient à chaque coup s'entrechoquer les pièces métalliques et les chaînes que j'avais patiemment cousues, et provoquaient de délicieux frissons parmi les spectateurs. Lorsqu'elle aboyait ses ordres de sa voix rauque et sèche, chacun retenait sa respiration. Lorsque la salle applaudit avec enthousiasme, à la fin de la représentation, je fus contente d'avoir fait le maximum pour satisfaire cette cliente exigeante.

Lorsque c'était Adèle, l'épouse du pharmacien qui entrait, j'avais à peine le temps d'entendre le carillon. Elle passait en coup de vent. Elle passait souvent. Elle jetait un coup d'œil très rapide dans les rayons. Elle ne prenait pas souvent le temps d'essayer. Souvent elle plaçait simplement les modèles devant elle et se regardait dans la glace de la première cabine d'essayage. L'air ravi, elle me lançait un rapide sourire de femme heureuse et emportait rapidement son précieux butin, sans toujours prendre le temps de le faire emballer. Si elle n'avait rien trouvé dans les rayons, elle se jetait avec frénésie sur mes nombreux catalogues que je rangeais sous mon comptoir. Elle les feuilletait fébrilement, s'arrêtant de temps à autre sur une page pendant quelques secondes, et me passait sa commande.

J'avais gardé inchangé l'aménagement du magasin, tel que me l'avait laissé Irène. J'avais gardé les deux cabines d'essayage. Cette deuxième cabine convenait très bien à une partie de ma clientèle qui appréciait la tranquillité. C'était le cas par exemple lorsqu'une des gouvernantes venait avec une nouvelle femme de ménage. J'aimais ces visites chargées d'émotion. Visiblement ces nouvelles clientes n'avaient pas eu souvent l'occasion de pénétrer dans un magasin du genre du mien. Elles étaient souvent timides et un peu nerveuses. Je m'appliquais à les calmer, à les rassurer. Je parlais d'abord de choses et d'autres pour les aider à évacuer leur nervosité. Nous faisions ensuite tranquillement, tout doucement, le tour des différents rayons et je leur montrais les modèles de base de ma gamme d'articles. Je les amenais ensuite vers la cabine d'essayage de l'arrière boutique, en emportant quelques catalogues où il y avait beaucoup de jolies photos. En bavardant gentiment avec elle, nous déterminions, la gouvernante, la cliente et moi-même les modèles qui allaient inaugurer la séance d'essayage. Beaucoup d'informations passaient simplement par les regards, par des gestes à peine esquissés, sans dire un seul mot. La séance durait en général assez longtemps. En les raccompagnant à la porte du magasin, je voyais au sourire déjà plus assuré de la femme de ménage nouvellement engagée que j'avais fait du bon travail et que j'avais gagné une nouvelle cliente, qui reviendrait souvent avec plaisir.

Il y avait aussi des messieurs qui venaient dans mon paradis. Ceux que je préférais c'étaient les timides, au coup de carillon hésitant. Je m'immobilisais alors et prenais une attitude ouverte, avenante qui, je le savais calmait leur appréhension. J'attendais qu'ils s'approchent du comptoir. Je leur souriais calmement, attendant patiemment en silence qu'ils retrouvent leurs esprits. Certains se lançaient dans une histoire vite invraisemblable de mère alitée, de sœur en train d'accoucher, de tante en visite ayant perdu ses valises, que j'écoutais patiemment, sans manifester la moindre trace d'incrédulité, d'un air approbateur, sans réserve. Ils s'arrêtaient alors, la gorge sèche, attendant la matérialisation du miracle. J'attendais encore un peu pour laisser l'occasion à leur cœur de retrouver un rythme normal, et puis je matérialisais le miracle. Je leur demandais d'une voix douce s'ils avaient une idée du genre de modèle qu'ils voulaient acheter. Je leur demandais s'ils préféraient regarder avec moi dans les rayons ou s'ils choisissaient de consulter mes nombreux catalogues. Je ne leur demandais pas trop vite la taille de l'objet convoité, pour ne pas rompre le charme. Trop souvent, ils n'avaient aucune idée de la taille qui conviendrait à la personne qu'ils venaient d'évoquer et ma question les prenait de court. Moi, j'avais l'œil exercé et je savais déjà à ce moment là la taille des modèles que j'allais leur vendre. Je les aidais en leur désignant mes mannequins qui ornaient l'arrière de ma vitrine. Au besoin je leur demandais de les toucher, d'évaluer avec leurs mains si le mannequin était de la même taille que celle de la personne de leur petite histoire. Je faisais alors semblant de ne pas voir le tremblement de leurs mains. Généralement les mannequins avaient une taille bien plus fine que celle de la personne. Ma gamme d'articles était très complète. Il ne m'arrivait jamais de ne rien pouvoir vendre. Dans les cas extrêmes, mon petit atelier de couture me venait bien à point pour modifier les plus grands modèles et les adapter à la morphologie de la grosse tante femme d'affaires débordée qui n'avait pas le temps de passer dans mon magasin.

Les plus organisés, les plus astucieux, ceux qui avaient déjà de l'expérience, entraient dans le magasin un papier à la main. Sur le papier figuraient des indications de taille et de modèle soigneusement recopiés. J'essayais de rester sérieuse le plus longtemps possible, mais lorsque je voyais leur air malicieux, je ne pouvais m'empêcher de leur sourire et de prendre un air malicieux moi aussi. Je me sentais comme une grande sœur surprenant son jeune frère, une cuillère à la main, près de l'armoire ou sont rangées les confitures. D'un air qu'elle voudrait sévère, mais le sourire gourmand, elle lui proposait de partager le butin.

Certains de ces messieurs osaient employer la cabine d'essayage. L'un m'expliquait qu'il désirait profiter d'un endroit discret pour examiner à l'aise le modèle destiné à sa sœur, sans courir le risque d'être aperçu par une connaissance quelconque qui se poserait des questions inutiles sur sa présence dans mon magasin. Je lui donnais raison et lui indiquait ma cabine d'essayage située dans l'arrière boutique. Un autre avait amené avec lui une tante virtuelle complètement invisible. Pourtant lui la voyait. Il lui parlait aussi. Il a fait entrer sa tante dans la cabine afin de lui faire essayer différents modèles. De longues minutes après, il en est ressorti, en a fait sortir sa tante que je n'ai toujours pas aperçue et m'a dit, des étoiles plein les yeux, que sa tante avait bien aimé l'essayage et qu'elle désirait m'acheter tous les articles essayés.

Une fois leurs achats terminés, je ne perdais pas trop de temps à emballer le prétendu cadeau. Je savais que l'emballage le plus sophistiqué serait rapidement déchiré et jeté. J'enveloppais l'achat dans une légère feuille de papier de soie et le plaçais dans un sac en plastique. Je recevais beaucoup de sacs des maisons qui me fournissaient. C'était une bonne publicité pour eux. Par délicatesse, dans ces cas-ci, j'employais des sacs blancs, sans aucun logo révélateur. Mes clients étaient ainsi moins embarrassés lors de leur voyage de retour. Je glissais dans leur sac un des beaux catalogues que j'avais en surnombre. Je savais que cela leur ferait plaisir.

Parfois deux messieurs se rencontraient sur le pas de ma porte, l'un voulant sortir et l'autre entrer. Ils s'arrêtaient alors, subjugués et consternés. Ils n'osaient plus bouger. Ils n'osaient plus rien dire. Je sauvais alors la situation en m'interposant délicatement entre eux. Je parlais à celui qui voulait sortir, lui indiquant le chemin à suivre pour trouver la quincaillerie la plus proche, faisant mine de poursuivre une conversation interrompue l'instant d'avant. Soulagés tous deux, ils effectuaient leur manœuvre en gardant une grande distance entre eux.

Il y avait aussi des représentants de maison de production qui venaient me visiter. Il y avait des dames qui exerçaient ce métier là par hasard, pour gagner leur vie, sans plus. Il y en avait d'autres qui l'exerçaient parce que les sous–vêtements les intéressaient. Il y avait même des passionnées de ce genre d'article. Je pouvais les cataloguer sans peine, à leur coup de carillon, à leur façon de s'habiller, à leur façon de s'avancer vers moi, à leur façon de lancer un coup d'œil circulaire dans mon magasin, à leur façon d'ouvrir leur mallette contenant des échantillons, à leur façon de me présenter leur nouveau catalogue.
J'aimais à prendre le thé avec certaines d'entre elles. J'aimais à parler avec elles de choses et d'autres. J'aimais les écouter. Elles m'ont beaucoup appris, sur mon métier et sur d'autres sujets aussi.

Il y avait très peu d'hommes qui exerçaient ce métier. Je n'en avais jamais vu avant que Pierre ne pénètre un beau matin dans mon magasin. On ne pouvait pas dire qu'il était timide, ni maladroit. Non ce n'était pas ça. Il était un peu rigide, un peu timoré, comme s'il se contrôlait sans cesse, comme si tout ce qu'il faisait ou disait devait d'abord passer par un système de contrôle interne. Il était lent et manquait de souplesse.
Il portait en bandoulière un grand sac en cuir noir où il avait rangé ses échantillons et qui lui servait aussi de porte document.

Il avait des articles très intéressants à me proposer. C'était le genre d'articles que je recherchais pour mon exigeante clientèle. C'était le genre d'article que l'on ne trouverait jamais dans les supermarchés. Il représentait une maison qui travaillait encore de manière artisanale. L'usine était située dans le nord du pays, dans une région connue anciennement pour la qualité de ses textiles. La crise économique, les délocalisations, avaient transformé la région en désert économique. La maison tentait de subsister grâce à son savoir-faire, à la qualité de sa production et à l'originalité de ses produits. Ils fabriquaient à l'ancienne des articles que l'on ne trouvait plus sur le marché depuis longtemps, ces articles étant trop compliqués à produire. Ils avaient aussi des articles originaux que l'on n'avait encore jamais vus. Ils employaient des matières splendides. L'achèvement et la finition étaient impeccables. Tout cela, je m'en rendais compte par moi-même, car Pierre n'était plus capable de parler. Je voyais ses mâchoires tendues par l'effort, mais aucun son ne sortait de sa bouche contractée. C'est avec les mains qu'il m'expliquait, qu'il me montrait, qu'il me faisait examiner les détails. Il me présenta un tissu bordé de dentelle. Le tissu était tissé à la main sur des machines spéciales, suivant un procédé compliqué. On obtenait ainsi un tissu à degré d'élasticité variable. La dentelle, exécutée à la main, était elle aussi élastique, mais son degré d'élasticité était légèrement inférieur à celui du bord du tissu. Le tissu, correctement coupé, monté et cousu, bordé de la dentelle montée en surpiqûre, adroitement employé pour la fabrication d'un soutien gorge un peu échancré, faisait merveille. Il m'en fit la démonstration avec sa main serrée d'abord et ensuite avec un petit ballon en baudruche rempli d'eau. J'étais intéressée. Je le lui dis et lui demandai de repasser en fin d'après midi le mercredi de la semaine suivante. Il pourrait alors présenter ses articles à mes meilleures clientes qui viendraient prendre le thé dans mon arrière boutique.

Il n'y avait pas beaucoup de place dans mon arrière boutique. J'ai installé Pierre à la table. Il pouvait ainsi étaler ses catalogues et ses échantillons. Je me plaçai moi-même à la même table, prête à me déplacer rapidement vers mon magasin, au cas où une cliente se présenterait. Il y avait encore une place à la table, elle fut pour la baronne Danièle. Françoise, Geneviève et Jacqueline se tenaient debout derrière Pierre. Nous avons suivi avec intérêt la démonstration de Pierre. Celui-ci avait avec beaucoup de peine prononcé quelques mots en entrant dans mon paradis. Depuis lors, la contraction de ses mâchoires l'empêchait de parler. Heureusement ses mains étaient éloquentes. Il parvenait grâce à elles à nous montrer, à nous expliquer, à nous détailler, et à nous prouver la qualité exceptionnelle de ses articles. Nous suivions avec attention son exposé et touchions les articles, caressions les tissus, sentions du bout des doigts la finesse des points, apprécions la régularité des dentelles. Pour ce faire, nous nous penchions vers lui lorsqu'il avait un article en main, ou sur les nombreux articles posés sur la table. Les dames placées derrière Pierre, prises au jeu, glissaient leurs bras le long des siens et ne cachaient pas leur enthousiasme en posant une main sur la sienne ou en lui donnant une tape amicale sur l'épaule. Ces glissements, ces frôlements, ces petits gestes d'approbation lui faisaient plaisir, mais interrompaient chaque fois sa démonstration. A chaque fois il avait un sourire tendre, un petit hochement de tête et avait un peu de mal à retrouver le fil de son exposé.
La démonstration terminée, il se redressa sur son siège et attendit. Nous avons encore passé un long moment à réexaminer chaque article, chaque détail, chaque couture. Ce fut Jacqueline, la timide Jacqueline qui demanda la première à essayer un des modèles.
C'est avec un peu de nostalgie, un peu de tristesse, un peu de peine, que nous avons vu Pierre ranger ses si jolis échantillons dans son grand sac en cuir. Il avait des gestes très lents pour effectuer ce rangement.
J'ai pris mon carnet de bons de commande et je lui ai commandé une gamme complète. Il parut très content et me fit comprendre par signes qu'il reviendrait bientôt.

Leur habitude de passer chez moi pour boire un thé était venue par hasard. La comtesse Françoise de Verklied était passée un jour dans mon paradis en fin d'après midi pour voir mes nouveautés. J'avais mis de l'eau à chauffer et je m'apprêtais à boire mon thé. J'avais ma bouilloire en main lorsqu'elle est entrée. Je l'ai invitée à se joindre à moi. Sans façons, elle a accepté. Nous avons passé un moment très agréable à parler de tout et de rien.

Elle est revenue de temps en temps vers la même heure. Ses amies ont suivi le mouvement. L'une ou l'autre apportait des pâtisseries. Nous parlions de choses importantes. Elles montraient leurs achats, les essayaient, usant et abusant de la cabine d'essayage. Elles se prêtaient leurs affaires, pour mieux juger de l'effet produit, pour obtenir un autre avis. Parfois une jeune femme de ménage, nouvellement engagée, ou une femme de chambre, les accompagnait. Au contact chaleureux de ces dames, les timides perdaient un peu de leur timidité. Les rieuses, les rêveuses, les amateurs de vêtements et de sous-vêtements, se livraient sans retenue à leur penchant et s'épanouissaient.

Je voyais souvent Sonia, généralement en soirée. Mais elle passait aussi de temps en temps en journée. Parfois elle était pressée, apportait un papier urgent ou voulait me parler autrement qu'au téléphone. Parfois, elle avait tout son temps. Elle entrait tout en douceur dans le magasin, s'approchait lentement du comptoir et, le regard dans le vague, faisait lentement glisser l'un de ses doigts le long de celui-ci. Je savais ce qu'elle voulait, j'étais toujours d'accord. Je fermais alors la porte du magasin à clef et y apposait un petit panneau où il était indiqué : "FERME POUR 5 MINUTES".

Madame la baronne Danièle de Hauterue, lors d'une de ses visites dans mon paradis, m'a fait l'honneur de m'inviter à prendre le thé chez elle. Bien sûr, j'ai accepté avec plaisir.

Ce n'est que par la suite que j'ai réalisé que je n'avais rien à me mettre. Je voulais dire que je n'avais rien à me mettre pour une telle occasion. J'en ai parlé avec Sonia, mais elle non plus ne pouvait me conseiller valablement. Heureusement j'avais noté le numéro de téléphone de Madeleine.
Je lui exprimai mon souci d'être habillée convenablement pour une pareille occasion. Elle m'apprit que Nathalie était également invitée. Nathalie prendrait contact prochainement avec moi et me transmettrait ses conseils et recommandations, pour lesquels je la remerciai d'avance.

Nous nous sommes bien amusées, Nathalie et moi, à faire les boutiques de vêtements. J'avais confié mon paradis aux bons soins de Sonia. Nathalie m'a transmis les suggestions de Madeleine. Elle m'a longuement expliqué les tenues qu'elle avait portées en de semblables occasions, ainsi que celles portées par les amies de la baronne. Nathalie était fort prise par ses activités professionnelles chez "BELCUISININOX". Elle me dit en souriant que cela lui faisait du bien de parler chiffons avec moi, de m'aider à me trouver une tenue adéquate, bref de se changer les idées.

Le jour du thé, j'avais à nouveau confié mon paradis à Sonia, qui n'y voyait visiblement aucun inconvénient. J'avais tout le début de l'après midi pour me préparer. J'avais finalement choisi une tenue très classique, de bon goût, sans aucune ostentation. Je portais un tailleur pantalon de couleur bleu nuit. La veste avait un col arrondi. Madeleine me l'avait expressément conseillé, cette forme convenant bien à la forme de mon visage et de ma coiffure actuelle. Toutes les autres pièces de vêtements, tous les accessoires étaient noirs. Le chemisier, en soie, avait également un col arrondi. Par souci professionnel je ne portais que des sous-vêtements noirs. Il n'y avait que deux petites touches de couleur rouge: mes ongles et mes lèvres. Je trouvais que tout cela m'allait très bien et que cela me donnait un air chic inhabituel mais très agréable à regarder.
Nathalie arriva en taxi, me jeta un coup d'œil approbateur et m'emmena vers le domaine de Hauterue.

La femme de chambre de la baronne, Emilie, nous débarrassa et nous fit entrer au salon. La baronne fut très contente de me voir. Elle eut un petit soulèvement de sourcil approbateur et une petite moue complice en me voyant. Elle connaissait bien Nathalie qu'elle accueillit joyeusement. Plusieurs amies de la baronne étaient déjà là. J'en connaissais déjà beaucoup, qui étaient clientes dans mon magasin et que je retrouvais avec plaisir. Madame la baronne me présenta à d'autres que je ne connaissais pas encore. Je fis ainsi la connaissance de la chevalière de SMAETEBOL. C'était la veuve d'un ami du mari de la baronne. Elle avait été chanteuse. Elle précisait qu'elle était chanteuse d'opéra. Elle était grande et mince. Par moments elle se lançait dans de grands fou-rires communicatifs. Elle partageait son temps entre sa villa à Deauville et son appartement qui donnait sur le parc.

Je copiais ma position, mon attitude, sur celles de Nathalie qui se tenait non loin de moi. La conversation était chaleureuse, calme, élégante et de bon ton. De temps en temps, je buvais délicatement un peu de thé, à toutes petites gorgées, comme Nathalie me l'avait indiqué. J'ai eu l'occasion de parler de casseroles avec Françoise et Geneviève. J'étais un peu étonnée que celles-ci veuillent reprendre notre conversation de l'autre jour, en cet endroit et en de pareilles circonstances. Elles insistèrent. Je me dis que je n'avais rien à perdre, que c'était un domaine que je connaissais bien. Il n'y avait pas de chef de rayon dans les parages, nous n'étions pas à un oppressant séminaire de vente. Je pouvais dire ce que j'avais en tête sans réticence. Je pouvais exprimer librement mes idées personnelles.

Françoise et Geneviève m'écoutèrent avec attention, ne m'interrompant que pour me poser des questions judicieuses. Je m'arrêtais parfois de moi-même, brièvement, lorsque les souvenirs de cette vie pas si lointaine étaient un peu trop forts, trop pénibles pour moi. Je me relançais bien vite dans la description de mes nombreuses idées de casseroles originales, inédites. Je leur ai parlé pour la première fois de ces casseroles rectangulaires qui me tenaient depuis longtemps à cœur et qui étaient bien mieux adaptées aux plaques de cuisson actuelles. Françoise prit quelques notes. Geneviève me remercia et après s'être concertée rapidement du regard avec Françoise, me dit qu'elles envisageaient de recourir à mes services dans un proche avenir. Un peu perplexe, je haussai un sourcil interrogateur. Françoise me précisa que "BELCUISININOX" était sur le point de racheter une usine fabricant des casseroles en inox.

Les personnes présentes au thé de la baronne représentaient d'ailleurs une confortable majorité des actionnaires de "BELCUISININOX". Elle me proposa de venir m'occuper de la conception d'une nouvelle gamme de produits, dès que la société leur appartiendrait. J'étais étonnée et dubitative. J'ai expliqué que je ne voulais pas quitter mon paradis, j'y étais trop bien. Geneviève me dit qu'elle allait me trouver une solution sur mesure. Elle se faisait fort de me trouver, via ses amies et connaissances, une personne efficace, douée pour la vente, aimant le monde de sous-vêtements féminins, qui pourrait me seconder dans la gestion de mon magasin. Ceci libérerait un peu de mon temps, que je pourrais consacrer à la mise en pratique de mes idées. Elle me dit aussi que pour cet important travail de conception, elle comptait me rémunérer en actions "BELCUISININOX". Elle me donna quelques chiffres. Je n'entendais rien à ces matières et demandai à réfléchir. Elles sourirent toutes les deux et parlèrent d'autres choses.

J'écoutai Alcina qui racontait son dernier voyage en Andalousie. Elle était retournée dans cette magnifique région en compagnie de Danièle. Elles avaient tenu à retourner dans un hôtel où elles étaient descendues une année auparavant, afin d'assister à l'installation d'une nouvelle cuisine que cet hôtel avait commandée auprès de "BELCUISININOX".

Après le thé, Nathalie m'a raccompagnée. Dans le taxi je lui ai parlé de ma conversation avec Françoise et Geneviève. Elle m'a précisé la valeur actuelle des actions "BELCUISININOX". J'étais estomaquée. Cela voulait dire que je pourrais rembourser tous les emprunts que j'avais contractés pour acheter mon paradis bien plus vite que je ne l'avais prévu, tout en pouvant m'acheter chaque mois plusieurs tenues du genre de celle que je portais aujourd'hui. Nathalie me dit en souriant qu'elle pensait que j'allais réfléchir très vite.

Lorsque Marie-Pierre est entrée dans mon paradis, je ne l'ai pas reconnue tout de suite.
Elle était vêtue d'un chemisier de soie bleu nuit et d'une très seyante jupe de chevreau noir,
sobrement et discrètement moulante, mais sans aucune vulgarité. Elle était chaussée d'élégantes chaussures noires fort ouvertes. Celles-ci étaient maintenues à ses pieds par de fines lanières entrecroisées qui laissaient apercevoir ses ongles peints, eux aussi en noir.

Ses bas étaient d'une tonalité assez sombre mais sobre. Ses cheveux roux agrémentés de mèches blondes tombaient en cascades de boucles sur ses épaules et virevoltaient lorsqu'elle bougeait. En y portant attention, on entendait le bruit délicat de l'entrechoquement de ses boucles métalliques suspendues à ses lobes d'oreille.
Tout en elle était parfaitement charmant et séduisant
C'est lorsqu'elle a ouvert son grand sac en cuir noir que j'ai compris, que je l'ai reconnue.

J'étais stupéfaite. Je restais immobile à l'écouter. Car elle parlait. Elle parlait beaucoup. Elle souriait en parlant. Sa tenue, son sourire, sa façon de s'exprimer en paroles accentuées de gestes délicats et gracieux, lui donnaient beaucoup d'assurance. On la sentait prête à prendre possession du territoire, mais tout en douceur. Elle avait l'air d'une déesse, d'une conquérante venant aimablement visiter ses sujets.
Elle me proposa de venir me visiter le mercredi suivant, à l'heure du thé. J'étais subjuguée et déjà fort encline à me soumettre à toutes ses volontés, même les plus débridées.

Danièle et ses amies avaient apprécié la qualité des articles proposés par Pierre, ainsi que la présentation un peu particulière de celui-ci. Elles apprécièrent également la qualité des articles de Marie-Pierre. Elles préférèrent la présentation de Marie-Pierre. Celle-ci avait un enthousiasme communicatif, une joie de vivre à partager. C'était un bonheur de la voir faire. Elle ne se contentait pas de montrer ses modèles et de les faire passer de main en main. Elle mettait la main à la pâte, payait de sa personne et nous offrait le spectacle ravissant de ses modèles préférés portés par elle-même. Elle se déplaçait alors au milieu de nous, commentant les détails et particularités de chaque modèle, faisant voir de près ceux-ci. Voyant que nous hésitions devant tant de merveilles, elle demanda à Jacqueline de porter et de présenter quelques autres modèles. Nous pouvions ainsi comparer valablement deux modèles différents.
J'avais toujours en réserve, au frais, quelques bouteilles de champagne. Ma première commande auprès de Marie-Pierre était une excellente occasion de les boire.
Nous avons bu à nos plaisirs, à nos bonheurs, à nos émois.
Marie-Pierre nous a étonnées. Elle a levé son verre en l'honneur de Pierre. Elle voulait ainsi saluer son courage, sa patience et sa ténacité. Elle voulait le remercier de l'avoir amenée jusqu'ici, jusqu'au paradis de Mireille.

* marie therese le 13/01/2005


Responsable du site : Lucie Sobek


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