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« », une petite histoire imaginée par marietherese2

1 LA BARONNE DE HAUTERUE jeanne jeanne.claude@femme.net 14-10-2004, 6:53 "MADELEINE" partie 6 de 12

"LA BARONNE DE HAUTERUE"

Je m'entendais bien avec Françoise. Celle-ci avait le temps d'exercer à sa guise les activités qu'elle appréciait, et puis elle avait le temps de parler. Elle m'aimait bien et lorsque Geneviève avait parlé de mon éducation devant elle, elle s'était spontanément proposée pour me donner quelques leçons dans les domaines qu'elle affectionnait.

Ce jour là, je me rendis chez Françoise afin d'y passer l'après-midi. Nous allions bien nous amuser. Elle venait de s'acheter quelques tenues et voulait me les montrer et me les faire essayer. Le but étant de me trouver une tenue élégante afin d'accompagner Françoise à l'opéra. Elle estimait que c'était un exercice difficile.
"Tu comprends, tout, mais alors tout, et dans les moindres détails, doit être élégant et parfait, et ceci du début à la fin de la soirée. Il s'agit de l'exercice le plus difficile que je connaisse. C'est aussi la situation que je préfère. Je crois que tu es doué."

Elle m'expliqua aussi la façon dont elle-même avait été initiée à ce genre d'activité. Cela s'était passé pendant la courte période ou elle était la gouvernante de la comtesse de Verklied. Celle-ci allait régulièrement à l'opéra et entendait bien y aller avec sa gouvernante. Françoise se souvenait de la grande tension nerveuse éprouvée lors de sa première soirée. Elle avait été conseillée par Geneviève et avait revêtu une tenue assez stricte et quelque peu banale. Cela s'était bien passé. Petit à petit, elle s'était enhardie et reçut des encouragements de la comtesse, ravie de passer ces soirées merveilleuses avec une compagne agréable, plutôt qu'avec une domestique accompagnatrice. C'est d'ailleurs principalement lors de ces soirées, et de leurs préparations, que les liens entre madame la comtesse de Verklied et sa gouvernante évoluèrent. Elles passèrent de l'échange de services à une amitié chaleureuse. L'habillement de la gouvernante, lors des soirées à l'opéra, mais aussi dans la vie quotidienne refléta bien ce changement progressif. Françoise apprécia beaucoup de pouvoir ainsi se livrer à l'une de ses passions: les vêtements, leur choix, l'harmonisation des couleurs, des tissus et des accessoires, et la contemplation du résultat dans les miroirs. La comtesse lui avait fait découvrir le magasin de Madeleine. Françoise s'était immédiatement très bien entendue avec Madeleine. Françoise possédait maintenant une grande expertise dans ce domaine et voulait m'en faire bénéficier, ce qui m'arrangeait très bien.

Nous avons commencé par la très classique longue robe noire. Elle en avait préparé plusieurs. Elles m'allaient toutes très bien, mais l'une d'elles, au décolleté légèrement asymétrique était ma préférée. Je crois que c'était surtout à cause de la couture surpiquée que mes doigts effleuraient lorsque mes bras pendaient le long de mon corps. Cette caresse de cette petite boursouflure, de cette petite excroissance, me plaisait. J'aimais aussi le tissu qui me serrait d'une part et mettait bien en valeur d'autre part les courbes de mon corps. En me regardant, habillé de la sorte, j'éprouvais un plaisir mélangé de douce contrainte, de liberté enfantine retrouvée et de sensualité naissante. Françoise a complété ma tenue à l'aide d'accessoires qu'elle recherchait patiemment dans ses nombreuses armoires. Je la laissais faire, absorbé par la contemplation du grand miroir de son armoire. Elle rassembla mes cheveux en un élégant chignon, pas trop serré, qu'elle agrémenta d'une barrette brillante. La tension de mes cheveux tendus par le chignon me procurait une nouvelle contrainte, un nouveau plaisir. Après une série d'essais de chaussures, Françoise en avait vraiment beaucoup, nous nous mîmes d'accord pour des sandales à talon haut munies de nombreuses lanières fines. Françoise me trouva une série de bracelets noirs cerclés d'or qu'elle plaça à mon bras en les espaçant régulièrement. Elle me trouva aussi un collier assorti qui enserrait mon cou. La vue de mon cou, de mes pieds et de mon bras, élégamment emprisonnés, enserrés, me troublait. Ce trouble était très agréable. Françoise le remarqua et posant doucement sa main sur mon épaule, elle me regarda dans le miroir et me dit en souriant :
" Je crois que tu aimes être attaché, emprisonné. Certaines personnes éprouvent un grand plaisir dans un cas pareil. Il s'agit d'un système psychologique de libération de la culpabilité. La personne emprisonnée n'étant plus maître des évènements, elle peut prendre tout son plaisir, sans restriction ou frein, sans se sentir coupable ou responsable. J'ai participé autrefois, lors de mes débuts, à quelques séances. C'était d'abord comme spectatrice. J'ai été fascinée par ces expériences. Puis j'ai voulu essayer. Cela m'a aidée. Si tu le désires, je demanderai à Jean de te faire rencontrer certains des habitués de son arrière boutique. Ils organisent des soirées de ce genre."

Françoise me trouva encore un long châle dont elle recouvrit mes épaules, veillant à ce que les deux extrémités, brodées et munies de franges, ne soient pas à la même hauteur, petit détail féminin. En me tendant un tout petit sac à main assorti à l'ensemble, elle me dit que ma tenue était complète, qu'il n'y avait plus qu'à regarder et à bouger. Je me balançai donc devant le miroir, esquissai quelques gestes, me tournai quelque peu, fis le tour de la chambre et vins m'asseoir élégamment près d'elle, dans le canapé. Elle était très contente, et moi aussi. Pour fêter cette réussite, nous bûmes du champagne. Françoise allait nous réserver d'excellentes places à l'opéra pour la semaine prochaine.

Après avoir fini ma coupe de champagne, je me levai pour me préparer à partir. Je me plaçai encore une fois devant la glace et me regardai longuement. Françoise voyant mon plaisir me proposa un petit changement de programme : elle me fit quitter la robe longue et enfiler un modèle identique, mais nettement plus court. Elle me prêta une paire de bottes noires. Elle me fit passer un manteau long et échangea le tout petit sac à main contre un modèle en cuir à porter en bandoulière. Le manteau était noir lui aussi et était agrémenté de quelques motifs brodés, ton sur ton. Le col, et l'extrémité des manches étaient garnis de fourrure. J'avais vérifié, les fourrures étaient artificielles, ce que je préférais. Je pris plaisir à me placer encore une fois devant la glace. Mes mains dans les poches du manteau, je manœuvrais celui-ci, l'ouvrant et le refermant. Cela amusait Françoise aussi. Au moment de partir, Françoise plaça ses bras autour de ma taille, me serra fort contre elle, et m'embrassa sur la joue.
Mon retour, à pied, fut très agréable.

Rentré chez nous, j'eus le temps de me montrer à Geneviève, vêtu de la robe longue que j'avais emportée. Elle fut contente et chaleureuse, elle aussi. Pourtant je notai la différence de tonalité entre la chaleur humaine de Geneviève et celle de Françoise. L'une était satisfaite des progrès de son protégé, l'autre était chargée de sensualité dont j'apprenais à apprécier la saveur.

C'est lors du thé suivant chez madame que j'ai fait la connaissance de madame la baronne Danièle de Hauterue. C'était une amie de longue date de madame. Elles ne s'étaient plus vues depuis quelques temps. Elle était différente des autres amies de madame. Elle était plus réservée et pourtant attentive et observatrice. Elle ne disait pas grand chose mais écoutait. Elle semblait intéressée par tout ce qui pouvait la distraire et égayer son quotidien. En la débarrassant de son manteau et plus tard en servant le thé, je fus conscient qu'elle m'observait attentivement. Geneviève m'avait précisé le matin que la baronne viendrait prendre le thé et qu'elle était la veuve d'un industriel. Elle n'avait jamais travaillé. Elle provenait d'une excellente famille dont elle était l'unique et dernier membre vivant. Elle était riche, intelligente et connaissait bien le colonel Oscar.

Pendant l'après midi, elle m'observa beaucoup et cette observation n'était pas du tout intimidante. Au contraire, je l'ai trouvée plutôt chaleureuse et encourageante. Au moment du départ, elle se mit à l'écart du groupe et parla quelques instants avec Geneviève. J'avais fort à faire, ayant à présenter tous les manteaux et accessoires, dans le bon ordre, à ces dames. Je jetai un regard rapide à Geneviève et mon intuition me suggéra qu'elles parlaient d'une chose importante me concernant.

Mon intuition ne m'avait pas trompé. Dès que ces dames eurent quitté l'appartement, Geneviève, radieuse, m'apprit que madame la baronne Danièle de Hauterue l'avait contactée il y a quelques jours pour lui signaler qu'elle cherchait à engager une excellente gouvernante. Geneviève m'avait recommandé. La baronne m'avait observé pendant l'après midi et je semblais lui convenir. Un entretien était prévu chez elle dans les prochains jours.

Tout s'arrangea assez rapidement. Trois jours plus tard, Geneviève et moi sommes allés chez madame la baronne Danièle de Hauterue pour y passer l'après midi. Elle avait encore pris quelques renseignements à mon sujet, notamment auprès du colonel Oscar de la Strotche, vieil ami de sa famille et de celle de son mari. Elle confirmait sa proposition. Je l'acceptai. Elle me sourit et expliqua qu'il y a quelques mois encore, elle n'aurait jamais cru cet engagement nécessaire. Mais son médecin l'avait prévenue que son cœur déficient ne lui laisserait plus qu'un répit limité dans le temps. En accord avec lui, elle avait décidé de se décharger auprès de quelqu'un d'autre, moi en l'occurrence, des charges administratives qu'entraînait la gestion de ses avoirs, et de consacrer le plus clair du temps qui lui restait à vivre, aux plaisirs de la vie. Elle voulait s'entourer de personnes calmes et joyeuses qui l'aideraient à vivre cette période difficile et était bien décidée à fuir les ennuyeux. Geneviève l'assura qu'en m'engageant, elle avait fait un bon choix. Geneviève avait apporté les papiers concernant mon contrat d'engagement comme secrétaire particulier de madame la baronne Danièle de Hauterue, Danièle signa, parapha aux endroits adéquats et me tendit le contrat que j'avais à signer moi aussi. Elle eut un sourire et me fit un clin d'œil.
"Oui je suis au courant de cela aussi; le colonel m'a tout expliqué. Au début j'ai bien trouvé l'idée un peu étrange, mais petit à petit j'en ai perçu les avantages, pour nous deux.".
Elle posa sa main sur mon avant bras et continua :
"Mes dernières appréhensions se sont envolées lorsque je vous ai vu servir le thé chez madame la comtesse d'Archambauld."

Je signai les documents à mon tour. Il fut convenu, vu les circonstances particulières, que je commencerais immédiatement mon service de gouvernante auprès de madame la baronne tout en continuant à assurer le service de femme de chambre auprès de madame la comtesse, en attendant l'engagement d'une nouvelle femme de chambre par Geneviève.

Nous avons passé l'après midi à examiner les affaires et les papiers de Danièle. C'était un peu compliqué. Heureusement Geneviève était là et elle était très compétente dans ce domaine la aussi. Après avoir examiné la situation et avoir posé quelques questions à Danièle, elle proposa différentes ventes et achats de titres à effectuer. Elle proposait d'acheter des actions "BELCUISININOX". Il s'agissait de la filiale d'un grand groupe sidérurgique, spécialisé dans l'équipement des cuisines. D'après Geneviève le marché de ce genre de produit était en expansion. Ayant toujours eu un faible pour les cuisines, l'idée d'acheter ces actions me plaisait. Danièle, après avoir lu le dossier présenté par Geneviève acquiesça. Elles se tournèrent vers moi et Geneviève me dit que ce serait l'objet de ma première démarche à la banque de Danièle. Danièle m'a fait visiter ma nouvelle chambre. C'était en fait un ensemble de trois pièces. Elles n'étaient plus habitées depuis de nombreuses années et étaient encombrées de meubles et de bibelots divers. J'aimais beaucoup la disposition de l'ensemble.

La chambre était octogonale. Le lit, placé contre un des huit murs, se trouvait entre les deux grandes fenêtres qui offraient une belle vue sur le grand parc du domaine de Hauterue. Les fenêtres étaient doublées, ce qui serait confortable et douillet en hiver, et me garantirait une grande tranquillité. Il y avait deux portes à la chambre. L'une donnait dans le grand hall du premier étage, près du grand escalier. L'autre, plus petite, donnait dans une sympathique petite pièce que je comptais aménager en bureau. La grande fenêtre de ce bureau permettait d'accéder à la grande terrasse. Ceci me permettrait de pouvoir prendre l'air sans avoir à sortir. Une petite porte dérobée permettait l'accès à la salle de bains. Une baignoire en fonte émaillée, entourée de marbre, était placée dans une alcôve dont les parois étaient recouvertes de miroirs. Dans le bureau, il y avait une porte de communication qui donnait directement dans le boudoir attenant à la chambre de Danièle. Les murs étaient couverts de papier peint à l'ancienne et de panneaux de boiseries. Le plafond était décoré de nombreuses moulures. Il y avait un gros travail de rangement et de rafraîchissement à effectuer. J'allais m'en occuper au plus vite, afin d'emménager et d'être à pied d 'œuvre pour mon nouveau travail. En attendant, j'allais occuper la chambre d'amis que Danièle avait conservée en état et qui servait quelquefois pour une amie de passage.

J'ai raccompagné Geneviève. Nous avons parlé de tout ceci, lors de notre retour. J'ai dit que je pensais faire appel à Daniel et Bruno pour ces travaux urgents et délicats. Geneviève trouva l'idée excellente et, faisant une petite moue amusée me dit :
"Je ne doute pas que tu sauras les convaincre. De mon coté je désire voir Daniel et lui signaler que je cherche une femme de chambre passionnée par le nettoyage de la cuisine de madame la comtesse, et qui aimerait revêtir un bel uniforme afin de servir le thé."
Je lui dis que je pensais que Daniel serait un très bon candidat.
Geneviève a contacté Daniel. Il est passé chez madame la comtesse le lendemain matin. Cela faisait un petit temps que nous ne l'avions plus vu. Il avait évolué entre-temps.

Jean lui avait proposé de faire des photos dans son studio. Cela avait bien plu à Daniel. Jean avait vendu les tirages des photos de Daniel aux amateurs qui passaient dans son arrière boutique. Ceci avait rapporté un peu d'argent à Daniel, gagné plus agréablement qu'en effectuant des travaux d'aménagement. Jean et Daniel avaient recommencé à faire des photos en variant les tenues et les décors. Daniel avait gardé le nom d'Amélie pour ce genre d'activité. Daniel nous avait apporté une des productions de Jean. C'était un album curieux. Il y avait deux parties que Jean avait mélangées. Les photos de gauche étaient de couleur sépia et de genre ancien. Une chanteuse se produisait sur scène devant des admirateurs. Ceux ci montaient sur scène et ne déshabillaient pas l'artiste que du regard. La dernière photo montrait les protagonistes buvant tous ensembles du champagne. Les pages de droite racontaient la même histoire, mais à une époque contemporaine. Une idole du rock vêtue principalement d'un corset à l'ancienne remplaçait la chanteuse d'autrefois. Tout était transposé : les mimiques, les positions, les situations, les regards. Les clichés, à l'éclairage et aux couleurs superbes témoignaient du grand talent de Jean. L'ensemble était très cohérent, homogène et équilibré. J'ai trouvé l'album amusant et intéressant. Geneviève appréciait la performance de Daniel.

Jean avait présenté un de ses vieux clients à Daniel. Celui ci organisait chez lui de temps en temps des soirées assez spéciales. Il se faisait un peu vieux pour ce genre d'exercice et cherchait un partenaire qui l'assisterait. Il avait remarqué, sur les photos prises par Jean, la carrure légèrement trop forte d'Amélie. Ce défaut, dans le cas de photos artistiques mettant en valeur la féminité, se révélait dans le cas envisagé ici, une qualité. Daniel voulut essayer. Emile, l'ami de Jean, lui prêta un costume de cuir, fort serrant à la taille et muni d'innombrables pièces métalliques. Amélie, maquillée d'une façon assez rude, munie de bas à couture, de longues bottes en cuir aux talons très hauts et de gants en cuir, une cravache à la main, avait fière allure. Elle éclata de rire en se voyant dans le miroir. Emile, équipé de même, riait lui aussi. Amélie nous raconta qu'au début, elle avait quelque frayeur à officier comme bourreau. Attacher des personnes, même avec des liens élastiques, les flageller, même avec des fouets en laine, torturer des gens, même avec des pinces en caoutchouc, est impressionnant pour le bourreau amateur. Petit à petit, voyant que ces jeux étaient inoffensifs, recevant les remerciements chaleureux et enthousiastes de ses victimes et se voyant très correctement rétribuée, Amélie se prit au jeu et améliora sa présentation, sa technique et ses jeux de scène. L'équipe d'Emile et d'Amélie fonctionnait bien. Emile put acheter quelques engins nouveaux et spectaculaires. Ils se déplaçaient maintenant de plus en plus loin pour offrir leur spectacle et leurs services. Bruno était venu les rejoindre et jouait le rôle de l'impressionnant geôlier musclé.

Daniel voulait aussi continuer ses études de vétérinaire à l'université et n'avait plus le temps de s'occuper de rénovation. Il ferait une exception pour moi, en souvenir des beaux moments passés ensemble. Pour le poste de femme de ménage, il déclinait l'offre de Geneviève. Il nous invita à participer à l'une de ses prochaines petites fêtes. Il nous promit, en souriant largement que nous allions bien nous amuser.

Geneviève qui avait été très intéressée par le récit de Daniel, fut désappointée de voir Daniel, un si bon candidat, refuser son offre. Elle se tourna vers moi et me dit :
"Il ne me reste plus qu'à placer une petite annonce chez les commerçants du quartier, qu'en penses-tu ?"
Moi, je pensais à une possibilité, à un candidat. Il allait venir ici. Jetant un coup d'œil à ma montre, je dis que d'ailleurs, il n'allait plus tarder.

Lorsque la sonnette retentit, je souris de mon plus charmant sourire, pris mon air le plus ingénu et allai ouvrir la porte. Je fis entrer le garçon livreur du traiteur dans le hall. Je le débarrassai de ses colis et m'approchai de lui. Il se recula. Lorsqu'il s'adossa au mur, je plaçai ma main droite contre le mur, à hauteur de son épaule gauche, sans le toucher. Je penchai un peu la tête, et d'une voix douce et lente, lui demandai :
"Es-tu libre tantôt, après tes livraisons ?"
Il ne répondit rien, mais me regardait intensément.
"Geneviève et moi aimerions jouer avec toi ce soir."
Il se taisait toujours, mais à sa respiration presque arrêtée, à ses yeux presque fermés, je sus qu'il m'écoutait très attentivement.
"Nous aimerions jouer à la poupée avec toi." Il recula un peu la tête, ouvrit un peu la bouche et ferma un peu plus les yeux. D'un mouvement très lent, je penchai un peu plus ma tête, faisant ainsi glisser sur mon épaule mes cheveux longs. Je levai légèrement mes sourcils. "Nous aimerions que ce soit toi notre poupée ce soir."
L'éclat de son regard et la tension de tout son corps que je ressentais par ma main placée près de son épaule étaient les seuls signes visibles de vie qui émanaient de lui.
"Viendras-tu ?"
Etais ce mon intuition, ou l'effet de mon imagination, ou la crispation de la tension trop longtemps contenue, en tous cas il m'a semblé entendre, il m'a semblé voir un très léger "Oui."

Je me suis redressé, lui laissant le passage vers la porte. Il mit du temps à reprendre contenance. Il marcha d'une façon saccadée vers la porte et juste avant de disparaître, se tourna légèrement vers moi et me lança un début de sourire. Je retournai vers Geneviève et Daniel, au petit salon. Ils avaient suivi ma conversation grâce à la porte entrebâillée. "Je me fie à mon intuition, je crois qu'il va venir et que tu ne devras pas placer d'annonce." Dis-je à Geneviève. Daniel nous proposa l'aide d'Amélie, au cas ou nous aurions besoin d'une femme bourreau lors de la formation de la nouvelle femme de ménage.

Daniel et Bruno ont fait diligence, pour me faire plaisir. J'ai donc pu emménager assez vite dans ma chambre et quitter la chambre d'amis.

Dès qu'elle s'était décidée à engager une gouvernante, Danièle avait commencé à noter les idées amusantes qui lui passaient par la tête. Ma tâche principale consistait à l'aider à réaliser les points notés sur sa liste. Elle s'est vite rendu compte que j'en ferais plus en ce domaine que ce qu'elle attendait initialement de moi. Je lui proposais en effet des idées qui, généralement, lui plaisaient et qu'elle notait sur sa liste. Dès que je lui ai parlé d'une soirée à l'opéra et de Françoise qui voulait m'y amener, je vis au regard de Danièle que cela lui plaisait. Elle avait été à l'opéra dans le temps, au temps de sa jeunesse. Elle accompagnait alors ses parents. Une fois mariée, son mari trouvait ce genre d'occupation trop futile et ennuyeuse, elle n'alla plus à l'opéra. Avec une satisfaction évidente, elle nota 'Opéra' sur la liste.

Assez vite, Danièle voulut inviter ses amies à prendre le thé. Je me suis occupé de tout organiser. Danièle m'avait, dès mon arrivée, présenté à tout le personnel: Gérard, le jardinier qui avait aussi été le chauffeur, du temps ou la voiture roulait encore, Emilie, la femme de chambre et Germaine la cuisinière. Ces trois personnes étaient âgées, à peine plus jeunes que madame la baronne. Elles étaient de bonne volonté et je pourrais les employer l'après midi du thé. Mais pour servir le thé avec style et élégance dans le grand salon, il me fallait trouver du personnel adéquat. Ceci rassura d'ailleurs les trois domestiques, peu enclins à se faire bousculer dans leur train train quotidien. Ils furent soulagés d'apprendre qu'ils devraient simplement donner un coup de main, alors que je me chargeais de trouver du renfort. J'allai trouver Jean dans son arrière boutique. J'y avais remarqué quelque chose lors d'un de mes derniers passages. Il s'agissait de photos des ''Mariannes'', deux soubrettes charmantes et identiques. L'une s'appelait Marie, l'autre Anne. Jean les connaissait bien, avait pris des photos d'elles dans son studio et en vendait les tirages. J'expliquai à Jean ce que je cherchais et il me dit que les 'Mariannes' conviendraient bien. Il y avait moyen de les voir à l'œuvre, elles passaient actuellement dans un café spectacle discret, situé dans la ville voisine.

J'ai proposé à Danièle de m'accompagner. Elle n'hésita qu'un bref instant avant d'acquiescer. Nous fîmes le voyage en train, ce qui était le plus commode. Nous avons trouvé facilement le café spectacle, grâce aux indications de Jean. Lorsque le numéro des 'Mariannes' fut annoncé, tout d'abord rien ne se passa. Simplement deux serveuses, vêtues à l'identique de magnifiques tenues de soubrette se promenaient dans la salle, tenant chacune un plateau à la main. Une bouteille de champagne et des verres vides étaient disposés sur chaque plateau. Elles tenaient les plateaux assez hauts, afin qu'ils soient bien visibles. Chaque consommateur put à loisir admirer leur tenue, leur allure et leur élégante prestance. Puis ce fut un numéro de jonglerie étourdissant. Les plateaux montèrent, descendirent, se retournèrent à une vitesse de plus en plus élevée. Tout ceci se passait au beau milieu des spectateurs, ravis et médusés. Le numéro se termina par un échange périlleux de plateaux au-dessus de la tête de clients attablés, chaque soubrette n'employant qu'une seule main. Les spectateurs commencèrent à applaudir. Alors que tous les spectateurs étaient convaincus que les bouteilles étaient vides et fixées par un moyen quelconque au plateau, les deux soubrettes prouvèrent le contraire. Elles déposèrent avec élégance les deux plateaux sur deux tables prises au hasard. L'une fut la nôtre. Elles soulevèrent les bouteilles et remplirent les verres vides d'un excellent champagne qu'elles distribuèrent d'une façon professionnelle aux spectateurs attablés. Les applaudissements redoublèrent. Je jetais de temps à autres un coup d'œil à Danièle, tout allait bien, elle s'amusait. Recevant mon verre, je fis signe à la soubrette que je désirais lui parler. La distribution terminée, les deux soubrettes montèrent sur scène et saluèrent les spectateurs. L'une des deux se dirigea vers les coulisses et l'autre vint se placer entre Danièle et moi. Je lui expliquai brièvement le genre de travail que j'attendais d'elles.

"En effet, ce genre de travail nous intéresse. Nous allons vous faire une belle prestation dont vous serez satisfaites. Une simple question pourtant, si vous le permettez ; pourquoi désirez vous engager spécialement des travestis ? "
Je ne lui répondis rien, mais en souriant je soutins son regard interrogateur. Au bout d'un moment, il comprit et sourit lui aussi.

Mon premier thé chez Danièle fut une réussite.

C'était une belle journée de printemps. Les invités traversaient le parc, superbe à cette époque, et arrivaient au pied de l'escalier d'honneur ou les attendait Gérard revêtu de son uniforme de garde chasse. Il accueillait en saluant chaque invité. J'attendais au haut de l'escalier, souhaitait la bienvenue et conduisait les invités à l'intérieur. Emilie les débarrassait de leurs manteaux et accessoires. Ensuite je les faisais passer au grand salon, auprès de madame la baronne Danièle de Hauterue. J'avais placé Marie et Anne dans le grand salon, près de la porte de l'office. Leurs costumes de scène habituels avaient été remplacés par Geneviève par deux uniformes d'un modèle plus conventionnel. Le colonel ne cachait pas sa joie de revoir le beau domaine de la baronne. Il me félicita pour mon nouvel emploi. Les autres gouvernantes, qui ne m'avaient pas encore vu dans mes nouvelles fonctions, en profitèrent pour me féliciter avec chaleur. Madeleine et Nathalie furent de la fête. Nathalie était très belle. Elle revenait d'un séjour à Ténérife, avec Madeleine. Son teint halé et ses vêtements clairs la mettaient en valeur. En les amenant auprès de la baronne, je précisai qu'elles revenaient de voyage. Elles échangèrent quelques phrases aimables à ce sujet. Danièle, d'un geste discret attira mon attention et se penchant vers moi me dit doucement :
"Ma chérie, fais-moi penser ce soir à ajouter ''Ténérife'' à ma liste."

J'étais content d'avoir suivi l'excellente école de Geneviève. J'avais tout bien organisé. J'étais attentif au moindre détail. Tout se déroula très bien. Geneviève me jetait de temps à autre un coup d'œil approbateur. Les "Mariannes" furent fantastiques. Elles évoluaient moins vite mais avec encore plus d'élégance que lors de leur spectacle. Leur virevoltage et la précision de leurs gestes attirait le regard et amusait l'assemblée. La conversation ronronnait doucement entre madame la baronne et ses amies. Françoise se leva la première pour rejoindre le petit salon. Jacqueline et la marquise Alcina de la Marolle suivirent. Je fis signe à Nathalie de me suivre et je passai au petit salon. J'avais préparé une bouteille de champagne afin de fêter avec mes amies mon nouvel emploi de gouvernante. L'ambiance était joyeuse et chaleureuse. Nous étions contents de nous revoir et d'échanger les dernières nouvelles. Geneviève nous parla de sa nouvelle femme de ménage qu'elle venait d'engager grâce à moi.

Nous avons ensuite rejoint discrètement le grand groupe des invités. Durant la conversation j'ai pu demander l'aide de Madeleine et de Françoise en vue de notre soirée à l'opéra. Il fut convenu d'une visite prochaine dans une boutique recommandée par Madeleine, en vue de l'achat pour Danièle et moi, de tenues de soirée appropriées.
Les derniers invités partis, Danièle et moi avons encore passé un moment sur le perron, profitant du calme du début de soirée. Danièle a posé sa main sur mon bras et m'a dit :
"Suzanne, je suis contente. " Je lui souris, sans répondre.

La visite à la banque de Danièle m'a amusé. J'avais suivi les conseils de Geneviève et j'avais adapté ma tenue. La différence d'âge entre moi et Danièle semblait estompée. Nous avons été reçus dans son bureau par le directeur de l'agence en personne. Il y a un peu moins de deux ans, un de ses employés m'avait sèchement averti que mon compte était bloqué et ma ligne de crédit coupée. Danièle, après m'avoir présenté comme sa mandataire, se tut et me laissa parler. Je présentai une note récapitulative des changements à apporter au portefeuille d'actions de madame la baronne de Hauterue. Le directeur la lut et marqua régulièrement son approbation. Ayant terminé, il dit à Danièle qu'elle avait trouvé en moi une excellente mandataire. Je lui dis que je tenais particulièrement à l'achat rapide des actions "BELCUISININOX". Il s'empressa de téléphoner mon ordre à la Bourse. Il attendit quelques secondes et en reposant le combiné, me dit que mon ordre venait d'être exécuté. Je le remerciai en déplaçant élégamment mes jambes. J'avais en effet remarqué ses regards appuyés en direction de celles-ci. En nous faisant sortir de son bureau il me dit qu'il était à ma disposition et qu'il espérait bien avoir le plaisir de me revoir souvent. En disant cela il avait baissé la voix et le regard, bénéficiant ainsi d'un dernier coup d'œil agréable. Au passage, en sortant, je saluai aimablement l'employé que j'avais rencontré il y a deux ans.

Danièle et moi nous entendions bien. Je la découvrais intelligente, calme et intuitive, comme moi. Elle avait toujours eu de gros moyens, mais trop peu d'occasions de les employer pour réaliser des choses qui lui plaisaient. Elle avait connu une éducation très stricte. Lorsqu'elle eut l'age de se marier, elle crut pouvoir s'amuser. Malheureusement elle était sévèrement chaperonnée. On l'amenait à des fêtes et à des cérémonies mortellement ennuyeuses. Dès qu'elle montrait quelque signe extérieur de joie, dès qu'elle extériorisait son plaisir, on la sermonnait, lui disant qu'une jeune fille à marier ne se donnait pas en spectacle. Si elle persistait, on la ramenait immédiatement à la maison, où elle rejoignait sa chambre pour une ou plusieurs semaines de réclusion. Lorsqu'on lui avait présenté son futur mari, elle l'avait considéré comme son sauveur et s'était littéralement jetée dans ses bras. Il s'était vite révélé ennuyeux et un peu sot. C'était un grand travailleur et il fit fortune dans le sucre. Lorsqu'il la laissa veuve, elle continua par habitude à vivre, à survivre comme auparavant. Ce fut l'avis du médecin qui la réveilla. Elle avait cherché une gouvernante et m'avait engagé. Nous formions maintenant une équipe dont le but était d'égayer la fin de la vie de Danièle et de la continuer. Elle s'était vite rendu compte en écrivant sa liste qu'elle ne parviendrait jamais à réaliser tout ce qu'elle y avait noté. Elle avait complètement assimilé et approuvé l'idée que j'allais la continuer. Elle annotait parfois d'un petit signe en forme de S les points de sa liste que j'étais chargé de réaliser moi-même, par après, afin que Danièle soit encore un peu là. Le soir, généralement, nous prenions le temps de vivre un moment tranquille et confortable. Nous parlions d'elle et de sa vie. Elle me racontait des anecdotes, des souvenirs. Elle me citait des noms, des lieux, des dates. Pour compléter ma connaissance de son histoire qui serait la mienne bientôt, elle parcourait avec moi ses albums de photographies. Elle me parla ainsi de sa nièce, emportée à dix huit ans par la tuberculose. La ressemblance avec Danièle était encore bien visible. A l'époque, elle était frappante. Danièle n'ayant pas pu avoir d'enfant avait beaucoup aimé son unique nièce. La plupart des photos de la jeunesse de Danièle avaient disparu, notamment celles de son mariage, emportées par un coup de canon d'un char Tigre allemand, en 1944. Voyant son émotion lors de l'évocation de ses photos en robe de mariée, je lui parlai de la robe de mariée de Françoise. Elle sourit, prit sa liste et inscrivit "Photos de mariée", sans l'annoter d'un S.

* marie therese le 11/01/2005


Responsable du site : Lucie Sobek


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