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« », une petite histoire imaginée par marietherese2

1 LE COLONEL OSCAR jeanne jeanne.claude@femme.net 14-10-2004, 6:50 "MADELEINE" partie 4 de 12

"LE COLONEL OSCAR"

Mon nouveau métier de femme de chambre me plaisait beaucoup. Je m'occupais de la cuisine le matin. L'après midi, j'aidais Geneviève pour tout ce qui concernait les vêtements de madame, de Geneviève ainsi que les miens. Geneviève gérait l'ensemble du budget. Elle m'avait délégué le poste ''vêtements'' dont j'étais responsable. Elle m'avait expliqué le fonctionnement de son système comptable.
"Surtout " M'a -t-elle dit, "Veille à ce que tout soit toujours impeccable, le dessus et les dessous."
Nous sourions à la pensée des dessous amusants, coquins, que nous aimions à essayer, à acheter et surtout à mettre.
"Madame l'est moins maintenant, forcément, mais dans le temps, elle était très exigeante à ce sujet. Comme tu le sais, elle a les moyens d'être exigeante. Tu as un beau budget, emploie le bien."
Geneviève avait commencé à m'initier aux affaires et aux papiers de madame. J'en savais déjà assez pour savoir que nous étions parfaitement à l'aise.

J'habitais maintenant dans la chambre de bonne, en haut de l'immeuble. En fait, il s'agissait d'un studio moderne et confortable. C'était plus vaste et agréable que ma petite chambre, que j'avais abandonné sans regrets. C'était surtout plus pratique. Geneviève m'ayant proposé de m'y installer, j'avais marqué un peu d'étonnement, d'embarras. Geneviève m'avait rassuré :
" Moi j'occupe aussi un appartement dans cet immeuble. Il est situé trois étages plus haut que celui-ci. Il est un peu plus petit que celui qu'occupe madame. Cela me suffit amplement. Il s'est libéré il y a deux ans. Madame a insisté à l'époque pour que je l'occupe, me disant que j'avais droit à ma vie privée. Je tiens à présent le même raisonnement avec toi. J'ai libéré mon ancienne chambre de gouvernante, qui est devenue le petit salon. J'ai meublé mon appartement avec de beaux meubles dont madame avait hérité il y a quelques années et qui attendaient en garde meuble que l'on s'intéresse à eux. De toutes façons, tu ne prives pas madame. Tout l'immeuble lui appartient. "

Geneviève ayant prévu un budget pour mon installation, j'ai pu refaire la décoration de mon studio. Georges toujours serviable, m'avait donné les coordonnées de deux étudiants désargentés, spécialisés dans les petits travaux. Bruno, était grand et fort, il s'occupait des travaux lourds. Daniel, plus petit, prenait en charge les travaux délicats, demandant de la patience et de l'adresse. Déjà en visitant le studio pour qu'ils en prennent les mesures, Bruno avait commencé à me draguer. Il me jetait des regards admiratifs, il prenait un air ravi en me voyant, il me complimentait à tout propos. Je trouvais cela amusant, mais ne le montrait pas trop. Je ne l'encourageais pas du tout et cela sembla le stimuler pendant un temps. Et puis, brusquement il cessa son jeu. Sans doute avait-il porté les yeux sur une autre proie, trouvé une autre victime. Pendant les travaux, je montais souvent les voir.

J'allais voir l'avancement des travaux, bien sûr, mais j'aimais être en présence de Daniel. Celui ci était doux et réservé. Il ne parlait pas facilement. Il fallait lui laisser du temps, il fallait attendre un peu. Puis il se lançait et expliquait le pourquoi et le comment de telle couleur, de telle nuance, de tel mariage de motifs qu'il avait imaginé et était en train de réaliser. J'aimais l'écouter. Parfois je posais une question. Il appréciait visiblement cette forme de participation, réfléchissait un moment et donnait la réponse, qui était parfois curieuse, souvent inattendue. Tout ceci échappait complètement à Bruno qui se contentait de suivre les indications de son ami. A certains frémissements, à certains tremblements dans la main, dans la voix, à certains regards soudain dérobés, aux petits arrêts de certains gestes, à quelque détail détourné pour me faire plaisir, je sus que Daniel m'observait, qu'il appréciait ma présence. Cela me plaisait. Cette observation provoquait en moi un léger trouble que je n'avais jamais éprouvé auparavant.

Son sens de l'observation était fort développé. Un jour, j'étais monté une première fois et j'avais passé quelques minutes avec eux. J'étais redescendu pour servir le thé à madame. En le servant, je m'aperçus que j'avais omis de mettre mon bracelet, cadeau de Jacqueline, à mon poignet droit. Je réparai l'oubli et remontai. Le regard de Daniel se porta immédiatement sur mon poignet. Cela devint vite un jeu que nous jouions à deux, à l'insu de Bruno qui ne se doutait de rien. Chaque fois que je montais, je changeais, je modifiais, je permutais un détail, un accessoire, un bijou. Chaque fois il décelait le changement, l'anomalie. Pour moi, c'était extraordinaire. Lui avait l'air de trouver cela tout naturel. Un jour, Bruno ne put pas venir. Daniel vint travailler seul. En montant pour examiner les travaux, je pris avec moi une eau minérale. En buvant sa boisson, il me regardait intensément.
"C'est gentil de ta part de m'apporter cette eau. Puis-je t'inviter un de ces soirs à aller boire un verre ensembles, entre hommes ? "

J'étais stupéfait. Depuis bientôt un an, je me travestissais tous les jours, je circulais dehors, j'avais rencontré énormément de gens et personne n'avait jamais rien remarqué. Je n'avais enregistré aucune remarque, aucun regard ne m'avait semblé bizarrement appuyé. Et là, Daniel, avait découvert la vérité. J'étais sidéré. Soudain je crus comprendre, mon intuition m'aidait souvent.
"Oui, d'accord, mais en femmes ! ".

Nous avions les yeux brillants et agrandis, le sourire large, le rire silencieux. Notre joie fut grande. Notre connivence profonde et totale venait de naître. Comme certains fidèles de certaines religions, Daniel était travesti non pratiquant. Il était travesti de cœur, il avait toutes les pensées normales d'un travesti normal, mais tout simplement, il n'avait eu jusqu'à présent aucune occasion de se travestir. Il avait jusqu'ici vécu dans un monde exclusivement masculin. Orphelin, il avait passé sa scolarité en pension. Un jour un de ses copains l'avait amené avec lui passer une semaine de vacances à la maison. Ce copain avait une grande sœur qui organisait avec sa cousine un bal costumé. Daniel parlait de ce bal comme le grand meaulnes le faisait de sa fête costumée. Tout ce qui manquait à Daniel, c'était un petit coup de main, une aide passagère. Il était bien tombé.

Nous bavardions souvent, Geneviève et moi à l'heure du thé, pendant la sieste de madame, ou en fin de soirée. Nous ne nous pressions pas de questions, nous nous écoutions, laissant chacun libre de parler à son rythme. Nous prenions notre temps. Geneviève m'avait dit détester les femmes, du moins les femmes de son âge. Madame c'était différent, celle ci l'avait beaucoup aidée.
"Qui sait ce que je serais devenue, si je ne l'avais pas rencontrée, probablement pas grand chose, alors que maintenant… "

Elle avait essayé les hommes, ils l'avaient déçue, elle me raconta, je comprenais. Elle n'aimait que les transgenres. Elle me raconta ses débuts, qui avaient été tardifs, fautes de moyens. Maintenant, elle compensait. Ce soir là, je lui racontai, bien sûr, la découverte que j'avais faite au sujet de Daniel. Geneviève écoutait, le regard rêveur. Je compris qu'elle pensait à ses débuts à elle.
" Il faut aider ce gentil garçon. Nous allons l'aider ! S'il passe bien, nous pourrons l'employer. Tu va l'emmener à ma réserve. "

Sa réserve était une deuxième chambre de bonne, un deuxième studio. Il n'était meublé que d'armoires, il y en avait beaucoup. Geneviève avait actuellement les moyens de s'acheter régulièrement de beaux vêtements, de soigner son apparence, de se faire plaisir. Rien ne lui manquait. En souvenir de ses débuts difficiles et tardifs, elle avait rassemblé tous les vêtements et accessoires qui pourraient encore être utiles, dans ce studio qui était inoccupé. Il y avait ses anciens vêtements, enfin une partie, car le studio était trop petit. Il y avait aussi d'anciens vêtements ayant été utilisés par les anciennes femmes de chambre, Jacqueline et Simone, ou par madame et ses amies. Il y avait aussi des bijoux et des accessoires. Certaines pièces provenaient, par héritage, de la famille de madame. Geneviève allait de temps en temps dans la réserve. Elle y allait par nostalgie et pour ranger les nouveaux arrivages. A contrecœur, elle jetait quelques pièces, choisissant les plus démodées, les moins lourdes de souvenirs, afin de faire un peu de place.

Le lendemain, avant de monter à mon studio, j'enlevai mon pendentif accroché à ma chaînette et le remplaçai par la clef de la réserve. Daniel la vit aussitôt. Je ne dis rien, lui souris et sortis. Il me suivit jusqu'à la porte de la réserve. Je lui remis la clef en souriant et redescendis. J'aurais bien voulu le suivre, l'aider, le conseiller, l'admirer et le complimenter. J'en avais parlé au téléphone à Madeleine qui me l'avait, avec beaucoup de tact, déconseillé. Je me souvins de l'époque pas si lointaine de mes débuts. Je crois que Madeleine avait raison, il était préférable que Daniel soit seul cette fois ci.

Je m'interrogeais parfois sur toute cette aventure nouvelle qui avait bouleversé ma vie. J'en parlais quelquefois avec Nathalie, la nièce de Madeleine. Elle passait de temps à autre pour nous voir et bavarder avec Geneviève et moi. Elle travaillait comme informaticien. Elle ne pouvait s'habiller comme elle l'aimait, en femme, que lorsqu'elle venait passer une soirée ou un week end chez sa tante Madeleine. Je ne l'avais pas encore vue en homme, mais en femme elle passait vraiment très bien. Elle était charmante et très féminine. Quand je la complimentais, elle disait en riant qu'elle avait du temps à rattraper. Nous avions des conversations chaleureuses, agréables, sincères et profondes. Nous savions tous les deux que nous pouvions tout nous dire. En fait, ni l'un ni l'autre n'avait de certitude profonde quant à son avenir. Nous vivions tous deux une aventure extraordinaire qui nous semblait imposée et agréable. Elle nous semblait imposée par une force extérieure à notre volonté propre, et en même temps très agréable à vivre, provoquant un plaisir intense, rare et profond. Lors de nos conversations, nous échangions nos émotions, nos plaisirs, nos ravissements à vivre ainsi, en femmes.

Madame allait bien, sa santé était bonne. J'allais souvent me promener avec elle dans le parc, l'après midi. Geneviève et moi nous étions occupés de nos nouvelles tenues d'été, moi comme responsable des vêtements et Geneviève comme responsable du budget. Nous avons passé quelques moments agréables dans les boutiques du quartier à examiner les nouvelles collections. J'avais eu droit à quelques tenues neuves destinées à être portées lors de nos promenades avec madame. Geneviève m'avait gentiment poussé à en acheter quelques autres, un peu plus amusantes, un peu plus colorées, un peu moins couvrantes, qui conviendraient bien à une sortie sans madame. Une par une j'ai montré mes nouvelles tenues à Daniel. Je sus vite celles qu'il préférait.

Lors d'une soirée ou Nathalie nous rendit visite, nous nous sommes amusés à lui faire essayer mes nouvelles tenues. C'est vrai que nous avions la même taille.

Nous nous faisions un peu de souci pour Daniel. Nous étions comme deux sœurs qui sont un peu tristes car la petite sœur, longtemps attendue, à peine arrivée, est encore un peu petite pour que l'on puisse jouer avec elle. Je montais plusieurs fois par jour dans mon studio, pour voir l'état des travaux, bien sûr, mais surtout pour voir Daniel. Je cherchais son regard. Parfois, son regard me fuyait, et, lorsque je parvenais à l'intercepter, celui ci était un peu triste.
" Que se passe-t-il, petite sœur ? Je vois que quelque chose te tracasse. Puis-je t'aider ? "
Il parut soulagé. Il me fit signe de le suivre, pris la clef de la réserve et entra dans celle ci.
" Vois-tu, c'est formidable ici. C'est la caverne d'Ali Baba. J'aime beaucoup ouvrir les armoires, les tiroirs et toucher ces tissus, ces matières, ces accessoires, ces bijoux, ces bas, ces souliers. L'ennui c'est que je suis un peu gros et qu'il n'y a pas grand chose que je peux mettre. "
C'est vrai qu'il était un peu rondouillard. Ceci présentait bien un avantage. Il était torse nu, j'avais remarqué sa petite poitrine qui n'était plus très masculine. Il suivit mon regard.
" Suis donc une des règles de Madeleine : met tes points forts en valeur. "

Je redescendis pour le laisser tranquille. J'ai parlé de Daniel autour de moi. Geneviève et Madeleine voulaient l'aider, c'était un cas intéressant. Nathalie était émue par la situation. Elle m'avait proposé son aide pour Daniel, qu'elle n'avait pas encore vu. Une idée germait : transformer Daniel coûte que coûte, trouver des vêtements à sa taille, l'habiller de pied en cap, mettre en valeur ses avantages, ses mains aussi étaient belles, afin qu'il se sente bien dans sa peau et soit stimulé pour persévérer. Nous étions tous d'accord. Ce fut Françoise qui dénoua la situation. Mise dans la confidence, elle m'invita à passer un après midi chez elle. Sa maison était vaste et élégante. Elle avait un petit air anglais dû sans doute aux nombreuses boiseries qui en ornaient l'intérieur et à l'impression de confort cossu qu'elle donnait au visiteur. Dans le hall d'entrée, il y avait un monumental escalier en bois clair. Tous les plafonds avaient des poutres apparentes taillées dans le même bois. Un piano droit, de couleur noire était placé entre les deux portes du grand salon. Il servait à agrémenter les réceptions d'un fond musical. Un des étages était actuellement inoccupé. Françoise m'avait prévenu du genre de travail qui nous attendait. J'avais mis un jeans et un T-shirt pour travailler à l'aise. Françoise ne venait plus dans ces pièces que pour contrôler le travail de la femme de ménage chargée du nettoyage. Tout était propre, mais on voyait que plus personne n'habitait ici depuis longtemps. La pièce qui servait de salon était vaste et meublée de meubles de différentes époques, toutes anciennes. Aux murs et sur certains meubles se trouvaient accrochés ou posés des tableaux ou d'anciennes photographies. On voyait de suite qu'il s'agissait des membres d'une même famille et qu'il s'agissait de la famille de Françoise. Le nez fin et droit, le regard un peu aigu et observateur de Françoise se retrouvait dans la plupart des tableaux et des photographies.
" C'est l'idéal si tu veux faire une boum un peu rétro. " Me dit-elle.
Dans la première chambre se trouvaient, en plus du grand lit, deux grandes armoires, une coiffeuse et une desserte.
" Nous sommes dans la chambre de ma mère, madame la comtesse de Verklied. "Dit Françoise.
L'une des armoires contenait des vêtements d'homme. Ce n'était pas ce que nous cherchions, pourtant Françoise m'indiqua une curiosité :
" Il s'agit de l'habit que portait mon père, le comte de Verklied, le jour de son mariage. J'ai encore tous les accessoires ainsi que les bijoux et ses décorations, il avait été officier pendant la grande guerre, qu'il portait ce jour la. Il faut prendre grand soin des affaires de mon père. "

Nous avons trouvé ce qu'il nous fallait dans l'autre armoire. Il y avait des robes et des ensembles qui dataient du tout début des années 1900. Ce n'étaient pas des vêtements ordinaires. Ceux ci avaient disparu, ou n'avaient jamais existé. Nous avons sorti avec précaution quelques pièces de l'armoire. Françoise et moi avons pensé que cela valait la peine d'inviter Daniel afin qu'il essaie quelques vêtements. Comme cela arrivait souvent à cette époque, la mère de Françoise avait pris un peu d'embonpoint à la fin de sa vie. Tous les vêtements étaient bien sûr complètement démodés, mais on pouvait facilement faire la différence entre les tenues de jeune fille et celles de dame mûre grâce à la différence de taille. En plaçant ces robes sur le lit pour les examiner de près, je fis la remarque à Françoise que cela me semblait convenir au niveau des épaules et de la poitrine mais qu'au niveau de la taille, il serait difficile de faire entrer Daniel la dedans.
"Oui, tu as raison, nous devrons le torturer quelque peu."
Elle me désigna dans le fond de l'armoire quelques boites en carton. Dans les boites, je trouvai des corsets anglais soigneusement emballés dans du papier léger.
"Toi qui aime bien les dentelles et les rubans, regarde donc dans cette boite ci.
La boite était bien plus grande que celles contenant les corsets, mais pas beaucoup plus lourde. Je l'ouvris. Elle contenait une splendide robe de mariée. Il y avait en effet énormément de dentelles et de rubans.
"C'est la robe de mariage de ma grand-mère. C'est celle que ma mère et moi-même avons portée lors de notre mariage. N'est ce pas qu'elle est belle !"

Je lui ai demandé de m'aider à la sortir de sa boite, le tissu étant tellement fin, les dentelles si nombreuses et les rubans pouvant s'emmêler. C'est le genre de robe qui faisait rêver les jeunes filles. Sa vue, le fait de la toucher, de la caresser de la main, sa douceur, la vibration des dentelles sur le bout de mes doigts, me faisait rêver moi aussi, peut être avec quelque émotion de moins, mais certainement aussi avec quelques autres émotions en plus. D'un regard, d'un sourire, Françoise comprit mon attente, me prit la main, me plaça devant le grand miroir de l'armoire et se tenant derrière moi, posa la robe devant moi, la retenant à hauteur de mes épaules, et se recula un peu.
"Comme ceci nous allons pouvoir juger de l'effet qu'elle fera sur toi."

Je ne sais plus combien de temps nous sommes restés ainsi, mais je me souviens d'un sentiment intense de plaisir, d'aboutissement, d'arrivée à une destination lointaine et hasardeuse. Je me sentais comme l'alpiniste qui après de longs efforts et de nombreux sacrifices pénibles, parvient au sommet et contemple, émerveillé le but de son ascension. Pour la première fois de ma vie, je me sentais complet. Mon image, entrevue à travers mes yeux mi-clos et mon moi profond et complexe, enfermé dans mon cerveau, étaient synchrones, enfin à l'unisson. Je n'avais pas de mots pour exprimer mes sentiments à Françoise, juste un petit balancement des hanches, un mouvement des avants bras pour que mes mains expriment mon émoi et ma gratitude pour ce spectacle merveilleux, et un merci dans mon regard voilé qui fit sourire Françoise dans le miroir. Ce fut elle qui revint à la réalité la première.
"Ma chérie, elle t'ira à ravir, mais avant que tu puisses la mettre, il y a deux petites retouches à faire à ton anatomie. Je vais t'aider à affiner ta taille et à pouvoir porter élégamment un décolleté profond. Je vais te prêter ce corset ci. C'est un modèle pour jeune fille qui se lace par devant. Ce sera plus pratique pour t'entraîner à le porter. Il faudra que tu le mettes chaque jour, en essayant chaque fois de le lacer un peu plus fort et de tenir quelques minutes de plus. Je vais te mettre le corset et te le lacer pour te montrer comment faire. Arrête-moi lorsque tu ne pourras plus respirer. Je relâcherai un peu le lacet. Grâce à ce mètre ruban, je vais mesurer ta taille et celle de la robe, aujourd'hui."

Le mesurage nous apprit que je devais gagner sept centimètres. Cela semblai possible à Françoise. Moi, j'étais certain d'y parvenir. La sensation de serrage, cette forte compression qui modifiait l'apparence extérieure de mon corps me plaisait beaucoup. Le coup d'œil que j'avais jeté dans le miroir avait suffi à me donner un courage énorme et une détermination farouche. Ces courbes, encore à l'état d'ébauches et obtenues d'une façon un peu barbare, correspondaient déjà à quelque chose de très profondément enfoui en moi. Ces courbes étaient à moi, ces courbes étaient moi. L'idée de les accentuer encore et d'affiner encore ma taille afin de recouvrir l'ensemble de la robe merveilleuse me remplissait de plaisir jubilatoire, de joie profonde et paradoxalement d'un calme serein. Mon existence recevait un sens. J'allais vers quelque part. Françoise m'aida à délacer et à enlever le corset. Ce fut un soulagement physique, bien sûr, mais accompagné d'une petite tristesse, d'un sentiment de privation, d'amputation. Françoise voulut alors m'aider à améliorer l'aspect de mon décolleté. Elle me demanda d'enlever mon soutien gorge contenant mes prothèses. Voyant ma gène, gentiment, elle enleva d'abord le sien. Elle dévoila ainsi sa poitrine qui n'avait plus rien à voir avec les prothèses de Georges.
"J'ai fait arranger cela avec le reste, lors de mon séjour à La B….afin de compléter le travail des hormones. C'est bien plus joli et pratique. Cela plait beaucoup à certains messieurs, et cela me plait à moi aussi." Me dit-elle avec un sourire presque rieur.
Elle m'avait mis à l'aise. Elle examina de près la peau de ma poitrine, la pinçant, la plissant et la tirant.
"Ton système actuel est un très bon système. Il présente beaucoup d'avantages. Mais lorsque l'on veut impressionner son entourage et se faire plaisir en portant un vêtement au décolleté profond, il faut améliorer le système ou en changer. Je vais te préparer le matériel que j'employais avant ma petite opération, qui est du meilleur effet, tu as pu en juger. Tu as assez de peau élastique pour que je puisse procéder à un plissage artificiel qui fera un bel effet. Je te prête le corset que tu as essayé la tantôt, emploie le régulièrement, essaye de gagner quelques centimètres." Me dit-elle, tandis qu'en quelques gestes élégants, elle ragrafait son soutien gorge et ajustait son corsage.

Après avoir pris congé, je la quittai un peu rêveur, un peu enivré par toutes ces jolies choses que j'avais entrevues cet après midi. Ma décision était prise : demain je commencerais à prendre des hormones. Moi aussi je voulais adoucir ma peau, réduire les séances d'épilation, déplacer mes graisses naturelles vers des endroits plus adéquats et surtout avoir une poitrine, petite peut être, mais vraiment à moi.

Les jours suivants Geneviève et moi avons eu fort à faire. La santé de madame était excellente et elle désirait à nouveau recevoir ses amies pour prendre le thé ensembles. Geneviève avait ajouté le colonel Oscar à la liste des invités. Elle m'avait expliqué que ce vieux monsieur lui avait déjà été fort utile et le serait probablement encore. Il convenait de lui être agréable.

Comme Françoise me l'avait recommandé, je mettais le corset tous les jours. C'était un exercice pénible car je devais tirer sur les lacets de toutes mes forces, alors que celles ci me manquaient, faute de pouvoir respirer normalement. C'était pénible mais le résultat en valait la peine. Je gagnais des centimètres. Ma silhouette et mes courbes devenaient encore plus agréables à regarder dans la glace. L'essayage de la robe de mariée se rapprochait. J'avais parlé de tout ceci avec Nathalie. Nous avions beaucoup de points communs, mais pas celui ci. Elle aimait avoir une silhouette féminine et choisissait ses vêtements en conséquence. Madeleine lui avait appris l'importance du choix des couleurs, des nuances, des petits plis, des détails de couture, des étoffes élastiques et des drapés tombants. Nathalie employait toutes ces techniques. Mais, contrairement à moi, elle n'aimait pas être enserrée, contrainte. Elle n'y trouvait aucun plaisir. Gentiment, elle me proposa de m'accompagner la semaine prochaine chez Françoise avec Daniel. Il aurait ainsi trois sœurs pour l'assister.

Le jour du thé de madame, je m'occupai à nouveau de l'arrivée des invités. Je les aidais à se débarrasser de leurs manteaux et les conduisais auprès de madame, dans le grand salon. Les amies de madame étaient pareilles à elles-mêmes. Par contre, les gouvernantes se montraient plus cordiales, plus proches de moi. Simone, en souriant, me fit un gentil compliment sur ma tenue et me demanda de sa voix douce si tout allait bien. Jacqueline se contenta d'un sourire dans ma direction, mais ce sourire doux, réservé et profond me fit plaisir et m'encouragea. Françoise, après m'avoir examiné des pieds à la tête, me fit signe de tourner sur moi-même, sourit et me demanda de l'air de quelqu'un qui pose une question dont il connaît la réponse, si je faisais bien chaque jour les exercices qu'elle m'avait recommandés. Le colonel Oscar de la Strotche fit son entrée. C'était un monsieur âgé, à la prestance encore belle et au maintien strict. Sa moustache, son regard me rappelaient les portraits du Maréchal Philippe Pétain. Geneviève m'avait recommandé de l'installer dans le grand salon et de lui servir un verre de whisky en lui laissant la bouteille à portée de main.
"Ainsi il se tiendra un peu tranquille." Avait-elle ajouté.
J'ai eu du mal à le débarrasser de son manteau. Celui ci glissait bien un peu, mais restait coincé au niveau de l'épaule. Il prit un air navré en me disant :
"Je suis désolé, mon arthrose fait encore des siennes."

J'ai du le contourner, me placer devant lui, mettre une main à plat sur son veston, l'introduire entre le veston et le manteau, saisir le manteau de l'autre main. Imprimant des deux mains un mouvement de va et vient à l'ensemble, je parvins ainsi, centimètre par centimètre à faire glisser le manteau. Il se laissait faire, observant mes tentatives de face et de profil grâce à un miroir de plein pied qui se trouvait dans l'entrée. Je fus soulagé d'avoir réussi à le débarrasser de son manteau. Lui le semblait moins, peut être lui avais-je fait mal? Je me promis d'agir plus doucement une prochaine fois. D'un sourire, d'un geste déférent, comme me l'avait appris Geneviève, je l'invitai à me suivre. Il resta immobile, toussota et me demanda d'une voix faible de lui offrir une main secourable. Il s'appuya à mon bras et se mit en marche à très petits pas. A mi-parcours, il dut s'arrêter et ne put repartir qu'après avoir placé sa main droite sur mon épaule. Le contact de sa main un peu froide avec mon épaule nue m'étonna mais ne me déplut pas. Son équilibre était imparfait, sa démarche était hésitante. Souvent il se cognait à moi. Je le conduisis vers madame, qui visiblement étonnée de l'aggravation de son état depuis sa dernière visite, le fit asseoir dans un fauteuil proche du sien. Tous les invités étant arrivés, je me dirigeai vers la cuisine, vérifiai le plateau à thé et fit signe à Geneviève que tout était prêt.

Elle demanda à madame si elle pouvait faire servir le thé. Celle ci, ravie, fit tinter la clochette qu'elle avait disposée à portée de main. Je fis mon entrée. Je réussis cette fois ci aussi à verser le thé dans les minuscules tasses sans renverser une seule goutte. J'étais bien sûr stimulé par les regards attentifs et compétents de Geneviève, des autres gouvernantes et du colonel qui semblait fort intéressé. Comme convenu, j'apportai un verre de whisky au colonel, ainsi que la bouteille, qui était d'une excellente qualité.

Je restai debout, attentif à mon service, observant les invités, attendant un signe de madame ou de Geneviève. Le colonel ne participait pas à la conversation. Il était immobile, le regard perdu dans la contemplation d'une armoire à sa droite. A intervalles réguliers, il buvait un peu de whisky. Les gouvernantes ne participaient que discrètement à la conversation. Elles regardaient souvent dans ma direction et en profitaient pour m'offrir un petit sourire, un lever de sourcil de connivence, parfois même un petit geste de la main, en signe d'encouragement. Une petite cuillère étant tombée d'une des tasses, je me retournai afin de prendre mon plateau, qui était rangé derrière moi, et présentai à l'amie de madame une nouvelle petite cuillère. Je me baissai pour saisir le plateau. Pour me faire plaisir, je jetai un coup d'œil sur ma droite, dans le grand miroir de l'armoire, pour m'apercevoir penché sur la petite table. Je me vis les bras arrondis, les mains posées sur le bord du plateau, les genoux légèrement fléchis, les pieds placés assymétriquement, le gauche devant, comme à l'exercice. J'aimais cette position qui faisait penser à une prêtresse antique présentant avec déférence une offrande à une divinité. Je vis aussi le colonel. Je vis surtout son regard. Celui ci était vif et aigu, mais sans aucune trace d'animosité, et contrastait étrangement avec l'attitude calme et même un peu amorphe qui émanait de l'ensemble de sa personne. Il m'observait depuis un certain temps sans doute à travers le miroir et je venais involontairement de le surprendre. Je présentai le plateau à l'amie de madame qui y prit une autre cuillère, je rangeai le plateau, revins ramasser élégamment la cuillère tombée à terre et repris ma place d'attente. Le colonel, il est vrai bien placé, avait à peine tourné la tête pour suivre tous mes mouvements. Pour faire diversion, Geneviève me pria de remplir le verre du colonel. Je me glissai entre deux invités, non sans mal, les fauteuils étant fort proches, et plaçai à nouveau mon pied gauche en avant. Ici l'exercice était un peu différent : il fallait garder les jambes tendues et ne faire travailler que le buste. Je saisis la bouteille, la débouchai et versai un peu de liquide dans le verre, en faisant tourner légèrement la bouteille, ce qui eut pour effet de montrer un par un au colonel mes doigts, soigneusement manucurés ce matin. Je n'us pas à verser beaucoup pour remplir à nouveau le verre du colonel. Pourtant, Geneviève m'avait prévenu qu'il buvait beaucoup. Je repris ma place d'attente. Un moment après, le colonel chercha le regard attentif de Geneviève, lui désigna sa jambe et fit balancer lentement sa tête en un signe d'approbation. Geneviève se leva, se dirigea vers la cuisine et me fit signe de la suivre.
"Le colonel a besoin de toi, sa blessure de guerre le fait souffrir, tu vas l'accompagner au petit salon et l'aider à s'allonger sur le canapé. Ne crains rien, il ne te fera aucun mal. Sois gentil avec lui, il nous revaudra cela.".

J'accompagnai le colonel au petit salon. En passant devant elles, Simone et Jacqueline me firent un petit sourire. Arrivés au petit salon, une fois la porte refermée, le colonel sembla aller mieux. Il se déplaçait plus facilement et plus rapidement. Il nous dirigea vers le canapé. En tournant sur lui-même il m'assit à une extrémité et s'assit au milieu. Il s'allongea souplement et posa délicatement sa tête sur mes cuisses. Suivant les recommandations de Geneviève, je ne bougeais pas. Le colonel me regardait. Son regard avait changé. Ce n'était plus le regard éteint d'un vieux monsieur un peu distrait, un peu amorphe. Non, son regard avait étonnamment rajeuni. J'y lisais de la joie amusée d'avoir obtenu ce qu'il voulait et en deuxième ton, en filigrane, une demande encore imprécise, encore informulée. Cela dura un long moment, puis je levai doucement ma main droite et la posai sur sa poitrine. Son regard ne changea pas, mais à son sourire, faible mais présent, je vis que j'avais deviné juste. Je remuai un peu le bout de mes doigts, les promenant sur lui. Je sentis son corps devenir plus pesant. Son sourire était plus perceptible, je lui offris le mien. Je plaçai ma main gauche autour de son visage, et du bout des doigts lui caressai la joue. Je lisais dans son regard un ravissement, un émerveillement enfantin. Il lisait dans mon regard mon étonnement, ma découverte de ma fibre maternelle. Je me penchai vers lui, et inclinant ma tête, fit glisser mes cheveux par-dessus mon épaule. Me balançant doucement, je fis glisser mes cheveux et mes rubans sur son visage en une tendre caresse. Je fredonnai alors quelques passages d'une chanson que je croyais oubliée depuis ma petite enfance.
Lorsque je me redressai, il dormait.

Geneviève ouvrit lentement la porte, l'air soucieuse. Elle nous vit. Je mis un doigt devant ma bouche qui souriait et replaçai ma main sur la poitrine du colonel. Elle resta un moment à nous observer et comprit ce qu'il se passait. Elle eut un relèvement de sourcil étonné, un geste de paix et referma doucement la porte derrière elle.

* marie therese le 11/01/2005


Responsable du site : Lucie Sobek


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