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« », une petite histoire imaginée par marietherese

1 L'APPARTEMENT marie therese marietheresekoest@yahoo.fr 13-04-2005, 19:42 L'APPARTEMENT


J’avais enfin achevé mes études. Je venais de trouver un travail qui me convenait. J’allais enfin pouvoir vivre seul.
Mes parents étaient bien gentils, mes frères aussi. Mais vivre dans une petite maison avec deux parents et trois frères, lorsqu’on a une aventure à vivre, ce n’est pas facile tous les jours.

Je partageais une petite chambre avec mon jeune frère. Je n’avais pas de coin à moi où personne, ma mère par exemple, ne viendrait fourrer son nez. Ma mère est une personne curieuse. Elle aime tout savoir. Dès qu’elle remarque que quelque chose pourrait ne pas correspondre aux règles établies, et elle en a beaucoup, elle commence son interrogatoire. Elle aurait fait un redoutable inspecteur de police.
J’ai vite compris que les petites pensées qui me passaient de temps en temps par la tête n’avaient pas leur place dans ce petit monde trop bien organisé. J’ai appris à les garder pour moi.

J’ai quatre petits trésors qui sont les seules traces concrètes de la passion qui m’agite parfois. Le premier que j’ai trouvé, et c’est le plus beau, celui auquel je tiens le plus, c’est ce fichu en tissu soyeux. Ce bout de tissu a dû couvrir la tête d’une femme. Je l’ai trouvé un soir de pluie et de grand vent. Déchiré par endroits, il était en piteux état. Ce n’est qu’un tissu synthétique mais il a le toucher de la soie, du moins pour moi. Lorsque parfois je suis seul, je le sors de sa cachette. J’aime le faire glisser sur mes mains, promener le bout de mes doigts à sa surface. J’aime aussi le poser sur mes cuisses et le caresser avec mes mains. Parfois, lorsque je veux provoquer une forte émotion, je me couche sur mon lit, je glisse deux balles de tennis sous mon tee-shirt et je pose le fichu sur ma poitrine. Je le glisse sous mes bras et le dispose comme si c’était un chemisier légèrement entrouvert. La vue seule me plaît déjà beaucoup, mais ce qui me plaît surtout, c’est de poser mes mains dessus et de les faire glisser lentement.

J’ai aussi un peigne décoratif. C’est un petit objet en plastique qu’une jeune femme a dû employer pour agrémenter sa chevelure. Je l’ai trouvé sur le sol lors d’une des rares soirées dansantes auxquelles j’ai assisté. J’ai aussi deux pinces à cheveux qui ne sont que deux bouts de fil de fer aplati. J’aime à les manipuler tous les trois. Je les pose sur mon bureau et, du bout des doigts, je les touche, je les caresse, je les déplace avec légèreté. J’aime poser ma tête bien à plat sur la table qui me sert de bureau, et écouter les bruits de glissement de mes petits trésors. J’imagine sentir au bout de mes doigts la douceur des cheveux jadis entravés, enserrés par ces petits accessoires. Ce jeu peut durer longtemps.

Il y a aussi chez nous quelques objets anodins auxquels j’ai donné un usage moins usuel. Nos fauteuils sont vieux. Pour les protéger et camoufler leur usure, ils sont recouverts chacun de trois napperons en tissu. Lorsque je suis seul, je remplace mon jean par un short léger et fort court, je vais m’asseoir dans mon fauteuil préféré, je pose un napperon de protection sur mes cuisses de telle façon que son bord inférieur m’arrive à mi-cuisse, je place mes deux mains sur mes cuisses, je ferme les yeux et je pars dans mes rêves éveillés préférés.

Maintenant je veux vivre. Je veux vivre avec ma passion. Je veux vivre ma passion Elle a été trop longtemps entravée, étouffée. Elle veut vivre. Je veux me livrer à mon plaisir. Je veux savoir à quoi je ressemble vraiment. Je veux savoir qui je suis. Maintenant je veux vivre.

J’avais déjà vu quelques appartements avant celui-ci. Il m’a plu immédiatement. Il avait de nombreux avantages. Le quartier était agréable, il y avait un parc tout près. Il était situé au troisième étage, sur un large boulevard. J’avais, depuis la fenêtre de la salle de séjour, scruté les appartements situés en face, de l’autre coté du boulevard. Un simple rideau me garantirait une tranquillité visuelle vis à vis de mes voisins. Le rez-de-chaussée de l’immeuble était composé de garages pour voitures. Donc personne ne pourrait examiner commodément mes allées et venues. Le boulevard était agrémenté d’arbres anciens, assez massifs. Ceci aussi était propice au camouflage.

L’appartement était encore meublé, garni de bibelots. Il semblait encore habité. En fait, m’expliqua le monsieur qui me le faisait visiter, il s’agissait de l’appartement de son oncle dont il était l’héritier. Son oncle n’avait jamais eu de descendance. Il venait d’avoir de graves ennuis de santé et il avait été placé dans une institution spécialisée. Le monsieur était pressé, il s’agitait beaucoup. Il fit un geste énergique et circulaire de la main en me disant que bien entendu l’appartement serait bientôt débarrassé de tout ce fatras de meubles et de bibelots. Il allait contacter une firme spécialisée qui viendrait vider l’appartement, à ses frais. Il prenait aussi en charge un nettoyage complet, la peinture, ainsi que le tapissage des murs qui auraient bien besoin d’une nouvelle couche de papier peint.
J’avais vu les meubles un peu anciens mais encore en très bon état. J’ai essayé les fauteuils du salon. J’ai examiné le lit. J’ai noté les deux grandes armoires dans la chambre.

Comme je n’avais comme meubles que mon lit et ma table bureau, j’ai flairé une affaire intéressante. Je lui ai proposé de lui louer immédiatement l’appartement dans son état actuel. Il ne put cacher sa satisfaction. Je le débarrassais d’une corvée désagréable, qui n’était pas de son niveau. L’affaire fut conclue illico.
J’ai donc pris rapidement possession des lieux, ou plutôt je me suis immiscé dans l’appartement. Il y régnait une atmosphère douce et agréable à laquelle j’étais sensible, qui me convenait.

Je croyais au début faire consciencieusement le tour complet de l’appartement, tout examiner et me débarrasser de la plupart des objets. Je comptais en tirer un peu d’argent en les confiant à Jean, un ami qui brocantait quelquefois. Mais cela a tourné autrement. Je ne suis parvenu à me séparer que de quelques rares objets. Je me sentais bien dans l’appartement tel qu’il était. Il avait un charme, un style qui me plaisait.

J’avais trouvé des tas de choses intéressantes. Dans la première armoire de la chambre il y avait des vêtements d’homme d’excellente qualité. Tout était soigné et entretenu de façon impeccable. J’ai voulu essayer l’un ou l’autre vêtement. L’oncle du propriétaire avait exactement la même taille que moi, tout m’allait parfaitement. Le style convenait évidemment mieux à une personne âgée qu’à un jeune homme comme moi. J’ai gardé quelques belles pièces, quelques cravates, quelques beaux pulls et un bel habit de cérémonie. Au dernier moment j’ai même gardé un chapeau en feutre. Je suis allé déposer le reste derrière l’église, dans un conteneur, afin que ces vêtements soient recyclés. L’armoire était assez grande pour contenir tous mes vêtements ainsi que ceux que je récupérais.
L’autre armoire était fermée à clef. Je me suis dit que je trouverais bien la clef quelque part dans l’appartement, en en faisant le tour.
Ce ne fut pas le cas.
Jean est passé me voir un soir. Je l’avais invité à venir boire un verre. J’avais besoin de lui.

J’avais besoin de lui pour le tapissage des murs et les peintures intérieures. Je lui ai montré l’armoire. Il l’a examinée. Il m’a dit qu’il n’avait jamais vu cela. Elle était munie d’une serrure de porte renforcée. Il s’agissait de très bon matériel. Jean avait beaucoup de travail. Il connaissait mes capacités. Il me donna toute une série de bons conseils pour les travaux de décoration et pour l’armoire. Il me conseilla de commencer les travaux tout seul. Il me donnerait des conseils par téléphone en cas de besoin.

L’armoire m’intriguait. J’ai donc commencé par elle. J’ai essayé les différents systèmes conseillés par Jean. L’idée d’ouvrir l’armoire par l’arrière, de la vider et de démonter les serrures par l’intérieur fut la bonne idée. Jean avait pris la précaution de déplacer l’armoire avec moi de telle façon que je puisse me glisser derrière celle-ci, au cas ou ses autres propositions se solderaient par des échecs.
J’ai donc dévissé une à une les innombrables petites vis qui fixaient le premier panneau de fond au châssis de l’armoire. Armé de deux tournevis qui me servaient de levier, j’ai fait sortir peu à peu le panneau de fond de ses rainures.
Avec un bruit sec de craquement, il a lâché prise brusquement et est tombé sur le sol. Je n’avais plus qu’à le retirer et à le poser contre un mur.

Ce qui m’a frappé, dès que je suis retourné derrière l’armoire, ce sont les jolies couleurs. Il n’y avait pas de couleurs criardes, pas de couleurs vives. Il y avait beaucoup de bleu et de blanc, mes couleurs préférées. Dès le début j’ai su que j’avais fait une bonne affaire, que je trouverais dans l’armoire de quoi m’amuser, de quoi vivre mes rêveries, de quoi jouer avec tous ces vêtements que je voulais acheter grâce aux catalogues de vente par correspondance.

J’ai du vider le contenu de deux espaces entre les planches pour pouvoir accéder à la serrure par l’intérieur de l’armoire. En glissant mes mains sous les pulls soigneusement rangés, j’ai du m’arrêter. J’étais là, immobile, silencieux, écoutant le silence martelé par les battements de mon cœur, le regard fixé sur ces vêtements qui me procuraient ce plaisir fort, sentant entrer dans mon corps ces ondes vibrantes qui le parcouraient en tous sens, sentant au bout de mes doigts cette brûlure tant souhaitée, tant attendue, enfin là.
J’ai posé sur mon lit quelques tas de vêtements et j’ai attaqué la serrure. Démontée par l’intérieur, elle n’a pas résisté longtemps. Les deux autres portes, sécurisées par la même serrure, s’ouvrirent facilement.
Je me suis assis et je suis resté un temps à contempler mon butin. Celui-ci était complet. Il y avait tout ce qu’il fallait, tout ce qu’il me fallait. Il y en avait pour le haut, pour le bas, pour le dessus et le dessous.
Je me suis levé et du bout des doigts, par caresses successives, j’ai fait un premier inventaire. Il y avait dans le bas de l’armoire des souliers. Dans le haut il y avait des perruques. Dans la colonne centrale, avec les bijoux, j’ai trouvé des albums de photographies.
Je n’y tenais plus, j’ai voulu essayer les vêtements.

Les premiers essais ne furent pas tout à fait concluants. Je parvenais bien à me glisser dans les chemisiers et à fermer les boutons de dessus. J’ai eu un peu de mal à fermer les boutonnages qui étaient montés à l’envers. Il y avait de la place pour la poitrine que je n’avais pas, pas encore. Par contre du côté de la taille je n’arrivais pas à fermer les boutonnages.
De même, en me tortillant un peu, je parvenais à faire monter les jupes que j’ai essayées, mais sans pouvoir les fermer à la taille. Par contre, leur longueur était bonne.
En me tordant un peu, en plaçant adroitement mes mains pour compenser l’entrebâillement des vêtements, j’ai pu me voir dans la glace.
Je me suis vu, j’ai vu pour la première fois cette personne qui habitait en moi depuis si longtemps. Je me suis vue.

J’ai équipé une des jupes d’un élastique qui raccordait le bouton de fermeture et la boutonnière afin de libérer une de mes mains. Cela faisait déjà meilleur effet. Pour cacher l’ouverture malencontreuse du chemisier je mis par-dessus celui-ci un large cardigan dont je fermai les boutons au niveau de ma taille. C’était encore mieux.

En cherchant plus avant dans les trésors de l’armoire, j’ai trouvé ce sous-vêtement bizarre, d’aspect rébarbatif qui allait m’aider, par une contrainte volontaire, à obtenir la taille adéquate. Ce ne fut pas facile, j’ai dû trouver l’endroit et l’envers, l’avant et l’arrière. J’ai dû tirer fort et longtemps. J’ai dû trouver le bon rythme, marquer de petites pauses pour retrouver ma respiration à chaque fois.

Equipé de la sorte, j’ai pu fermer mon chemisier. J’ai aussi pu fermer le boutonnage et faire glisser la fermeture éclair de la jupe par-devant. Retenant le peu de respiration que j’avais encore, j’ai gagné le dernier demi-centimètre qui m’a permis de faire glisser la jupe d’un demi-tour. Je pouvais maintenant me voir, la voir de face dans la glace.
Elle commençait à me plaire.
Elle a eu un mouvement tournant que j’ai trouvé charmant. Ses jambes se sont élancées les premières. Les bras se sont arrondis. Tout cela était encore bien raide, bien maladroit, mais annonçait des mouvements élégants et gracieux qui viendraient plus tard.
Ce mouvement tournant m’a permis de voir que l’arrière de la jupe n’était pas satisfaisant.
J’ai enlevé la jupe qui a glissé au sol, dans un glissement grisant. J’ai trouvé assez vite dans l’armoire des mousses synthétique compactes, judicieusement découpées, qui me semblaient convenir.
Je les ai glissées adroitement aux endroits qui me semblaient adéquats.
J’ai remis la jupe, cela m’a demandé moins d’efforts que la première fois. L’arrière de la jupe était bien plus plaisant à voir.

J’aimais la voir sourire. Elle avait un sourire encore timide, mais déjà doux et serein. Son regard était lumineux, éclairé doucement de l’intérieur. Elle regardait autour d’elle en tournant lentement la tête, faisant glisser mes yeux, faisant glisser sur mes épaules ses boucles brunes.

Je prenais plaisir à la voir s’éveiller.
Je prenais plaisir à la voir prendre contact avec le monde autour d’elle.

J’avais du mal par moment à respirer.
Elle, par contre, respirait avec aisance.
Nos rythmes étaient les mêmes, notre façon d’inspirer était différente. J’inspirais avec effort, par saccades. Elle respirait avec souplesse et sans effort.

J’ai vu mes mains et mes bras esquisser des gestes que je ne connaissais pas, mais qu’elle semblait connaître.

Elle a fait passer ses mains autour de ma taille, faisant glisser le bout de mes doigts sur l’étoffe tendue de la jupe, et la paume de mes mains sur le tissu soyeux du chemisier. Mes mains et mes doigts exploraient ces courbes qu’elle retrouvait avec plaisir, tel le voyageur au retour d’un long périple qui retrouve un paysage familier de sa terre natale, presque oublié, mais toujours présent dans sa mémoire.
Elle voilait son regard pour filtrer son plaisir. J’écarquillais les yeux pour ne rien perdre de ce spectacle fascinant.

J’ai vu mes jambes se plier et se positionner sous mon corps d’une façon qui ne leur était pas habituelle, mais que j’ai trouvé gracieuse. Elles étaient bien plus agréables à regarder qu’auparavant, enveloppées de fin nylon et entourées par cette jupe serrante. J’ai voulu les embellir encore et j’ai essayé les souliers.
Les premiers souliers que j’ai essayés me serraient bien un peu, mais rendaient mes pieds bien plus jolis et élégants.
J’ai voulu marcher. Je me suis éloigné du miroir et ai eu beaucoup de mal à faire quelques pas. En me rapprochant du miroir, je l’ai regardée. Elle m’a guidé, elle m’a montré. La voyant faire j’ai amélioré ma démarche.
Elle a été contente de mes efforts, de me voir marcher mieux.

Pour m’encourager, pour me faire plaisir, elle a guidé ma main vers le devant de la jupe, là où le relief avait changé. Elle fit glisser un temps le bout de mes doigts et m’offrit un autre regard. C’était un nouveau regard que je ne lui connaissais pas encore. C’était un regard coquin.

J’ai sorti les albums de photographies que j’avais trouvés dans la colonne centrale de l’armoire. Ils contenaient des photos qui étaient toutes prises dans l’appartement. Sur les photos il y avait une jolie dame, un peu étrange, au regard parfois étonné, parfois un peu triste, parfois fort joyeux.

Il y avait une superbe photographie qui utilisait la technique du clair-obscur, la technique des peintres de l’école flamande. C’est une technique difficile à mettre en œuvre, qui demande beaucoup de doigté pour ne pas rater la photo. On y voyait la dame de dos devant la fenêtre de la salle de séjour. Son corps était quelque peu tourné par rapport à la position de ses pieds. Sa tête, tournée légèrement plus fort, suggérait un mouvement. Son avant bras gauche, replié, était caché par le corps. Son absence mettait en valeur la position de l’avant bras droit qui exprimait le message de la photographie. La paume de la main droite était orientée vers le haut, vers la lumière provenant de la fenêtre et exprimait une attente, un désir de rencontrer la lumière par delà la fenêtre. La position des doigts de la main, un peu tendus, un peu abaissés, ainsi que l’inclinaison de la tête suggéraient l’immense difficulté de rencontrer cette attente, de sortir de la pièce.

J’ai voulu rechercher la trace de l’ancien occupant de l’appartement.
Je ne tenais pas à questionner le propriétaire. J’ai préféré en parler à mes voisines. J’avais déjà noté leur intérêt à mon égard. J’étais resté jusqu’ici très discret. C’était le moment et l’occasion d’entrer en contact avec mes deux voisines de palier.

C’est en retirant mon courrier de ma boite aux lettres, un soir, dans le hall de l’immeuble, que j’ai rencontré Marie. Elle avait noté la nouvelle adresse de l’ancien occupant de mon appartement. Elle m’a proposé aimablement de venir boire un café le lendemain chez elle. Elle inviterait Thérèse, mon autre voisine.

Marie et Thérèse s’entendaient bien. Elles étaient cultivées. Elles aimaient toutes deux faire du tourisme. Elles aimaient visiter une ville, une région, ou voir un beau musée. Elles aimaient la photographie et me montrèrent plusieurs de leurs albums. Leurs photos étaient d’excellente qualité.
J’ai apprécié l’ambiance chaleureuse et harmonieuse qui régnait dans l’appartement de Marie. Je me sentais très bien chez elle, en compagnie de Thérèse. Je m’y sentais accueilli.

Ma visite à la maison de repos ne fut pas très joyeuse. Eric était amorphe. Plus aucune vie n’animait son regard que je reconnaissais d’après les photographies. Il ne parlait plus. Eric avait été victime d’une attaque cérébrale. L’infirmière en chef me confia que le pronostic du médecin était mauvais.
Je suis rentré tristement chez moi.
J’ai regardé longuement les photos des albums.

La semaine suivante j’ai voulu retourner à la maison de repos. J’avais emporté l’un des albums.
L’infirmière a été contente de me revoir, car personne à part moi ne venait visiter ce malade. Elle me dit que l’état de celui-ci n’avait pas évolué.
Elle nous observa de loin. Elle vit le regard appuyé d’Eric lorsque je lui montrai l’album. Elle nota comme moi le mouvement de ses yeux et le geste de sa main lorsque j’ouvris celui-ci.
C’est elle qui dut me faire signe d’interrompre la séance afin de ne pas trop fatiguer son convalescent.

Quelques semaines plus tard, Eric put venir chez moi.
Je le fis asseoir dans le fauteuil que j’avais placé devant l’armoire.
Il ne parlait pas encore très bien, mais je n’avais aucun mal à le comprendre grâce à son regard expressif.

Une fois assis en face de l’armoire il fut fort ému. Il pensa à me remercier d’un clin d’œil. J’ouvris la porte de l’armoire pour lui faire plaisir. Je l‘ouvris lentement pour que son plaisir soit intense et long. Je sortis ensuite quelques vêtements, quelques sous-vêtements, quelques accessoires, en choisissant les plus doux au toucher. Je les rapprochai de lui et les fis glisser lentement sur ses avants bras dénudés et ses mains ouvertes. Il dut fermer les yeux. Je n’avais plus que son sourire pour me guider dans ses choix.
L’infirmière de la maison de repos m’avait dit qu’il ne pouvait pas encore s’habiller seul, sans aide.
Pourtant ici, c’est bien ce qu’il fit. Il prit son temps et ne fut pas trop maladroit.
Sa tenue lui allait très bien. J’ai eu l’idée de choisir une tenue du même genre, aux couleurs assorties.
Nous nous tenions devant le miroir, main dans la main, comme deux sœurs presque jumelles.
Je ne sais plus qui a placé sa main à la taille de l‘autre la première, est ce elle, est ce moi, est ce un des reflets ?

La semaine suivante je suis retourné à la maison de repos.
L’infirmière me regarda longtemps sans rien pouvoir me dire.
Lorsqu’elle vit que j’avais compris, elle prit mon bras et m’emmena dans le parc.
Elle me raconta quelques détails pour meubler le silence et adoucir ma peine. Elle m’apprit qu’il était mort heureux, en souriant.
Au dernier instant il avait prononcé « Pascale ».
Elle supposait qu’il s’agissait du prénom de son épouse. Je ne l’ai pas détrompée.

J’ai tenu à assister à l’enterrement d’Eric.
Au cimetière, lors du dernier au revoir, je lui ai promis que Pascale se montrerait au grand jour, qu’elle existerait.
Moi je sortirai, je sortirai de l’appartement pour nous deux.
Marie et Thérèse étaient venues, elles aussi.
Nous sommes rentrés à pied vers notre immeuble.
Je leur ai proposé de venir boire un café chez moi.
J’avais quelque chose à leur expliquer, j’avais quelque chose à leur demander.


Marie Thérèse KOEST


Responsable du site : Lucie Sobek


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