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« », une petite histoire imaginée par marietherese

1 L'examen de mathématiques mt jeanne.claude@femme.net 12-10-2004, 18:06 Marcel, Jules et moi nous amusions bien dans notre école. Nous venions au cours car il le fallait bien. Nous n'écoutions pas trop tout ce que les profs venaient nous raconter. Cela ne nous intéressait pas beaucoup. Nous préférions employer ce temps de liberté perdue à faire des choses importantes. Nous échangions des informations et des considérations personnelles et profondes sur nos sorties prochaines, sur les filles du cours et leurs copines, sur toutes les matières qui nous amusaient. Jules, dont la mère avait un salon de coiffure pour dames, nous approvisionnait en magazines. Un de nos plaisirs était de les lire en groupe et de commenter les plus jolies photos.
Jusque là nous nous étions débrouillés pour arriver en classe terminale sans faire trop d'efforts. Nous étions intelligents, astucieux et organisés. La règle du moindre effort était notre règle principale.
Nous avions ainsi acquis une solide expérience pour obtenir des cotes de passage de classe en prestant un minimum.
Nous avions maintenant envie de terminer ce cycle d'études et de passer en faculté, parmi les vrais étudiants, là où l'on pouvait vraiment s'amuser. Nous en avions un peu marre de côtoyer ces autres élèves qui étaient plus jeunes que nous de plusieurs années.
Pourtant l'affaire n'était pas gagnée d'avance. L'examen de mathématiques qui s'annonçait nous faisait un peu peur. C'était un examen oral qui porterait sur les matières de l'année entière. Nous préférions les examens écrits, plus propice à l'échange d'informations.

C'est vrai qu'on avait eu de la malchance. Notre prof était un vieux. Il avait au moins quarante ans. Il était déjà chauve et bedonnant. Il portait de grosses lunettes toutes rondes et avait une voix difficilement audible à plus de trois mètres. Il parlait d'une voix monotone sans regarder personne, fixant une fois pour toutes un coin lézardé du plafond de notre salle de cours. Ce qu'il racontait ne semblait même pas l'intéresser lui–même. Seuls deux ou trois élèves du premier rang suivaient son cours. Nous trois, au fond de la classe, les laissions faire, en feuilletant des magazines, l'air faussement studieux.

Marcel s'occupait de notre service de renseignements. Il était le seul de nous trois à avoir un frère aîné et un cousin qui nous avaient précédés de quelques années dans ces études. Il avait ainsi amassé beaucoup d'informations sur les différents professeurs et leurs façons de mener les examens. D'après lui notre prof de mathématiques aux allures effacées, monsieur Albert, allait se révéler un examinateur rigide et impitoyable.

Celui-ci, pour faire augmenter la pression, à l'avant dernier cours, nous avait proposé une série de questions et d'exercices, dans le genre de ceux qu'il posait habituellement lors de ses examens. Il précisa, d'un air froid, qu'il ne servait à rien d'apprendre par cœur les réponses à ces questions-ci, car il ne les poserait certainement pas. Il avait un stock très important d'autres questions en réserve.
Nous le regardions tous les trois d'un air dubitatif. Aucun des trois n'avait de début de réponse pour aucune des questions posées.

Après le cours, Marcel nous dit que l'heure était grave. Nous acquiesçâmes. Il dit aussi qu'à chaque problème il y avait une solution. Nous fîmes signe que nous étions d'accord. Il n'y avait qu'à la trouver. Nous prîmes des poses de chercheurs scientifiques de haut niveau, en quête de l'idée géniale qui leur vaudrait à coup sûr le prix Nobel.

Les traits de Marcel se détendirent brusquement, il se tourna vers moi, me serra le coude et dit joyeusement :
"J'ai trouvé !"
Il nous regardait en souriant.
"Vous souvenez-vous du dernier anniversaire de Géraldine ?"

Bien sûr que je m'en souvenais ! A l'évocation de ce tendre souvenir, une vague d'émotions me submergea. Géraldine était une copine de sorties. Elle était jolie et amusante. Elle aimait faire la fête. Elle aimait les belles fêtes. J'étais très attiré par Géraldine, mais cette attirance était malheureusement à sens unique.

Pour son anniversaire, elle avait demandé à chacun de se déguiser. Marcel s'était confectionné un costume de Tarzan. Jules serait en empereur romain. Moi, à part une ancienne tenue de cow-boy, bien trop petite pour moi, je n'avais rien trouvé. C'est la mère de Jules, mise au courant par celui-ci, qui me fit une proposition irrésistible. Elle me connaissait bien, je passais souvent chez eux à la maison. Elle me dit de lui réserver la journée de la soirée d'anniversaire. Elle s'occuperait de tout et me garantissait un déguisement peu ordinaire. Tout ce que j'avais à faire en attendant était de boire beaucoup d'eau, de faire beaucoup de course à pied et surtout de ne pas faire couper mes cheveux.

Ce matin là je me présentai bien à temps dans son salon. Sa fille Stéphanie lui donnait un coup de main et était fort intéressée par l'expérience qu'elle allait tenter sur moi. Stéphanie se conduisit très vite comme la grande sœur qui allait initier sa petite sœur à de nouveaux plaisirs. Elles eurent beaucoup de travail, elles ne ménagèrent pas leur peine. Mais le résultat était à la mesure de leurs efforts. Stéphanie connaissait bien les goûts de Marcel, elle les avait étudiés. J'ai trouvé la tenue choisie fort courte, fort serrée. Je trouvais les haut talons des bottes en cuir fort hauts. Je trouvais curieux ces petits bouts de dentelles qui dépassaient par moments, lorsque j'effectuais certains mouvements. Je croyais que quelque chose était mal attaché et en fis la remarque à Stéphanie. Celle-ci me rassura.

Marcel, comme convenu, est venu me chercher en fin d'après midi. En parcourant du regard le salon de coiffure il me vit, bien sûr, mais ne me reconnut pas. Son regard, connaisseur et flatteur, glissa doucement sur moi, sans vraiment s'y arrêter. Il interrogea du regard la mère de Jules, mais elle était fort occupée avec une cliente à déterminer la nuance de la décoloration des cheveux de celle-ci. Marcel s'approcha d'elle et lui demanda à voix très basse:
"Mais où est-il donc ?" Elle le fit encore un peu patienter, savourant son plaisir, puis me désigna d'un bref mouvement de sa tête. Marcel était stupéfait. Il restait immobile. C'est moi qui dû me lever et aller vers lui. Je tournai élégamment sur moi-même pour bien lui montrer le résultat obtenu par la mère et la fille. Il mit du temps pour se remettre de son émotion et accepter la réalité. Visiblement Stéphanie connaissait bien les goûts de Marcel.

Dans notre trio, c'était Marcel le chef. C'est lui qui prenait seul toutes les décisions importantes. Nous n'avions qu'à le suivre et à faire ce qu'il nous avait dit de faire. Nous étions, Jules et moi, ses subalternes. C'est pourquoi j'ai apprécié d'être soudain mis en valeur. Marcel m'ouvrait les portes, m'installait dans la voiture de sa mère en prenant soin que je sois bien installé, m'aidait à en sortir, m'offrait son bras pour marcher en rue. J'appréciais les attentions de Marcel, aux petits soins pour moi, même si je n'étais qu'un reflet, visible mais irréel.

Nous sommes arrivés les premiers chez Géraldine. Elle a été très contente de voir Marcel et Jules et les a fait entrer. Moi, elle m'a d'abord regardé avec un air de reproche et une moue boudeuse. Elle prit un badge muni d'une cordelette sur une commode et voulut me l'accrocher autour du cou. Elle nous montra l'inscription sur le badge : "GAGE".
"C'est très bien d'avoir apporté une nouvelle copine à ma fête d'anniversaire, mais j'avais bien précisé qu'il fallait se déguiser ! Elle aura donc un gage ! " L'empereur et l'homme de la jungle s'interposèrent. Marcel hochait négativement la tête et lui demanda de bien regarder, de mieux me regarder.
Le visage de Géraldine était assez expressif. Je le vis passer rapidement du mécontentement à la joie amusée, en passant par la découverte étonnée.

D'habitude je dansais peu ou pas du tout. Je n'étais pas le genre de mâle qui intéressait les jeunes filles venant à une soirée dansante. Ce soir là, j'ai beaucoup dansé. Les jeunes filles, rieuses et amusées, m'invitaient dans leurs groupes de danseuses. Les jeunes gens, qui voulaient goûter à ce plaisir étrange, m'invitaient pour une danse. J'acceptais avec grâce et plaisir. Beaucoup voulurent essayer. J'ai aussi beaucoup dansé avec Géraldine.

J'avais une mère autoritaire et un père absent. J'avais été élevé en suivant des principes, des règlements, des listes de choses à faire, à ne pas faire, et des tabous à respecter strictement. Ce soir là, en prenant mon éducation à contre pied, je découvrais que Géraldine avait des cadeaux à me proposer. Elle m'offrait sans réserve sa chaleur humaine, son admiration, sa tendresse et sa complicité.

Je répondis en souriant à Marcel :
"Oui, je me souviens du dernier anniversaire de Géraldine".
Marcel continua :
"Nous allons employer tes petits talents cachés. Jules s'occupera des photos. Moi j'organiserai tout."

Chacun fit bien les choses. Marcel avait tout organisé dans les moindres détails. Jules avait emprunté le splendide appareil photo de son père, prétextant un travail scolaire, ce qui n'était pas tout à fait faux. Moi j'étais habillé de presque rien. En fait, à part ma splendide veste courte en fausse fourrure, je ne portais aucun vêtement. Mes sous-vêtements me plaisaient beaucoup. Stéphanie s'en était occupée. Ce n'étaient pas des sous-vêtements courants comme on peut en acheter dans les supermarchés. Stéphanie les avait achetés spécialement pour moi dans un magasin de lingerie fine. Ils étaient tout noirs. Pour la première fois je portais une guêpière. Je trouvais qu'elle m'allait très bien. J'aimais l'effet qu'elle avait sur la finesse de ma taille. Stéphanie m'avait fourni des bas noirs à coutures et un porte-jarretelles. Tout cela avait été fort délicat et compliqué à mettre. J'avais été handicapé par une émotion profonde et alanguissante qui m'avait envahi. Heureusement Stéphanie m'a aidé. Elle a eu beaucoup de mal à trouver les bons réglages de la tension des bretelles, de la bonne hauteur des bas, des lacets de la guêpière. Sans se décourager, avec douceur et gentillesse, elle a recommencé de nombreuses fois les réglages. J'aimais la sensation de ses doigts se glissant entre ma peau et les délicats tissus tendus. J'aimais lorsque sa main touchait ma peau nue et épilée. J'avais aux pieds de jolis souliers à talons aiguilles, noirs eux aussi. La mère de Jules s'était procurée une magnifique perruque blonde dont les longues boucles descendaient le long de mon dos. Le maquillage était assez différent du premier. Ce n'était plus un maquillage de jeune fille, doux et léger. C'était un maquillage dur et contrasté. Mes mains étaient magnifiques. J'avais des ongles fort longs, et d'une très belle couleur rouge sombre.

La veste fermée, je me regardais dans le grand miroir. J'avais l'air de ce genre de personne que l'on m'avait appris à ne pas fréquenter, à éviter. J'avais l'air d'une femme de mauvaise vie. Lorsque j'entrouvrais la veste, je découvrais les jolies dentelles de mes gracieux sous-vêtements, qui moulaient si bien mon corps. Le regard glissait sur ceux-ci, en une agréable caresse. Marcel m'indiqua comment ouvrir la veste de façon appropriée, ni trop, ni trop peu. Il me demanda aussi d'avoir un air de circonstance, à la fois candide, faussement étonné et un rien provocant. J'étais prêt pour ma mission délicate.

C'est Marcel qui a sonné à la porte de monsieur Albert. Celui-ci est venu ouvrir. Marcel lui a tendu un papier. Monsieur Albert s'est penché vers le papier, en rajustant ses lunettes et en tendant la main. Marcel s'est effacé, me laissant la place. J'ai saisi la main tendue et l'ai plaquée sur le haut de ma cuisse. J'ai fait un rapide demi-tour en arrière tout en entrouvrant ma veste de la main gauche, que je plaçai ensuite au haut de ma cuisse gauche, bien à plat pour bien montrer mes beaux ongles, tout en tenant de ma main droite la main de notre professeur, prisonnière le long de ma cuisse droite. Juste à temps, juste avant le mitraillage photographique opéré par Jules, je pris mon air de circonstance.

Galamment Marcel me laissa le premier descendre l'escalier. Jules me suivit, portant le précieux appareil photographique. En vrai chef, Marcel descendit le dernier, couvrant notre retraite. A voir l'état hébété de monsieur Albert, il y avait peu de chances qu'il nous poursuive dans l'escalier, mais j'appréciais le fait de savoir Jules et Marcel entre notre prof et moi.

Marcel était très satisfait des photos. Elles étaient vraiment superbes. Le cadrage, l'éclairage au flash, la netteté des détails, la composition de l'image, tout était parfait. Toute modestie mise à part, les acteurs étaient très bons aussi. J'étais très content de mon image. Me voir sur ces photos me troublait. Une douce chaleur m'envahissait à l'idée que c'était moi qui était cette jeune personne qui éveillait en moi des émois troubles et étranges. Monsieur Albert, mon partenaire involontaire, était très bien lui aussi. Son air était faussement inexpressif, mais il transmettait pourtant très bien une profonde agitation intérieure. Le mouvement de ses yeux que l'on pouvait suivre en examinant la vingtaine de photos prises en série montrait son plaisir et son intérêt devant le spectacle charmant que je lui imposais.

Le jour de l'examen oral, ce fut Marcel qui courageusement entra le premier dans la cage du lion, armé seulement d'une grande enveloppe brune. Il ressortit après quelques minutes seulement, le sourire aux lèvres. Il nous expliqua qu'il avait fait disparaître l'air hautain de monsieur Albert rien qu'en entrouvrant l'enveloppe. Lorsqu'il en fit sortir une photo, notre prof s'était mis à transpirer abondamment. Lorsqu'il avait montré la série complète des magnifiques photographies, monsieur Albert avait un air tout à fait déconfit. Marcel avait obtenu sans problème une note honorable pour son examen de mathématiques. Bon prince, il avait laissé monsieur Albert choisir une des photos en souvenir. De toutes façons les négatifs étaient en lieu sûr.
Il passa l'enveloppe à Jules et lui tapa dans le dos, en signe d'encouragement. L'examen de Jules fut bien plus court, et également couronné de succès.
Je suis entré sans peur dans le bureau, je savais ce qui m'attendait. Pourtant ce fut différent.
Il examinait soigneusement les deux photos. Dès que je fus assis, il me regarda longuement, en plissant ses yeux et en mordillant sa lèvre inférieure. Son regard allait des photos à mon visage. Il prit d'un air résigné son carnet de notes devant lui et me dit d'un air las :
"Comme c'est dommage ! … … Ou allez-vous en vacances ?"

Tout me poussait à dire non : de longues semaines de plaisirs divers avec les copains sur la côte atlantique, la joie de terminer cette première étape importante de mes études, le plaisir d'être enfin débarrassé de ce prof et de sa matière à laquelle je me sentais allergique, l'agrément de rencontrer les nouveaux amis de ma bande de copains.
Rien ne me poussait à dire oui. Rien, sauf ce petit quelque chose dans son regard qui ressemblait à un début de demande, sauf ce léger tremblement de ses mains ouvertes.

Je n'avais encore jamais été en Camargue. Albert a voulu me montrer ce beau pays, son pays. Nous sommes allés voir les étangs, les bords de mer, les Saintes Maries de la Mer, l'intérieur du pays avec ses nombreux élevages de chevaux. Nous profitions des matinées pour visiter les environs. Nous passions les après midi à nous reposer. La maison d'Albert était isolée. Nous n'avions pas de voisins immédiats. J'en profitais pour changer de vêtements. Géraldine m'avait préparé une grande valise que j'avais emportée. J'aimais me retirer dans ma chambre et choisir une tenue adaptée à mon humeur, au moment du jour, à ma fantaisie. Lorsqu'il me voyait revenir à la terrasse ombragée, Albert ne cachait pas son plaisir de me voir et de me détailler. Il se détendait et m'offrait un sourire particulier qu'il n'avait qu'à ces moments là. Son regard s'adoucissait. Il avait alors l'air de quelqu'un qui vient de faire un long voyage dans des pays peu hospitaliers et qui rentre enfin chez lui. Pour renouveler son plaisir et le mien, je changeais de tenue et de coiffure plusieurs fois de suite. Parfois, pour le taquiner un peu, je mettais le pull épais, le pantalon en toile rugueuse et les grosses chaussures en cuir que Géraldine avait prévus pour les jours de pluie et de temps plus frais. Pour me faire pardonner ma plaisanterie, je mettais ensuite une tenue avec nettement moins de tissus, avec beaucoup de dentelles, de rubans et d'étoffes transparentes.
Albert était ici fort différent du prof que j'avais connu. Il était doux et tendre, plein de patience et de compréhension.

Au bout de quelques jours, une fin d'après midi, il est allé chercher des cartons d'emballage. Il avait un air malicieux. Il m'a proposé de jouer avec lui. Je ne me suis pas méfié, j'ai accepté.

Il m'a proposé avec un sourire une jolie équation. Posément, en expliquant bien comment il s'y prenait, il en calcula les points remarquables. Je le regardais faire, amusé. Il me demanda alors de dessiner la courbe sur le grand carton. Cela je savais que je pouvais le faire. Il me regardait faire d'un air amusé. A deux, l'un tenant le carton, l'autre manipulant la paire de ciseaux, nous avons découpé le carton en suivant la courbe. Il posa le carton sur la table et me le fit tenir verticalement. Il prit alors en main une vieille latte en bois. Il fit glisser lentement la latte tout le long de la courbe. Il avait un air de gamin ravi qui lui était inhabituel mais qui lui allait très bien. Avec sa bouche, il imitait le bruit d'une moto ancienne. Il faisait varier la fréquence du moteur en fonction des montées et des descentes. De temps en temps, il simulait un raté d'allumage suivi d'un retour de flamme qui nous faisait rire tous les deux. Lorsqu'il arriva à la fin de la courbe, je trouvais dommage que ce soit déjà terminé. Il me proposa de jouer à mon tour. Je m'amusai encore plus en effectuant la manœuvre moi-même. Je la recommençai plusieurs fois. Il prit un air un peu plus sérieux pour m'expliquer que la latte figurait la tangente à la courbe. En un point quelconque de la courbe, cette latte était la dérivée de celle-ci pour ce point là. Il me fit remarquer que la dérivée pouvait être positive ou négative selon que la courbe montait ou descendait, et qu'elle était nulle lorsque la courbe passait par un maximum ou un minimum.

J'étais abasourdi. J'avais déjà entendu parler de la dérivée, sans y prêter trop attention, classant sans suite ce genre de machin dans un débarras de mon esprit encombré par un fatras de choses inutilement compliquées et dénuées d'intérêt. J'étais abasourdi car je venais de comprendre les dérivées. Et de plus cela me paraissait extraordinairement simple.

Le lendemain il m'a proposé un autre jeu avec du carton. J'ai découpé une belle latte. J'ai divisé sa longueur en deux parts égales. La moitié de gauche a elle aussi été divisée en deux. En poursuivant ainsi, j'ai confectionné une échelle logarithmique. En la prenant comme modèle, j'en ai confectionné une deuxième. En les faisant glisser l'une contre l'autre, nous avons joué tout un temps à multiplier et diviser des nombres en additionnant ou en soustrayant leurs logarithmes.
Ce grand jouet de gamin était une amusante machine à calculer, que j'avais beaucoup de plaisir à employer.
Il m'a aussi amusé en me faisant compter des séries de petits carrés sous des courbes dessinées sur du papier quadrillé, afin de comprendre enfin le calcul infinitésimal.

Il m'a appris le plaisir de comprendre. Je lui ai appris le plaisir de faire comprendre.

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J'ai revu Géraldine. Je l'ai revue souvent. Je l'ai revue très souvent.
Elle m'offrait sa complicité, son accord, sa force. Elle m'acceptait tel que j'étais et m'aidait à m'accepter moi-même tel que j'étais. Elle m'apportait vraiment beaucoup, sans rien exiger ou même simplement demander en échange.
Ce qui est formidable c'est qu'elle disait exactement la même chose de moi.

J'ai revu Albert quelquefois. Il m'a aidé dans la suite de mes études. Je suis devenu prof de mathématiques. Comme tous les profs, j'aime bien les bons élèves, ceux qui écoutent et qui travaillent bien.

Mais mes élèves préférés ce sont ceux qui croient qu'ils ne sont pas doués, ceux qui pensent qu'ils ne comprendront jamais rien aux mathématiques. Je leur propose une nouvelle chance. S'ils acceptent, je les prends à part et je leur explique à ma façon. J'ai toujours quelques cartons d'emballage au fond de ma classe. On entend alors des pétarades joyeuses.
Ma vieille motocyclette en a déjà remis plus d'un sur le bon chemin.


Récemment, j'ai reçu une lettre de lui. Il me disait qu'il allait bientôt terminer sa longue maladie. Avant de partir, il voulait évoquer ces moments de bonheur qu'il avait connus grâce à moi. C'étaient les seuls moments de ce genre qu'il avait connus dans sa vie sèche et poussiéreuse.
Il me disait merci.


Il m'a légué la latte en bois qu'il avait employée avec moi,
et qu'il avait gardée précieusement, tel un talisman.


Responsable du site : Lucie Sobek


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