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HOMMEFLEUR, le site pour les hommes qui aiment les femmes, au point de vouloir leur ressembler !

« », une petite histoire imaginée par divers

1 La Voisine Liz tvq@femmes.net 27-10-2004, 17:02 par Liz



Chapitre premier
Christine

Ce soir, je n’arrive pas à dormir. Sans doute à cause de la chaleur emprisonnée dans mon appartement. Je regarde par ma fenêtre. La nuit est claire. La lune bien ronde. Une légère brise soulève les feuilles mortes dans de petits tourbillons. Je jette un coup d’oeil rapide sur l’horloge. Il passe tout juste minuit. J’ai le goût de sortir dans cette nuit remplie de douceur, pour me rafraîchir un peu. Explorer la noirceur et ses mystères. Il y a, à deux pas de chez moi, un petit parc où j’aime bien me promener en fin d’après-midi mais, c’est la première fois que je m’y aventurerais la nuit. Je ressens une petite peur mais le goût de l’exploration nocturne m’attire et j'enfile un léger chandail avant de mettre le nez dehors. Lorsqu’on est femme, durant la nuit, l’extérieur nous fait toujours un peu peur. On ne sait jamais ce qui peut arriver. Souvent, on préfère ne pas sortir, par crainte de qui l’on pourrait rencontrer.

Mais ce soir, c’est trop invitant, trop doux. Je ne peux résister. Après tout, mes vêtements ne sont pas trop provoquants. Et je ne sors que pour quelques minutes. Je prend donc mon courage à deux mains. Mais après quelques pas dans la nuit, la crainte m’envahit de nouveau. Je ne devrais peut-être pas. Je devrais retourner à la maison, retourner au lit et attendre le sommeil. Sottises. Je ne suis qu’à deux pas de chez moi et je connais le quartier par coeur. Puis, il n’y a jamais rien qui se produit dans le coin. Depuis des années que j’y habite, c’est le calme plat. Tout le monde connaît tout le monde. Mais au fond, personne ne connaît vraiment personne.

Et la nuit est si paisible. Je tourne le coin de la rue. Voilà l’entrée du parc. Il n’y a personne dans les alentours. Tout va bien. Je fais quelques pas dans le parc avant de sentir une présence. À quelques arbres, dans le sentier, un peu dans l’ombre, j’aperçois la silhouette d’une personne, légèrement plus grande que moi, légèrement plus costaude. Tout de suite, je me sens menacé, sans défense. Voyons, on se calme. Cette personne semble s’être mise en retrait, comme si elle se cachait. Sans doute a-t-elle la même crainte que moi. Je continue tout doucement ma route, en tentant de garder une démarche naturelle. J’arrive bientôt à sa hauteur. Je serai enfin fixée. Nos regards se croisent. C’est une femme. Quel soulagement. Ses yeux ne me sont pas inconnus. Je laisse aller mon regard sur son apparence générale. Non, je ne la connais pas. Je crois bien qu’elle n’est pas du quartier. À moins qu’elle vienne tout juste d’aménager. Mentalement, je fais la liste de mes voisins. Personne ne parlait de déménagement récemment. Je m’informerai à Bruno dès demain, par curiosité.

Ma pensée retourne rapidement à cette nouvelle rencontre. Effectivement, elle est plus grande que moi. Ses yeux ont vraiment quelque chose de familier. Elle porte une robe fleurie, dans des tons de bleus. Une robe un peu démodée mais encore toute fraîche, comme si elle n’avait pas été portée souvent. Et je repense à ma réflexion d’auparavant sur ma façon de m’habiller afin de n’être pas trop provoquante. Je porte un vieux jeans défraîchi par l’usure. Sa jupe vole doucement au vent. Mon chandail me recouvre entièrement le cou alors que l’encolure de sa robe laisse découvrir un début de poitrine. Soudain, je me sens ridicule, hors saison dans ce chandail alors que je la sens profiter de la fraîcheur de la nuit. Je laisse échapper une légère salutation pour me mettre un peu à l’aise. Je l’entends se dérouer la voix, avant de me lancer un petit bonsoir. Sa voix sonne un peu faux, comme si elle était encore enrouée. J’entame un peu plus la conversation en parlant de la beauté de la nuit, mais je sens son malaise. Peut-être que je lui fais peur… Je décide donc de ne pas aller plus loin. Je la salue de nouveau et je poursuis mon chemin tout en déboutonnant un peu ma veste. Puis, je rentre chez moi en pensant à ma robe bleue qui aurait bien besoin d’un petit coup de fer.

Le lendemain matin, en sortant de la maison, je rencontre mon voisin sur le palier de la porte. Il est là, aux aguets, sur le qui vive, comme s’il soupçonnait un événement nucléaire. Serait-ce ma présence qui le rend ainsi. Pourtant, nous nous croisons presque tous les jours, chaque matin et chaque soir au retour du travail. Je le considère comme un ami. À l’occasion, il est même un confident. Bruno est un garçon fort joli. Mais il semble porter en lui un secret. Je sens que nous pourrions avoir une relation plus intime si ce n’était pas de ce petit quelque chose que je n’arrive pas à déchiffrer. Je préfère garder mes distances, de peur qu’un jour, tout m’éclate en plein visage et me fasse regretter mon geste.

Nous nous connaissons depuis plus de cinq ans; depuis le jour où il est devenu copropriétaire du duplex que j’habite. Il est très sympathique, quoique un peu timide. C’est vrai quoi, il n’a toujours pas de petite amie alors qu’il frise la trentaine. Je l’ai bien vu, à l’occasion, ramener une fille chez lui, mais elle ne revenait jamais. Il n’y a pas de gars non plus qui viennent, ce qui élimine son homosexualité. C’est drôle mais on se dit toujours que si un gars n’a pas de blonde, il doit être homosexuel. En plus, s’il est mignon, c’est sûr qu’il en est un. Mais je sais que Bruno n’est pas homo. On en a parlé une fois et il a tout de suite précisé que ce n’était pas son cas.

Et puis, il a bien le droit de vivre seul. Je le suis bien moi, et depuis tellement de temps. J’ai déjà été mariée, mais ça n’a duré que quelques années. Nous étions trop jeunes; nous connaissions si peu la vie. Heureusement, nous avions fait le choix d’attendre quelques temps avant d’avoir des enfants. Et nous nous sommes quittés, comme nous nous étions rencontrés, tout doucement. Sans nous blesser. Un peu comme si nous partions en voyage, chacun pour soi.

Mon regard se pose de nouveau sur mon voisin qui tente de rattraper un circulaire qui s’envole au vent.

- Bonjour Bruno. Ça va bien ce matin ?

Il se redresse alors brusquement et je sens un malaise s’installer en lui. Un malaise semblable à celui de la veille avec la dame du parc. Comme il ne répond pas, je poursuis simplement :

- Je me demandais si quelqu’un dans le voisinage serait déménagé dernièrement. Serais-tu au courant ?

Dès que ma question est posée, le malaise s’estompe, comme si Bruno était content du sujet de ma question. Il me répond qu’il n’a pas entendu parler de quoi que ce soit et poursuit la conversation en m’entraînant dans un nouveau sujet, comme pour faire oublier celui-ci. Puis, nous partons, chacun de notre côté, car le boulot nous attends.


Chapitre deuxième
Bruno

J’ai dû déménager à six reprises avant de trouver un quartier où je pourrais extérioriser cette deuxième identité qui sommeille en moi. Les autres quartiers étaient tous bruyants, le jour comme la nuit. On y retrouvait de la violence gratuite à tous les coins de rue. Tous ceux qui étaient un peu différent se faisaient bousculer ou attaquer. Ici, dans ce quartier, ce qui est bien c’est que la nuit, les gens dorment. Et moi, je sors.

Dès 11 heures du soir, les lumières s’éteignent et le calme surplombe le quartier tout entier. C’est à ce moment-là que j’enlève mon veston-cravate et que j’enfile une de mes robes. Ce soir, j’ai choisi la bleue. Celle avec des petites fleurs d’un bleu un peu plus pâle. Je trouve qu’elle me sied à merveille et qu’elle met en évidence le bleu de mes yeux. C’est avec plaisir que je rase les poils qui recouvrent mon visage et que j’y étends le tout nouveau fond de teint que je me suis procuré sur mon heure de dîner. J’ai dit à la caissière qu’il était pour ma petite amie. C’est pas tout à fait faux sauf que cette petite amie, c’est moi. J’ai bien essayé, à quelques reprises, d’avoir une vraie petite amie mais dès que ça devient sérieux, une peur bleue m’envahit. La peur que mon secret soit dévoilé. Et je déclare forfait. Un jour, peut-être trouverais-je cette personne à qui j’aurai le goût de tout raconter en espérant être accepté comme je suis. Il y a bien ma voisine, Christine, à qui je confis, à l’occasion, des petites mésaventures que je vis dans mon costume de mâle. Je l’aime bien cette fille. Elle sait m’écouter et elle me surprend parfois par son ouverture d’esprit. Je crois qu’elle est tellement bonne que pour elle, personne n’est méchant. Elle a un grand coeur et donne à tout ceux qui l’approche. En cinq ans, je ne l’ai jamais vu refuser de rendre un service. Jamais une excuse pour se défiler. Au contraire, elle se propose et contribue partout autour d’elle.

Je choisi un fard à paupière d’un des bleus de ma robe. Je pari que ma trousse de maquillage est mieux garnie que celle de bien des femmes de ma rue. J’adore le maquillage. Il me permet de camoufler mes traits masculins pour dévoiler un petit côté coquet; adoucir le bas de mon visage, rehausser mes pommettes et faire briller mon regard. Faut dire que j’ai une peau fine et délicate, ce qui facilite ma métamorphose.

Maintenant la perruque. J’en ai quatre modèles que j’alterne selon mon humeur. Aujourd’hui, je crois que je vais porter la blonde. J’adore quand ses boucles tombent doucement sur mes épaules.

Un dernier coup d’oeil. Je suis parfaite. Je sens la femme en moi. Celle qui voit la vie avec douceur. Je laisse de côté tous mes problèmes d’homme d’affaires, de patron qui se doit d’être sérieux et je profite enfin de la vie. Une vie de femme.

Je fais un pas à l’extérieur et je respire un grand coup. L’air est si doux. Fût un temps où il en était bien autrement. Au début, j’arrivais à peine à entrebâiller mon rideau de salon. Puis un jour, j’ai décidé qu’il était temps pour moi de mettre le nez à l’extérieur. J’ai pris la poignée de la porte entre mes doigts mais dès que j’ai aperçu mes oncles colorés de rouge, je me suis ravisée et je suis retournée à l’abri. Quelques mois plus tard, je me suis à nouveau décidée. Dans la même semaine, j’ai bravé ma galerie, j’ai bravé mon escalier et enfin, j’ai bravé mon trottoir. Ce fût quelques minutes extraordinaires. Le coeur voulait me sortir de la poitrine mais c’était si bon. Quel pas j’ai fait cette journée-là. Je pensais à ce qu’avait pu être les premiers pas sur la lune et je crois que mon entrée dans le monde en tant que femme fût aussi mémorable. À partir de ce moment, j’y suis retournée, presque chaque soir, sans me lasser. Comme si pour moi, une nouvelle vie venait de commencer. Ma vie de femme était devenue aussi importante que ma vie d’homme. Plus même. Grâce à elle, j’arrivais enfin à apprécier ce qui m’entourait, à explorer mon intérieur et à évaluer mes possibilités. Dans ma vie d’homme, je ne trouve jamais le temps de m’intérioriser. C’est la course folle; à qui arrivera le premier au but. Mais dès que tu touches le but, un autre but se dresse devant toi… et ça recommence.

Je me dirige tout doucement vers le petit parc du quartier. Heureusement, je rencontre que très rarement des gens et ce sont toujours des inconnus. Étant très timide dans ma vie d’homme, je n’ai pas l’habitude de me faire connaître à tous et chacun. Je garde un certain écart et ça me plaît ainsi.

La nuit est très belle. La lune éclaire mes pas. Une légère brise soulève le coin de ma robe. J’adore. Avec mes talons-aiguilles, la rocaille qui recouvre les sentiers du parc me donne un peu de difficulté à garder mon équilibre. Il faut dire que ce n’est pas le soulier idéal pour marcher dans la nature mais c’est tellement plus féminin. Je marche un peu plus sur la pointe des pieds pour éviter que mes talons s’enfoncent. Avec le temps, on fini par trouver des petits trucs afin de garder une démarche élégante malgré les embûches.

J’arriverai bientôt au petit banc où j’ai pris l’habitude de m’asseoir pour réfléchir. Je crois que je viens d’entendre un bruit derrière moi. Je suspends mon pas afin de mieux écouter. Inconsciemment, je me cache derrière un arbre comme pour me protéger. J’aperçois alors une personne qui vient dans ma direction. Je trouve soudainement ma réaction un peu grotesque mais il est trop tard pour me raviser. Elle passera devant moi dans quelques secondes. Je reconnais cette démarche; c’est celle de Christine, ma voisine. Qu’est-ce que je fais? Elle va sûrement me reconnaître. Qu’est-ce que je lui dis? Les idées courent dans ma tête. Je n’arrive pas à les rattraper. Ça y est, elle est là. Elle ralentie son pas. Je me sens prise au piège. Presque ridicule. Je savais pourtant qu’un jour, ça se produirait, que je serais mise à nue, mais pas encore, pas aujourd’hui. Je ne suis pas prête. Elle me regarde de la tête aux pieds. Ai-je oublié quelque chose, un détail qui l’a mettrait sur la piste. Je sens un malaise. Le temps s’est comme arrêté. Chaque seconde semble une éternité. Elle met trop de temps à réagir. Son hésitation ne me dit rien de bon. Elle m’a reconnu, c’est certain. Elle va parler. Mais Christine, ne parle pas. Elle dit rien. Je sais, j’aurais dû te mettre au parfum. Mon Dieu que cette expression semble empreinte de féminité. Depuis le temps qu’on se connaît, tu m’aurais sûrement comprise. Attends, laisse-moi t’expliquer… Mais son simple « salut » me laisse bouche bée. J’arrive à peine à respirer.

Incroyable, elle ne sait pas qui je suis. Ou bien elle le sait mais préfère ne rien dire. Je dois lui répondre. Je reprends mon souffle, je me déroue un peu la gorge et je laisse glisser un léger bonsoir. Ayoye! Avec tout cet énervement, j’avais oubliée ma voix; cette voix beaucoup trop grave. J’ai pourtant travaillé des heures et des heures devant mon miroir afin de l’élever d’un ton. Mais cette voix reste un problème majeur. Une voix de baryton dans des vêtements de femme. Rien de bien féminin.

Christine a un léger sursaut mais elle n’en fait pas de cas. La voilà qui me parle de la température alors que j’arrive à peine à capter ses paroles au travers de mes battements de coeur. Je reconnais bien là Christine. Toujours prête à se lier d’amitié avec tous ceux qu’elle rencontre. Je ne peux quand même pas lui parler davantage. Dans ce cas, aussi bien lui dire qui je suis. Christine, coucou! C’est moi, Bruno! Tu sais, Bruno, ton voisin… Qu’est-ce que je fais??? Je me sauve??? Avec ces souliers… Non! Je reste mais je ne réponds pas. Heureusement, elle n’insiste pas. Elle me salue de nouveau et poursuit sa route. Ouf! Assez d’émotions pour aujourd’hui. Je retourne à la maison en recherchant mon calme.

En me réveillant, ce matin, j’ai pris une grande décision. Je vais me préparer mentalement à tout expliquer à Christine. D’ici quelques mois, j’aurai peut-être une amie avec qui parler au féminin. Je me sens si seule dans cette vie de femme. On s’échangera des trucs. S’il y a quelqu’un dans le monde qui peut me comprendre, c’est bien Christine. Bientôt, j’aurai trouvé les mots justes pour ne pas la brusquer, pour lui expliquer doucement, à son rythme. À mon rythme. Et si elle refusait… si je perdais son amitié… À quoi bon être négatif, on verra dans le temps comme dans le temps.


Chapitre troisième
Le secret

En ouvrant les yeux au petit matin, Christine sentit immédiatement que cette journée serait pour elle bien spéciale. Pourtant, elle se déroula comme bien d’autres; prise dans le train-train quotidien d’un travail qui ressemblait davantage à de la routine qu’à une expérience exceptionnelle. Elle chercha autour d’elle si un événement ne lui avait pas échappé.

En rentrant à la maison en fin de journée, elle conclu que le sentiment du matin devait être un signe de bien-être qu’elle aurait mal interprété. La soirée se passa tout doucement, sans grandes surprises non plus. Vers les onze heures trente, elle se rappela son escapade de l’autre soir dans le parc et décida de tenter à nouveau l’expérience. Se souvenant aussi de la rencontre faite à ce moment-là, elle eu soudainement le goût de revêtir une robe et d’appliquer un peu de maquillage. Elle se dit que la dame rencontrée dans le parc avait semblé profiter pleinement de la douceur de la nuit et elle voulait à son tour, retrouver un soupçon de féminité en elle.

Elle sortit sa robe moulante de sa garde-robe mais jugea qu’elle ne convenait pas du tout et la remit en place. Elle chercha alors sa robe bleue mais se rappela l’avoir laissé chez le nettoyeur quelques jours plus tôt. Puis, ses yeux tombèrent sur un étui contenant une robe blanche qu’elle n’avait pas sorti depuis plus d’un an. Elle l’enfila en vitesse et se retourna vers son miroir. Elle la trouva magnifique et se rappela la joie qu’elle avait éprouvé au moment de son achat. La robe avait un décolleté en forme de coeur, légèrement plongeant et sa jupe était ample à la base. Elle lui donnait un petit air de bonne famille qui la fit sourire. Christine s’assied à sa coiffeuse pour appliquer un léger maquillage; juste suffisamment pour rehausser ses pommettes, ses yeux et ses lèvres.

Christine était loin de se douter qu’au même moment, à quelques mètres de là, de l’autre côté du mur mitoyen, une autre femme posait les même gestes qu'elle. Bruno avait passé la journée à réfléchir sur la meilleure façon d’informer Christine sur sa deuxième personnalité. Il ne voulait surtout pas la bousculer. Il aurait aimé que tout ce passe dans la douceur, une douceur dont seul son côté féminin était capable. Il avait abordé plusieurs scénarios sans toutefois mettre le doigt sur celui convenait vraiment.

Croyant mieux alimenter sa réflexion, il avait revêtu la même robe qu’il portait le soir où il avait rencontré Christine dans le parc. Elle était devenue pour lui une robe fétiche, comme si elle dégageait un pouvoir, une force qui l’aiderait à trouver la solution idéale. Peu à peu, il ressentait un réconfort en lui. Tout son être laissait maintenant place à cette femme qu’il désirait être. Ses gestes étaient plus gracieux. Sa façon de penser se transformait elle aussi; comme si le fait de devenir femme le rapprochait de l’éternel. Il mit en cause cet état de bien-être que seule une transformation lui permettait d’acquérir. Et il devenait elle avec tant de facilité qu’il en était parfois surpris lui-même. Elle sorti sa trousse de maquillage du placard où elle cachait tous ces trésors et commença par se rosir les joues. Ces gestes étaient devenues tellement naturels, qu’elle n’avait plus à y penser et pouvait se consacrer entièrement à des réflexions sur sa vie.

Elle s’était souvent interrogée sur sa véritable personnalité. Vivre son enfance au masculin, jouer aux cow-boys et aux voleurs, aux camions et au hockey, avaient toujours représenté pour lui des tracas de la vie où il ne retirait aucun plaisir. Comme s’il s’obligeait à accomplir des gestes qui n’étaient, somme toute, pas dans sa nature. Comme si naître homme avait été en fait qu’une énorme erreur. Son tourment s’était apaisé un peu lorsqu’il avait commencé à revêtir des vêtements féminins. Immédiatement, il en avait retiré une joie profonde.

Et c’est ce qu’elle éprouvait maintenant. Elle contrôlait à peine l’excitation que lui procurait cette métamorphose. Vivre enfin des moments de la journée pleinement, sans façade. Sentir la vie envahir son être tout entier. Renaître. C’était bien cela que lui apportait sa vie de femme, une renaissance. Chaque matin, lorsqu’il partait pour le travail, il se sentait un peu mort, un peu décroché de la vie. Et chaque soir lorsqu’elle mettait une robe, lorsqu’elle se maquillait, elle reprenait goût à la vie.

Pour compléter son maquillage, elle sorti un crayon et traça adroitement un trait sur chacune de ses paupières inférieures. Puis elle entreprit sa marche vers le parc d’un pas enjoué. Comme elle aurait aimé partager sa vie avec Christine. Sa voisine était le portrait d’une vie pleinement réussie. Dès la première rencontre, elle avait prit une place importante dans sa vie. Elle communiquait si facilement sa joie de vivre qu’on arrivait à se demander si elle n’avait jamais été malheureuse. Elle ne laissait personne indifférent. Elle ressemblait tellement au bonheur. Un bonheur que Bruno ne pouvait s’empêcher d’espérer dans sa propre vie.

Christine était maintenant à l’extérieur. Ses pensées vagabondaient d’une idée à l’autre, si bien qu’elle se retrouva à l’entrée du parc sans avoir eu connaissance du chemin qu’elle venait de parcourir. C’est à ce moment qu’elle ressenti un sentiment de liberté, comme si le monde lui appartenait. Elle se dirigea lentement vers le banc où elle avait croisé la dame quelques jours plus tôt, lorsqu’elle s’aperçut qu’il était déjà occupé. Elle reconnu immédiatement la dame car elle portait encore la même robe fleurie. Par contre, elle semblait avoir quelque chose de différent. Elle ne vit pas tout de suite que la dame avait troqué ses cheveux blonds pour une magnifique chevelure rousse qui mettait son teint en valeur.

- Bonsoir, dit-elle en prenant place auprès de la dame.

Bruno resta bouche bée. Il n’avait de yeux que pour cette femme splendide qui venait de le saluer et qui lui était pourtant bien connu. Spontanément, il lança un « Tu es superbe » et tenta de se raviser mais il était déjà trop tard. Christine le regarda dans les yeux pour découvrir ce que cachait cette phrase. Et le déclic se fit instantanément. Ces yeux étaient bien évidemment ceux de Bruno. Elle ne savait plus comment réagir. Les idées s’entrechoquaient dans sa tête. Elle s’expliquait maintenant des tonnes d’interrogations qu’elle avait depuis sa première rencontre avec Bruno. Elle prit conscience qu’elle venait de découvrir le secret de Bruno. Un secret qu’elle n’avait même pas soupçonné au cours de toutes ces années.

Et son geste fût bien simple. Tout naturellement, sans la moindre hésitation, elle lui prit doucement la main et lui fit un sourire. Et ils restèrent ainsi, sans parler, pendant un très long moment, profitant de chaque seconde comme on profite d’une bouchée d’air frais en pleine chaleur. Ils comprirent alors que les secrets valent parfois la peine d’être révélés.


Responsable du site : Lucie Sobek


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