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« », une petite histoire imaginée par alcina

L’école des filles (Petticoat Punishment 1) alcina 28-10-2008, 14:05 Dominique vivait à Aurillac. Il était alors âgé de 13 ans. C’était un garçon frêle et malgré sa stature, ou à cause d’elle, fort agité. Il était blond et mesurait un mètre quarante, près de dix centimètres de moins que les garçons de son âge. Orphelin de père depuis cinq ans, il n’avait connu aucune autorité paternelle. Sa mère, timide et faible caractériellement, n’avait de fait jamais réussi à asseoir son autorité sur lui. Or Dominique compensait sa faiblesse physique par sa hardiesse. Il était en plus servi par rapport à ses camarades de classe par le fait qu’il avait pris deux solides années de retard à l’école. Il était donc en 6e à 13 ans alors qu’il aurait dû être en quatrième s’il avait suivi le cursus de la plupart des enfants. Pas inintelligent, en vérité, mais cancre, qualité appuyée sur une répulsion très sincère et parfaitement opiniâtre pour le travail. Et comme beaucoup de cancres, il s’en faisait gloire. Ce retard n’avait pas que des inconvénients, car, bien que chétif, il était à peu près en harmonie de taille avec sa classe. Cette posture de cancre, son apparence de gringalet avaient habitué Dominique à surcompenser celle-ci par du leadership. Il s’était agrégé une petite bande de mauvais élèves qui étaient ses cadets et qu’il entraînait dans de menus larcins. Il avait été pris en flagrant délit à trois reprises depuis le début de l’année scolaire, donc en deux mois. La mère de Dominique fut convoquée, un lundi matin, au commissariat.
Le commissaire la reçut en compagnie de l’assistante sociale :
- Madame, j’ai le regret de vous dire que nous ne pouvons plus tolérer les débordements de votre fils. Non seulement, une visite et demi par mois au commissariat pour un garçon de 13 ans, cela fait beaucoup, mais il y a plus grave. Les parents des garçons que, paraît-il, il entraîne dans ses mauvaises actions portent plainte contre vous.
L’assistante sociale intervint :
- Vous risquez que le juge vous retire la garde de l’enfant et le confie à une institution spécialisée. Je ne le souhaite pas. Notre enquête montre que vous êtes une bonne mère. Vous avez perdu toute autorité. Cela arrive. Et je suis consciente que le courant n’est pas facile à remonter.
Le commissaire reprit la parole.
- Pour cette fois-ci, je pense pouvoir faire retirer les plaintes en garantissant que les exactions de votre fils ne se reproduiront pas. Mais à la prochaine incartade, le dossier va au parquet et au juge des enfants. Je ne pourrai plus rien. Il ne doit donc pas y avoir de prochaine fois. Est-ce clair ? J’ai encore sermonné votre fils. Les précédentes fois, je l’avais déjà fait. Sans résultat. Que comptez-vous faire pour rectifier sa conduite ?
- Je ne sais pas.
- Avez-vous un compagnon qui puisse reprendre de l’autorité sur lui.
- Non, je vis seule avec cet enfant.
- Des parents à qui le confier, ses grands-parents ?
- Non, je n’ai plus que ma sœur.
- A-t-elle de l’autorité ?
- Oh, pour ça oui !
- Où vit-elle ?
- Près de Paris. A Neuilly.
- Alors, Madame, il n’y a pas à hésiter. Si elle le veut bien, confiez-lui Dominique. Cette solution présente un double avantage. Il va se trouver confronté à une autorité. Et, en plus, si cela ne marche pas et qu’il commet de nouveaux larcins, il bénéficiera d’une période de tolérance. Ainsi, retrouvera-t-il - brièvement - un droit à l’erreur.
- Ne peut-on attendre la fin de l’année scolaire ? Elle commence à peine.
- Hors de question, il y a urgence. Un nouveau vol et on vous le retire administrativement. Croyez-moi, la solution de votre sœur est la meilleure.
L’assistante sociale :
- Au contraire, il vaut mieux qu’il change de lycée dès maintenant. Je me suis renseignée. Il va passer en conseil de discipline. Il risque de toute façon l’exclusion.

Le soir même, la mère de Dominique téléphona à sa sœur. Elle lui expédia le livret scolaire de Dominique, pour lui trouver un nouvel établissement, et le garçon suivrait dès le vendredi suivant.

Dominique connaissait à peine sa tante. La dernière fois, qu’il l’avait vue, c’était à l’enterrement de son père, cinq ans plus tôt. Il en avait gardé peu de souvenir, pas plus que de sa cousine. Il savait seulement qu’elle était un an plus jeune que lui. L’idée de cohabiter avec une cousine ne lui déplaisait a priori pas. De toute façon, il avait pris conscience que la situation devenait intenable. Pour exister comme chef de bande, il fallait qu’il en fît toujours plus. Et il avait bien compris que, cette fois-ci, le commissaire ne plaisantait pas. Donc, il se résigna à tenter un nouveau départ chez sa tante.

Gare d’Austerlitz, sa tante l’attendait avec un petit écriteau « Dominique ». Il savait qu’elles seraient deux : sa tante et sa cousine. Il chercha du regard, vit l’écriteau. S’approchant, il regarda d’abord la tante. C’était une maîtresse femme, cela il le savait, mais elle avait la stature de l’emploi, grande, le visage énergique. Elle portait un austère tailleur noir. La cousine était plutôt jolie avec ses grands cheveux blonds. Elle était en jean et scrutait la foule avec impatience, le regard fixé au-dessus de la tête de Dominique. Elle était tout aussi impatiente de découvrir le cousin.

Quand il arriva à leur hauteur, sa tante se pencha pour l’embrasser, et il dut se soulever sur la pointe des pieds pour embrasser sa cousine. Elle avait bien cinq centimètres de plus que lui. Il était perplexe : elle avait pourtant bien un an de moins que lui. Quant à la cousine en abaissant ses yeux sur lui, elle se dit : nabot le petit cousin mais mignon ! La tante était veuve d’un industriel du Nord de la France. Elle vivait dans un petit hôtel particulier, avenue Victor Hugo. Nous étions en 1955 et Neuilly était encore constellé d’hôtels particuliers construits, à la fin du XIXe siècle, au temps où Neuilly était à la campagne.

La tante était une femme glaciale. Pour une fois elle conduisait elle-même sa grosse voiture. Elle se concentrait sur la conduite de sa massive Bentley noire. La cousine, plus disponible, le questionnait beaucoup. Il essayait lui-même d’entrevoir le programme du week-end.

Arrivés à Neuilly, la cousine ouvrit la grille du jardin et tante Julie gara la voiture devant les marches du perron de l’hôtel. Agathe, la cousine prit en main Dominique et lui fit visiter la maison. Elle lui montra enfin la chambre qui lui avait été assignée. C’était une vaste chambre impersonnelle. La salle de bain était commune à la chambre d’Agathe et à la sienne. Puis Agathe laissa Dominique seul.

Cinq minutes plus tard, Agathe réapparut et entra sans frapper. Elle vint lui demander quand il aurait fini de défaire ses bagages. Il fit observer en maugréant qu’on n’était pas aux pièces. Dès qu’elle fut sortie de la chambre, il tourna la clé pour n’être plus dérangé. Il eut cinq minutes de paix. Puis le bouton de la porte tourna, mais Agathe ne put ouvrir. Elle frappa rageusement.

Il finit par ouvrir.

A peine entrée, elle se retourna et prit la clé, la montra à Dominique et lui dit :
- Confisquée.
- Tu n’es pas bien. Dans cette chambre je suis chez moi et je fais ce que je veux.
- Oh ! dès que vous êtes seuls, vous les garçons, on sait ce que vous faites !
- Qu’est-ce que c’est que ces conneries et qu’est-ce qu’on fait ?
- Vous vous machinez avec votre truc.
- Non mais tu déconnes complètement et de quoi te mêles-tu ? Bon, maintenant assez rigolé donne cette clé.
- Non, viens la chercher.
- Tu l’auras voulu…

Dominique s’avança menaçant. Agathe jeta la clé sur le côté. Puis au moment, où il était sur elle, elle attrapa sa veste par les revers, le déséquilibra et lui faucha la jambe. Il tomba. Elle suivit son mouvement et pratiqua ce qu’on appelait en judo, à l’époque, le premier étranglement. Elle serra. Il suffoquait.
- Si tu veux que j’arrête donne deux coups sur mon bras avec le plat de ta main.
Il essaya de tenir, puis donna les deux coups. Elle desserra légèrement.
- Mon petit, il va falloir mettre les choses au point. Tu es chez moi et tu fais ce que je veux. Compris ? Sinon tu vas recevoir encore quelques leçons.
Dominique se releva tout rouge. Il laissa la clé de côté, espérant qu’elle l’oublierait. Pas du tout elle se dirigea vers la clé et se pencha pour la ramasser, Dominique lui sauta dessus et la projeta à terre, cette fois-ci sans difficulté.
Agathe fit semblant de pleurer. Il hurla :
- Salle pisseuse, tu vas voir à qui tu as à affaire !

Il entendit derrière lui, un froid :
- Vraiment ? Puis-je savoir pourquoi tu fais pleurer ta cousine ?

Tante Julie, les jambes écartées, sa jupe droite bien tendue, se tenait les mains sur les hanches. Elle reprit :
- Nous avons besoin d’une petite explication, tu vas me suivre dans mon bureau.
Quand ils arrivèrent dans le bureau, Julie prit une cravache et asséna trois coups cinglants sur les mollets nus (à l’époque les culottes courtes se portaient jusqu’à treize ans). Dominique eut envie de hurler, mais il se contint. La tante commenta :
- Tu as raison de ne pas résister et de ne pas hurler, car tu n’aurais fait qu’aggraver ton cas. Si tu as envie de pleurer, pleure. Il faut que tu comprennes que les choses ont changé. Ta mère m’a raconté tes inconduites. Elle a toujours été une femme faible. Tu en as abusé. Qu’il soit bien clair que c’est fini. J’ai été fâcheusement impressionnée par la scène de tout à l’heure avec ta cousine. Tu ne penses tout de même pas que je vais te laisser la maltraiter.
- Mais…
Puis il se ravisa, s’il lui disait la vérité, elle ne le croirait pas et, en plus, si elle le croyait, il serait ridicule d’avoir eu le dessous.
- Mais ? Bon, je préfère, je n’aime pas les objections. Nous allons changer de méthode. D’abord, je veux des tenues vestimentaires convenables. Nous allons chercher les vêtements appropriés. J’ai été obligée, compte tenu de tes résultats scolaires lamentables de trouver une école privée. Très cher, je te le signale au passage. Mais elle applique les vieilles méthodes anglaises qui ont fait leur preuve. Et je ne désespère pas qu’on fasse de toi quelque chose. Déjà il faut commencer par l’uniforme.

Dominique accompagné de sa tante et de sa cousine reprirent la Bentley noire et s’arrêtèrent place du Marché devant une grande boutique avec plein d’uniformes en vitrine. Une vendeuse s’avança, tante Julie s’expliqua :
- C’est pour Monsieur qui entre à Saint-James College. J’ai demandé un uniforme à peu près à sa taille.
La vendeuse lui fit un sourire de connivence.
Ils se dirigèrent vers un salon particulier.
- Comme vous nous l’avez demandé, nous avons fait deux uniformes complets. Les voici. Si Monsieur veut bien les essayer.
D’abord la culotte courte à revers. C’est une culotte courte de flanelle grise. Dominique l’essaya, mais observa une chose curieuse, il n’y avait pas de braguette, mais une fermeture sur le côté. Sa tante, sèchement :
- C’est la tenue normale de Saint-James ! Maintenant la chemise !

Elle comportait un col rond un liseré bleu brodé. Mais surtout des manches courtes bouffantes, des manches ballons, s’arrêtant au-dessus du coude. Une veste bleue qui recouvrait heureusement la culotte. S’ajoutaient des chaussures Marie-Jeanne à bout rond et qui se fermaient par une languette transversale sur le haut du pied avec un bouton pression.
- Mais ce sont des chaussures de fille…
- Pas du tout, c’est l’uniforme.
Enfin un manteau croisé à trois boutons très cintré et avec un pli plat dans le dos et des revers de col en velours. Il était suffisamment long pour passer pour une robe s’il était fermé. Un chapeau rond qui s’enfonçait sur la tête. Chaussettes blanches au-dessus de la cheville.
Machinalement, Dominique chercha à mettre ses mains dans ses poches. La culotte n’en avait pas. La veste non plus, c’étaient de fausses poches, des abattants cousus à même la veste.
- Mais ils sont fous, il n’y a pas de poches.
Sa tante lui tendit un sac transparent avec une longue sangle pour le porter sur l’épaule, il fermait avec une lanière et ressemblait à un sac de plage. Mais pour femmes.
- C’est bien plus pratique. Et sans poche, on n’a pas la tentation de voler. Vois-tu ce que je veux dire ? Et tu vois ton sac ne te permet plus de dissimuler tes larcins. J’ai ainsi pensé te rendre service. Tu vois ce sac est juste assez grand pour y mettre des affaires de classes.
Dominique était interloqué. Le coup des poches il n’y aurait pas pensé. Mais la braguette, pourquoi ? La tante agacée :
- Pour éviter les vilaines tentations !
Décidément la tante comme la cousine étaient vraiment des obsédées ! Quand ils furent revenus, il essaya son uniforme devant la glace. Cela allait à peu près s’il ne mettait pas le manteau.

Le surlendemain, il fit son entrée au collège Saint-James. On le conduisit à la classe de sixième. Il suscita la curiosité due au « nouveau ». Il alla à sa place, seul, au premier rang. Attention de la tante ? A l’issue de la première moitié de la matinée, récréation. Les élèves se précipitèrent dans la cour. Dominique observa avec consternation que ses copains avaient des braguettes et qu’ils avaient tous des cravates et qu’il était seul à porter un col Claudine. Il garda donc sa veste bien serrée pour ne pas montrer sa culotte courte et son corsage. Puis un de ses copains s’approcha avec deux autres types. Pas arrogants du tout.
- Alors, il paraît que tu es là parce que tu es un déconneur.
Dominique prit l’air modeste. La discussion s’engageait sur un excellent terrain. Il raconta une sélection de ses exploits devant un public médusé.
Puis un de ses camarades, plus observateur :
- Dis donc ta veste elle est bizarre !
- Quoi bizarre ?
- Elle ne se ferme pas du même côté que les nôtres.
Il ne s’était pas avisé de cela. Bon Dieu, quel tour la tante Julie lui avait-elle encore joué.
On passa à autre chose. Un gosse lui dit :
- Tu es bon aux billes ?
- Je me défends.
- Tu as un cal d’ac [un calot d’acier, grosse bille métallique] ?
- Non pas sur moi.
- Tu déconnes, t’es tout de même pas venu sans tes billes ?
- Si.
Incrédule le gosse mit la main dans la poche de Dominique.
- Mais regarde tes poches sont cousues. T’as pas de poches !
Les copains se rapprochèrent intrigués, l’un chercha dans l’autre poche. Comme il ne trouva rien, il souleva la veste pour chercher dans la poche de la culotte courte.
- T’as pas non plus de poche de pantalon.

Il écarta la veste et tout le monde vit qu’il n’avait pas non plus de braguette. La situation se gâtait à grande vitesse. Le groupe se grossissait à chaque instant de nouveaux curieux. Chacun voulait faire sa découverte, on tira donc sur la veste qui dégagea les épaules découvrant les manches ballons de son corsage. Eclat de rire. Les deux types achevèrent de retirer la veste. Apparut alors la culotte avec sa fermeture éclair sur le côté.
- Ben, je ne sais pas si tu nous as dit la vérité sur tes exploits. Mais on peut dire que tu as changé ! Tu n’es pas vrai ! t’es une Sissie !
Dominique avait attrapé son surnom. Il resta prostré toute la journée. Au bout d’un moment, ses copains pensèrent à autre chose, sans l’oublier pour autant.

Sa tante avait choisi ce costume sur le conseil du directeur, adepte du Petticoat Punisment (littéralement punition par le jupon : qu’on pourrait traduire par travestissement de redressement). Les Anglais avaient quasiment un modèle déposé. Le stade 1 était le costume inspiré du petit lord Fonleroy, une sorte de costume marin avec des fanfreluches et pratiqué au XIXe et au début du XXe. Depuis c’était devenu une sorte de costume stigmatisant qui rendait les garçons effrontés efféminés pour les redresser, d’où le surnom de Sissy (poule mouillée) qui leur était donné. Nom symptomatique des idées reçues du temps sur les femmes. Il est certain que le costume devait rendre les garçons qui le revêtaient moins entreprenants. Un film [dont j’ai oublié le nom, si quelqu’un le connaît, je serais ravie de le retrouver] montrait un garçon de famille huppé obligé jusqu’à sept ou huit ans de porter des cheveux longs avec des nœuds dans les cheveux, une jupe plissée, des collants, etc. L’infortuné s’aventurait avec une petite voiture à cheval dans un quartier populaire. Quolibets, jets de pierre, il était obligé de forcer le passage avec une mâle assurance. Evidemment la situation du malheureux n’était pas facile à gérer. Surprise mutuelle amplifiée par les effets de la coupure entre l’aristocratie britannique au XIXe siècle et ceux que Wilde appelait ironiquement les gens des « basses classes ». Les enfants du peuple ne concevaient pas qu’on pût habiller un garçon en fille. Mais l’enfant de l’aristocratie n’imaginait pas vraiment qu’on pût s’en étonner. Toujours est-il que le costume de Dominique était une adaptation de ce costume traditionnel. Il devait rappeler celui des autres élèves tout en stigmatisant celui qui le portait. Stade 2 ce pouvait d’être d’habiller en fille le garçon qu’on voulait redresser. L’humiliation était réputée avoir des vertus salvatrices. Stade 3 : advienne que pourra. Ce costume du stade 1 était un peu différent des autres, mais ce déguisement devait être interprété par la victime comme un premier et sérieux avertissement. Cela suffisait à perdre de réputation le délinquant et donc à le ramener à une modestie de bon aloi. Le supérieur du Collège Saint-James mettait la finance bien au-dessus de la pédagogie. Et si la tante lui avait demandé en le payant bien de couper une main à un jeune voleur, il l’aurait sectionnée et aurait compté ses écus. Au vrai, ce qui lui importait le plus, c’était bien la solvabilité de tante Julie.

Quand Dominique revint à la maison (heureusement, il n’avait pas eu à porter le manteau), sa tante lui réservait une surprise. C’était une petite culotte de latex, très moulante qui rendait sa jeune masculinité invisible en la faisant passer entre ses jambes. Des agrafes permettaient de l’ouvrir précisément entre les jambes, pour ses besoins. Mais en revanche, il ne pouvait retirer la culotte de latex sans une sorte de clé détenue par tante Julie. On lui dit qu’on voulait surveiller d’éventuels débordements d’adolescents. De plus, elle avait à l’endroit approprié une forme en mont de Vénus qui, sous une petite culotte ou un pantalon moulant, pouvait lui donner toutes les apparences de l’indécence. Le reste qui avait l’apparence extérieure et la consistance d’un sexe féminin était en quelque sorte gravé sur la partie amovible de l’outil. Voici tout pour ces horribles détails.

Le lendemain, Dominique eut un nouveau triomphe. Une excursion en car était prévue en forêt de Rambouillet. Le car s’arrêta et le prêtre qui accompagnait les deux classes de sixième cria :
- Arrêt pipi.

C’était un rituel et tout le monde s’alignait devant un mur. Or, Dominique s’en était aussitôt aperçu, il ne pouvait en aucun cas, en raison de la ceinture de chasteté faire comme les autres. Dominique dut aller s’accroupir derrière un buisson. Le fait n’échappa à personne. Il eut, au retour du buisson, la véritable ovation que méritait sa singularité. En plus, la deuxième classe de sixième du collège, véhiculée dans le car qui suivait, avait été prise à témoin des singularités de la Sissie, ce qui ne contribua pas peu à son triomphe !

Dominique, laissé seul par ses camarades, réfléchit pendant le voyage à la situation. Il était mal parti. Il fallait retourner le cours des choses. Rien, aucune idée. Dominique vécut ainsi quinze jours, isolé, moqué s’il se manifestait.

Régulièrement, les élèves recevaient des cailloux, jetés au dessus du mur par les élèves du Lycée Pasteur, lycée voisin qui entretenait une tradition d’inimitié avec le collège Saint-James. Dominique avait observé ce manège. Il était seul à la récréation quand il s’avisa que la clef de la porte qui donnait sur la rue était restée dans la serrure. Il la vola. Heureusement qu’il avait amené quelques pièces de monnaie qui formaient toutes ses économies, il investit tout son capital dans un double de la clef. Le lendemain, il avait remis l’original sur la porte. Il occupa alors ses récréations à ramasser les branches qui étaient tombées des marronniers et en fit un tas qui s’accumula à proximité de la porte. Puis il élagua ces branches en taillant l’extrémité en pointe. Le prêtre qui surveillait la récréation, observait Dominique. Il était méditatif : ce garçon qui au lieu de jouer avec les autres s’occupait à nettoyer la cour n’était dans le fond peut-être pas un bien mauvais sujet... Il se demandait s’il ne faudrait pas assouplir le régime. Il en parla au supérieur.

Un après-midi, les pierres pleuvaient plus dru que d’habitude depuis la rue. Dominique regarda si la cour était surveillée par un pion ou un prêtre. Personne. Il fit signe à ses camarades de venir. Il sortit sa clé, ouvrit la porte, prit une des branches taillées en épée qu’il avait accumulées et courut sus aux garçons du lycée Pasteur. Ses camarades suivirent après avoir pris les autres branches. Débandade de l’agresseur. L’échauffourée dura trois minutes au plus. Mais elle fut chaude, la défaite de l’adversaire complète.
Les combattants aussitôt de retour n’avaient même pas été pris en flagrant délit. La cote de Dominique avait soudain atteint son acmé. Le rouquin qui lui avait donné son surnom de Sissie vint et lui serra chaleureusement la main.
- Bravo mon pote, au fait quel est ton vrai nom ?
Tous les autres vinrent lui serrer la louche comme pour s’excuser. Dominique, grâce à ce coup de maître, avait remonté la pente. Dominique entendit le rouquin dire à ses copains :
- Dans le fond si ses vioques sont assez tarés pour l’obliger à s’habiller comme ça, c’est pas de sa faute.

Dominique retrouvait son statut de caïd. Mais voilà ! le lendemain, le supérieur de Saint-James reçut la visite de plusieurs parents d’élèves du Lycée Pasteur qui présentaient la note des habits déchirés et même d’un médecin pour deux points de suture. Enquête. Un lécheur finit par donner le nom de Dominique. Le prêtre qui surveillait la récréation se rappela la collecte des branches. On fouilla le sac à lanière transparent de Dominique on y trouva le double de la clé. Tante Julie fut convoquée. Elle négocia que Dominique ne serait pas renvoyé, à condition qu’il subisse un traitement sévère :
- Madame, face à ce genre de garnements, je ne connais que les méthodes éprouvées le stade 2 du Petticoat Punishment.

Le soir même, tante Julie prit à nouveau Dominique dans son cabinet. Elle commença par une séance de flagellations. Puis suivit un discours :
- Mon enfant, je te corrige pour ton bien. Je sens que tu veux jouer les coriaces. Eh bien ! tu verras que tu céderas. Je m’occupe de toi dès vendredi à ta sortie du collège.

Le samedi suivant la Bentley noire attendait en effet Dominique. Agathe et sa mère étaient à l’arrière. Cette fois-ci, le chauffeur était de service et tout fut plus facile. Tante Julie put se développer à loisir un discours très ferme sur le redressement des garnements. Direction les grands magasins du Bon Marché dans le septième arrondissement de Paris.

Dominique commença à comprendre quand on alla au rayon filles. D’abord les sous-vêtements : quatre soutiens-gorge, fonds de robes aux couleurs tendres et ourlés de dentelles. Longues chemises de nuit amples et ornées, jupons bouillonnants, puis passage aux vêtements de dessus. Deux jupes plissées grises, des corsages décolletés en soie, des robes amples avec de jolis nœuds dans le dos. Gants, sacs à main, socquettes avec revers de dentelles. Ils ne furent pas trop de quatre avec le chauffeur qui tirait Dominique pour tout porter dans la voiture.

Retour à la maison, Dominique trouva ses armoires vides et dut les remplir avec le nouveau fourniment. Sa culotte courte fut aussitôt jetée. La veste et le corsage, qu’il portait, étaient déjà des vêtements de fille. Il les gardait. Dès ce premier soir, il dut aller diner en chemise de nuit vaporeuse sur laquelle il avait passé un déshabillé frou-froutant.
Tante Julie s’adressa à lui en présence d’Agathe :
- Ma petite fille, on va te dresser. Si l’habit de garçon te laisse dans tes mauvaises habitudes, tu vas les perdre en étant une fille. Et tu seras une fille tant que tu n’auras pas changé. C’est Agathe qui va être chargée de te surveiller ici. Demain, samedi, tu ne vas pas à l’école, lever six heures. C’est tout.

Le lendemain à six heures, Agathe entrait dans la chambre de Dominique :
- Allez, cousine, feignante, lève-toi.
Dominique grommelle :
- Va te faire foutre toi et ta mère, connasse !
- T’as dit ?
- Va te faire foutre…
Agathe, furieuse, se jette sur lui, se met cheval sur son buste, lui prend les poignets et les immobilise au-dessus de sa tête :
- Jolie cousine, il va falloir apprendre à mieux m’obéir, sinon j’emploierai la manière forte.

Tout en le maintenant emprisonné, elle lui donna un baiser sur les lèvres. Puis tout en le tenant elle le couvrit de baisers. Il était à la fois humilié et excité. Dominique sentit à un jaillissement que sa cousine venait de fêter sa puberté. Il ne savait que faire. Elle le tenait et, en même temps, il avait peur qu’elle découvrît son succès. Le seul moyen pour qu’elle le laissât tranquille et qu’il pût réparer les dégâts était de se soumettre. Il lui sourit sans trop se forcer. Agathe soulagée :
- Petite cousine, c’est beaucoup mieux comme cela. Si tu es gentille, je serais gentille. Si tu veux résister, je te corrigerai. On est d’accord ?
- Oui, on est d’accord. Mais laisse-moi une seconde.
- Entendu, mais je reviens dans deux minutes, et je veux te retrouver bien sagement sur le bidet.
Deux minutes après, Agathe revint et trouva Dominique accroupi sur le bidet.
- C’est bien petite cousine. Maintenant, comme tu ne vas pas au collège, on va t’habiller. D’abord bain odorant puis léger maquillage.

Quand vint le moment de s’habiller, Dominique toujours en chemise de nuit dut se choisir une robe. Il choisit une robe bleue sage avec un col rond. Il retira sa chemise de nuit. Agathe lui remit sa culotte de latex dont elle gardait la clé. Dominique allait passer la robe, quand Agathe l’arrêta en lui montrant un soutien-gorge. Il fit non de la tête. Agathe sourit et leva un doigt menaçant. Dominique prit le soutien gorge et essaya maladroitement de le fixer dans le dos. Elle lui montra qu’il fallait le fixer devant et le faire tourner autour du dos puis passer les bras. Elle lui passa deux petites prothèses amovibles pour lui donner de la consistance. Elle lui tendit alors sa robe. Dominique la passa. Agathe choisit un jupon à plusieurs couches de volants bleu qui arrivait juste à la lisière de la robe. Il dut passer une jambe après l’autre dans le jupon. Ce furent des ajustements sans fin pour que le jupon soit à la lisière du bas de la robe. Caché mais prêt à faire de fugaces apparitions. Puis des gants bleu ciel, des chaussures à petit talon de même couleur. Enfin, un chapeau rond bleu marine. Dominique n’osait plus bouger. Le moindre geste lui faisait ressentir un fourmillement de sensations, des dentelles sur jambes, contrastant avec l’impression du torse pris dans soutien gorge et une robe ajustée. Tout cela bruissait et notamment le jupon de taffetas. Agathe qui était restée en pyjama lui dit de s’asseoir. Elle lui apprit à lisser sa jupe sous ses jambes pour s’asseoir, à tenir les genoux bien serrés, à s’asseoir en présentant les fesses en arrière.
- Marche à petits pas, en avançant tes pieds presque l’un devant l’autre. Tu verras tu te déhancheras naturellement. Comprends-moi, dès lors que Maman t’a puni et t’oblige à t’habiller en fille, tu as intérêt à passer vraiment pour une fille. Tu verras qu’il est plus simple dans la rue d’être une fille parmi les autres qu’un garçon habillé en fille !

Agathe releva alors la jupe de Dominique et lui donna une petite tape sur les fesses. Puis elle retourna dans sa chambre pour s’habiller. Dominique était perplexe. Que faire ? Jusqu’où irait la punition ? Aller en classe en fille. Apparemment les jupes plissées grises étaient bien faites pour ça. Combien cela durerait-il ? Fallait-il s’enfuir pour rentrer chez lui. Dans cette tenue, sans argent ? Car il avait tout investi le double de clé. Pas d’autre solution qu’attendre. Et puis finalement Agathe était peut-être plus gentille qu’il n’y paraissait. La porte s’ouvrit avec une sorte d’enthousiasme. Agathe surgit en jean et avec un pull. Agathe lui remit son chapeau rond et lui prit la main, le conduisit devant une glace :
- Regarde, petite cousine, avec ton chapeau rond tu as vraiment l’air d’une fille. On va te mettre ton joli manteau cintré.
- Où va-t-on ?
- Chez une copine, ce sera ta première épreuve.
Il se regarda une dernière fois. La cousine avait raison, il pouvait passer pour une fille. Bon Dieu, il était tombé chez deux folles complètement allumées, en plus sadiques ! Il grommela :
- Les carnes.
- Tu as dit ?
Dominique qui ne se voyait pas entrain de battre avec sa cousine alors qu’il portait des jupes mentit par convenance.

Dominique et Agathe partirent à pied. Elle tenait Dominique d’un air un peu protecteur par le cou. Comme elle était plus grande, elle était très naturelle, elle n’avait pas à se déhancher. Les premières sensations de marcher avec ce fourmillement de dentelles qui le chatouillait. Il avait l’impression que ce qu’il éprouvait était perçu par chaque passant. Il fixait le sol un mètre devant lui. Il mourrait de honte. Quand il descendit le métro, il savait que les gens qui montaient l’escalier voyaient ses jupons sous son manteau. Il aurait voulu mettre sa jupe entre ses jambes, mais il se contentait vouloir de toutes ses forces être ailleurs à ce moment critique. Plus il avançait plus, il s’éloignait de la maison de tante Julie. Aussi mal qu’il y fût, c’était un asile protecteur. Et pourtant, dans le métro personne ne semblait remarquer Dominique. Quand une place se libéra, Agathe s’assit. Puis d’une tape sur ses genoux, elle fit signe à Dominique de s’asseoir sur ses genoux. Dominique obtempéra aussitôt. Il était tellement mal à l’aise qu’il sentait le besoin de se coller à elle. Sur les genoux d’Agathe, il essaya de bien rassembler ses jupes pour ne montrer aucune dentelle. Il mettait sagement ses mains gantées sur la jupe qui apparaissait dans l’échancrure du manteau. Il comprit qu’il était plus commode de croiser les jambes. Il comprit que le vêtement de fille induisait tout un mode de vie. Une pensée compatissante lui vint même un instant. Dans le fond, cela ne devait pas être si facile que cela d’être fille. Alors pourquoi étaient-elles si coquettes, cela ne lui arriverait pas. Agathe passa la main sur la nuque de Dominique et commenta :
- Il va falloir que tout cela pousse ?
- Parce que je resterai comme cela jusqu’à ce que j’aie des cheveux longs ?
- Tu ne vas garder tout de même ces horribles petits cheveux ?
- Mais je te parle de la punition. Combien cela durera-t-il ?
- C’est toi qui choisiras la durée.
- Comment cela, si je choisis, on rentre et je me change.
- Fais pas l’idiote. D’abord tu n’as plus d’horribles vêtements masculins. Donc pratiquement ce que tu dis ne peut se faire. C’est toi qui choisis, car plus vite tu seras une fille, plus tôt tu pourras redevenir un garçon.
- Et ce n’est pas assez ? dit-il en montrant sa robe.
- Non, il faut que tu deviennes naturellement féminine. Cela se voit à des riens…
- Parce que tu vois cela ?
- Bien sûr, je vois que pour l’instant tu crois toujours être un garçon. La robe ne suffit pas à faire la fille. Quand je verrai que tu es vraiment dans la peau d’une fille, j’en parlerai et nous prendrons la décision appropriée.
- Appropriée ?
- Tu verras bien. On n’en est pas là. Pour l’instant, essaie déjà de devenir une parfaite petite cousine.
- C’est une obsession de vouloir devenir l’aînée.
- Tu serais plus grande, plus vigoureuse, plus mûre, il aurait pu en être différemment. Mais ma pauvre petite tu es terriblement immature.
Domnique préféra en rester là. Et qu’importait : être la petite ou la grande cousine, cela ne changeait rien à l’absurdité de la situation. Comment avait-il pu se laisser faire à ce point ? Il aurait eu dix centimètres de plus, tout aurait été différent.

Quand ils arrivèrent chez l’amie d’Agathe, celle-ci tenait Dominique par la main.
- Je te présente, Dominique, ma petite cousine. Elle vient de province. Je lui montre Paris. Tu sais il n’y a pas si longtemps, elle jouait encore à la poupée.
- En quelle classe es-tu ?
- En sixième.
- Ah oui, tu es beaucoup plus petite que nous. Moi je suis en quatrième comme Agathe. En tout cas, ta robe est très jolie.
Dominique baissa les yeux.
- Allons, petite cousine, qu’est-ce qu’on dit quand on te fait un compliment ?
- Merci.
- Retire ton manteau. Mais garde ton petit chapeau, tu es à croquer avec ce petit chapeau. Tu ne trouves pas Chantal-Marie.
- Oh oui elle est choute.
Chantal-Marie attira Dominique à elle, le retourna et lui arrangea le nœud au dos de sa robe. Puis le prit sur ses genoux, en le faisant sautiller. Elle chantonnait :
- Tagada, tagada… J’ai l’impression de me remettre à la poupée.
- Moi aussi, en habillant ma petite cousine, j’ai eu cette impression.
L’amie d’Agathe reprit en repoussant Dominique de ses genoux.
- Moi aussi je vais mettre une belle robe. En attendant, je te donne une dinette pour que tu puisses nous attendre. Tu viens avec moi Agathe ?
Il l’entendit dire à Agathe pendant qu’elles s’éloignaient.
- Je ne comprends pas, quand ta cousine est si joliment habillée, que tu mettes ces horribles jeans.

Il était à genou par terre avec la dinette devant lui. La position était inconfortable. Il s’assit sur le côté en lissant spontanément sa jupe et en tenant les jambes jointes sur les côtés. Une main gantée à plat sur le sol, de l’autre, tout aussi gantée, il soulevait d’un air dégoûté chaque élément de la dinette. Quand l’amie d’Agathe revint :
- Evidemment, la dinette, ce n’est plus de son âge. Veux-tu que je donne une de mes poupées à la petite ?
- Oui c’est une bonne idée, elle va aimer.

Dominique se retrouva obligé de retirer ses gants et d’habiller et de déshabiller de vieilles poupées. Il préférait encore ces humiliations à être démasqué. Il s’en accommoda comme il put. L’amie d’Agathe continuait à faire la conversation. Elle revint sur la désagréable question des jeans :
- Pourquoi mets-tu tant de jeans. Rien n’est moins féminin.
- Mais si pratique, ma petite cousine est comme toi, elle se met toujours en jupes. Vous êtes plus féminines que moi voilà tout !

Dominique eut envie de protester, puis il se ravisa et rentra en lui-même. Qu’est-ce qui lui prenait ? Elle voulait le faire enrager, c’est tout, il fallait feindre l’indifférence. Le temps de la rébellion n’était pas venu. Agathe prit un air énigmatique. Elles papotèrent une heure devant Dominique. Il sentait bien que les conversations entre grandes ne lui étaient pas ouvertes. S’il n’aimait pas être traité en petite, il s’accommodait au moins qu’elles ne s’occupassent plus de lui, car il se méfiait de la perversité des deux grandes.

Agathe proposa d’aller au cinéma. Quand l’obscurité fut établie, Dominique sentit une main qui se glissait sous sa jupe et sous ses jupons. La main arriva discrètement, sur la culotte de latex. Elle explora le latex lisse. Elle chuchota :
- Sens-tu quelque chose jolie cousine.
- Oui, un peu. Oh ! je n’en peux plus.
- Allons-bon, crois-tu que tu puisses jouer au petit garçon ? On va voir ça de plus près. Viens aux toilettes.
S’adressant à son amie :
- Je vais faire faire pipi à la petite.

Dominique se dit que décidément ce jour n’était pas une apothéose. Malgré tout, il devenait curieux de ce qui l’attendait. Agathe referma la porte d’une cabine des toilettes dames derrière elle. Elle ordonna à Dominique de rabattre l’abattant puis de se mettre à genoux devant, en lui tournant le dos. Du bout des doigts, elle le pencha doucement en avant. Quand Dominique fut en position, Agathe lui releva les jupes, dégrafa la culotte de latex et caressa l’objet protégé par le latex. L’effet vint aussitôt. Quand il fut passé, Dominique reculotta Dominique, rabattit jupe et jupons et d’une petite tape sur les fesses lui signifia qu’il pouvait se relever. Puis ils revinrent à leur place. Agathe posa sous la jupe de Dominique une main de propriétaire, main qui se déplaçait de temps à autre en caressant la cuisse. Dominique ne savait plus où il en était. Le voici traité comme il traitait les filles. Ainsi tantôt craignait-il d’entrer dans ce rôle de fille, tantôt de ne pas l’endosser suffisamment. Il redoutait en effet, à la sortie, le spectacle qu’il allait donner à la rue. Outre la crainte d’être démasqué, il avait l’impression que tout un chacun devinerait ce qui venait de lui arriver, hier, ce matin, cet après-midi.

Le lundi, Agathe passa à Dominique des sous-vêtements et une combinaison rose bordée de dentelles. Puis un corsage, qui à travers sa transparence laissait deviner les dentelles de ses dessous, elle lui mit une jupe plissée grise bien sage qui arrivait au genou, mais qui laissait voir quelques dentelles si elle se soulevait. Elle lui remit le chapeau rond et lui recommanda de ne jamais le quitter. Quand il arriva à l’école, Dominique avait une boule à l’estomac. Son manteau croisé le protégeait au premier abord. Il arriva en classe sans que personne n’observât les changements. Il s’installa à sa place sans quitter son manteau. Le professeur le fixa d’un œil sévère.
- Enfin, Dominique, il ne fait pas froid retirez ce manteau.
Il essaya sans se lever. Le professeur intrigué par son manège, se rapprocha, lui prit le bras et l’obligea à se lever, le manteau tomba de ses épaules. Le professeur et la classe virent alors qu’il était en jupe plissée. Le professeur eut un sourire méchant :
- Oh, pardon, j’aurais dû dire : Mademoiselle. Hé bien, Mademoiselle vous pouvez vous rasseoir.

Toute la classe éclata de rire. Il garda son chapeau comme recommandé. Tous les regards le fixaient pendant que le professeur regagnait sa chair. Silence. Le professeur se racla la gorge et commença son cours. Il est probable que le professeur était prévenu, et qu’il avait été chargé d’organiser cette mise en scène. Il appela Dominique au tableau pour que tout le monde le voie bien en pied. Dominique n’osait plus bouger de peur d’agiter sa jupe.
A la récréation, Dominique s’attendait au pire. Le rouquin s’approcha de lui, lui serra la main et lui dit :
- Excuse-moi, on a été con de se marrer. Mon pauvre vieux, les salauds, ils ne t’ont pas loupé ! Pourquoi ils te font ça ?
- A cause de l’expédition de l’autre jour.
- Je croyais que tu serais viré.
- Ça aurait mieux valu.
- Tu l’as dit. Pourquoi t’obliger à t’habiller en fille ? Punition ?
- Redressement.
- Bon, écoute, en tout cas, personne t’emmerdera.
- Merci, je ne croyais pas que vous réagiriez comme ça !
- Mon vieux, j’ai compris que tu n’étais pas comme ça. Pour nous, tu es un copain comme un autre. Mieux qu’un autre depuis l’expédition.

Le rouquin et ses potes tinrent parole. Donc Dominique jouait au foot comme les autres. Cela faisait une impression étrange quand on voyait sa jupe se soulever et découvrir ses dessous. Ou que son chapeau rond tombait par terre. En fait, ses copains le considéraient un peu comme une fille tout en étant un copain. Ainsi au foot faisaient-ils plus attention à lui, s’efforçaient-ils de lui éviter les chocs frontaux. Ce qui en faisait un joueur un peu intouchable qui marquait beaucoup de buts. Dominique s’habituait à vivre en fille. Cela lui imposait de faire attention à ses vêtements, à ses attitudes, en serrant les genoux, en prenant garde à sa jupe quand le vent la soulevait. Il observait une certaine réserve notamment quand ses copains déconnaient sur les filles. Ceux-ci observaient réciproquement une certaine prudence devant lui. Il s’efforçait de temps à autre de réagir en se montrant salace. Mais ces saillies tombaient à plat, comme indécentes. A la sortie, quand ils jouaient en rentrant à la maison, Dominique était gêné pour grimper sur le monument de la place Winston Churchill qui servait à l’automne de château fort. Une bande le défendait, l’autre l’attaquait avec des marrons, puis avec des bâtons, le combat se terminait à l’épée. Comme les autres, Dominique tenait son épée. Mais personne ne s’attaquait à lui. Quand ils rencontraient les filles du collège privé en face du lycée, certains garçons les connaissaient, les filles prenaient Dominique avec elles quand les garçons jouaient à leurs jeux violents. Dominique avait acquis une certaine prudence, quand il voyait le regard trouble de tel ou tel camarade s’il montrait sa petite culotte de dentelles en tombant, ou si en se battant avec lui un camarade remontait sa jupe. Le pire était de sentir son soutien-gorge sous le corsage de Dominique. La main qui avait senti une bretelle ou le mamelon se retirait comme si elle s’était brûlée. Dominique ressentait lui-même cela comme un geste indiscret.

Agathe avait un peu relâché sa tutelle. Dominique choisissait lui-même sa robe quand il n’allait pas à l’école. Il le faisait naturellement. Et Agathe, par perversité instinctive, sentait que dominer vraiment c’était avoir obtenu que la soumission devînt naturelle, non la forcer à tout moment. Des demi-sourires approbateurs montraient à Dominique qu’il progressait dans le bon chemin. Dominique évitait les conflits avec sa cousine. Il n’avait jamais pu l’emporter sauf quand il avait cru renverser sa cousine en voulant reprendre sa clé. Il avait fini par comprendre qu’elle avait feint de tomber parce qu’elle avait vu tante Julie arriver dans son dos, à lui, Dominique. Ces défaites étaient humiliantes et renforçaient l’influence d’Agathe. Dominique avait donc sagement renoncé à braver sa cousine. Et il préférait devancer ses exigences plutôt que devoir céder devant la menace. Mais le revers de cette tactique est qu’il était amené à tout faire pour se comporter en fille comme une autre. Il éprouvait, arrivé à l’école, quelque mal à s’émanciper de ces nouvelles habitudes. Par exemple, se regarder dans une glace. A Saint-James, il n’y en avait que dans la salle de gym. Mais dans la rue, il lui arrivait de s’arrêter devant une glace pour s’arranger ou simplement pour s’évaluer d’un regard latéral. Quand ils entraient chez un commerçant, le commerçant s’adressait d’un ton adouci à lui. Aussitôt, il minaudait un peu.

Un copain de classe lui proposa de venir à son anniversaire chez lui. Dominique n’avait d’autre choix que de mettre la petite robe bleu avec un gros nœud dans le dos. Il arriva assez tôt. Ses copains n’étaient pas encore arrivés et celui qui l’avait invité était parti faire une course. Il était venu tôt précisément pour voir le moins de monde possible et repartir aussi promptement qu’il le pourrait. Ce fut, Alice, la jeune sœur du copain qui l’accueillit. Elle fut ravie :
- Contente qu’il ait aussi invité des filles. Quelle jolie robe ! Viens je suis avec deux amies. On va jouer ensemble.
Dominique ne savait que dire. Il fut intégré dans le cercle des filles. Aussitôt, il commença à jouer à la poupée.
Quand le copain qui l’avait invité arriva, Dominique lui fit un geste d’impuissance. Le copain mit son doigt sur sa bouche pour signifier qu’il serait discret et la fermerait. Et sans doute qu’il passerait la consigne.

Pour Dominique la situation se gâtait. Les filles l’avaient adopté. Elles décidèrent de jouer à la mariée. La plus grande des filles ferait le garçon. On lui trouva un costume du frère d’Alice. Dominique mettrait la robe et les voiles de la mère d’Alice. Les deux autres filles feraient les demoiselles d’honneur. Dominique reparut sous ses voiles blancs avec une immense robe blanche sur des jupons de tulle, un bouquet de fleurs à la main et les deux filles qui tenaient sa traîne. Les copains stupéfaits regardaient Dominique dans un silence consterné. Ils ne savaient que penser. Evidemment, il était obligé d’aller au bout du rôle. N’en faisait-il pas un peu trop ? Et puis comment pouvait-il autant avoir l’air d’une fille ?
Dominique se changea dès qu’il put et fila chez lui.

Le plus difficile est qu’il n’avait aucun refuge pour se débarrasser ne serait-ce qu’un instant de ces vêtements, sauf s’il était nu et Agathe entrait à tout moment dans sa chambre et lui avait promis de le dénoncer à sa mère comme exhibitionniste si elle le trouvait nu une seule fois. Donc, même dans sa chambre il portait toujours ses robes, ses dessous omniprésents qui s’agitaient au moindre mouvement. Les chemises de nuit étaient pires encore. Finalement ce qu’il préférait encore c’était sa tenue de classe, jupe plissée grise, corsage sobre et veste presque masculine.

Partout où se tournait sa vue dans sa chambre, son regard ne rencontrait que des affaires de fille, ses grands jupons suspendus aux murs par des crochets le mettaient particulièrement mal à l’aise. Il ouvrait un placard, robes, jupes, pas un pantalon. Il ouvrait un tiroir, sous-vêtements de fille, des bijoux, rien qui rappelât son univers. La tante Julie n’avait pas lésiné sur les vêtements.
Sa chambre avait complètement été transformée. Repeinte en rose, il avait une table à maquillage symétrique du petit bureau très maniéré où il travaillait. Les voilages étaient également roses et ornés de sortes de volants.

En cours d’année, le rouquin invita Dominique à la campagne. Celui-ci demanda l’autorisation à sa tante. Elle vit aussitôt la ruse : le rouquin lui prêterait des vêtements le temps d’un week-end. Sa réponse fut catégorique :
- Oui, si Agathe est là pour te surveiller.

Les beaux jours revenaient. Agathe lui trouva une longue robe de vichy très légère avec une jupe qui volait sur un jupon léger. Les bras étaient nus. Il portait un grand chapeau avec un long ruban qui flottait derrière lui sous le vent. Quelques bijoux, un grand sac, son sac transparent, genre sac de plage, très, très féminin. Des sandales avec un talon de six centimètres de hauteur. C’était le seul élément de sa tenue que Dominique appréciait, parce que cela lui permettait d’avoir la même taille qu’Agathe. Dominique recueillit les habituelles félicitations sur ses robes de la mère du rouquin. Agathe eut droit à un discret silence sur ses habituels jeans.

Le rouquin ne connaissait pas Agathe. Dominique la regardait d’un œil torve. La garce savait y faire, elle avait rembourré son soutien-gorge. S’il avait su, il se serait un peu rembourré aussi. A l’instant même où il s’était dit cela, il se fit la réflexion qu’il déconnait complètement. Dans la voiture, il s’assit à l’arrière entre le rouquin et Agathe. Ses jupes s’étalaient sur ses deux voisins. Cela le mettait mal à l’aise d’être le foyer, l’auteur de cette féminité envahissante.

Arrivés à la campagne, les jeunes se répandirent dans le jardin. D’abord cueillir des cerises. Deux échelles furent dressées. Le rouquin et Agathe y montèrent, Dominique était chargé de recueillir les cerises dans un panier à grande anse suspendu à son bras. Dominique bouillait au pied des arbres : l’argument, les femmes ne montent pas aux arbres à cause de leurs jupes, pas pratique et la décence, etc. Mais qui avait imposé à Dominique de porter des jupes ? Et pourquoi Agathe n’en portait-elle pas ? Dominique n’avait aucun mal à se sentir provoqué.

Puis, les jeunes s’éloignèrent de la maison. Dominique souffrait qu’Agathe, devant son ami le rouquin, lui tienne ostensiblement les fils de fer barbelés pour n’y pas emmêler ses vêtements. Plus ils avançaient, plus Agathe traitait Dominique en fille et plus elle se comportait en grande sœur pour ne pas dire en grand frère. Mais rien de tel avec le rouquin, Agathe retrouvait toute sa séduction. Dominique était submergé par le ressentiment.

A un moment où Dominique se trouvait seul avec Agathe. Un passage étroit destiné à empêcher le bétail de partir d’un champ créa un problème de préséance. Dominique voulait regagner son retard sur le rouquin. Il voulut précéder Agathe. Agathe attrapa sa jupe et tira. Dominique se retourna :
- Si je dois jouer les filles au moins sois galante !
- Galante avec toi, tu rigoles, tu n’es même pas une fille !

Dominique se retourna et se rua sur Agathe. Une courte lutte s’ensuivit. Dominique était furieux. Mais il la sentait plus forte. Il eut un geste désespéré, il la mordit. Agathe hurla et lui retourna une gifle magistrale qui projeta Dominique à terre. Agathe se précipita sur Dominique, appuya ses deux genoux sur les épaules de Dominique qui agitait ses pieds et ses jupes comme il pouvait. Puis il cessa de résister et se mit à pleurer. Survint alors le rouquin attiré par les cris.
D’une voix ferme, le rouquin dit :
- Laisse-la !

Agathe se releva, relâchant Dominique. L’emploi spontané du féminin était lâché. Tous eurent conscience que tout était dit. Même s’il désapprouvait le comportement d’Agathe, le rouquin restait attiré par elle. Et dans le fond, se disait-il, les rapports entre Agathe et Dominique ne regardaient qu’eux. Il marchait côte à côte avec Agathe et essayait timidement de lui passer la main autour de la taille. Dominique suivait derrière à contrecœur.

Agathe, de retour à Neuilly, décida de mieux marquer son territoire avec Dominique. Elle entra dans sa chambre, où Dominique écoutait de la musique sans s’être changé. Elle s’assit au bord du lit. Elle lissa la jupe de Dominique, lui prit la main et lui parla :
- Ma petite chérie, je ne veux plus que tu me fasses de scène comme chez le rouquin. C’est pour toi que je n’en veux plus. Quand tu me résistes, je suis obligée de t’humilier en public. Or ce n’est pas ce que je veux. Simplement, il faut que tu te fasses à la règle : tu dois m’obéir. Je ne te demande rien de plus. Tu es arrivée ici avec plein d’idées préconçues : que tu étais un garçon, que tu étais plus âgé que moi, que cela te donnait des droits. Mais voilà quand tu veux faire valoir tes droits, tu n’en as pas la force physique. Tu vois bien que cela ne sert à rien de te persuader que tu es un garçon. Tu es une fille. Au lieu d’être mon grand cousin, tu es ma petite cousine. Moi, je ne veux pas être un garçon. Mais si quelqu’un à certains moments peut jouer les garçons, c’est moi. D’ailleurs ce serait trop ridicule que ce soit toi. Tu ne te vois pas. Regarde-toi dans une glace ! Maintenant, nous allons organiser les choses. D’abord, je veux que tu sois une bonne élève. Je vais te faire travailler. Je serais gentille si tu travailles bien. Sinon, je te corrigerai. Je le ferai non parce que cela me fait plaisir mais pour ton bien. Déjà quand tu travailles, mets un tablier pour protéger ta robe des taches d’encre…

Au printemps, la tenue de l’école changea, du moins pour Dominique, il mettait toujours la même tenue en apparence, mais sans veste, avec un corsage fin, plus transparent et une jupe plissée plus légère. Bien qu’il fût obligé par sa tante de porter des combinaisons ou au moins des jupons, l’été lui permettait de ne mettre qu’un jupon léger sous sa jupe, ce qui en diminuait un peu l’ampleur. Le seul inconvénient est qu’on voyait distinctement ses soutiens-gorge sous son chemisier. Ses cheveux s’étaient allongés suffisamment pour porter deux couettes latérales serrées par de jolis rubans aux couleurs tendres. Il portait volontiers ces couettes, car elles le dispensaient de l’incommode chapeau rond. Les jours de pluie, Agathe lui faisait une petite queue de cheval et lui nouait un foulard pour protéger ses cheveux.

Un jour le rouquin l’invita à une boum chez lui. Il lui demanda d’amener Agathe. Dominique convainquit Agathe de venir chez des garçons bien qu’elle les trouvât un peu jeunes ! De ce moment, Agathe ne parla plus à Dominique que de leurs robes. Elle obtint de sa mère qu’ils allassent acheter de nouvelles robes. Dans le magasin, Agathe réussit à convaincre Dominique d’acheter la même robe qu’elle. Pour Dominique la rose, pour Agathe la bleue. C’étaient des robes très amples et volantées avec des jupons de gaze. Il y avait une petite difficulté, elles étaient quelque peu décolletées. Et les deux filles n’avaient pas la moindre poitrine. Il fallut trouver des soutiens-gorge rembourrés. Dominique n’aurait pas voulu se trouver une nouvelle fois désavantagé. Il se débrouilla pour en trouver un plus volumineux que celui de sa cousine.

Tous les soirs, au lieu de lui faire répéter ses devoirs, Agathe apprit à Dominique à danser. Dominique était doué et apprenait vite. Mais un seul rôle, celui de la fille.

Quand ils eurent mis leurs robes avec les nouveaux soutiens-gorge, Dominique se racla la gorge et posa sa question :
- Agathe, est-ce que je peux te demander quelque chose ?
- Vas-y.
- Tu ne crois pas que ce serait mieux que j’aie des cheveux plus longs. Au point où j’en suis, je préfère devant des filles que je ne connais pas…
- Oui, tu as raison, on va te trouver cela.
Après avoir exhumé les perruques de sa mère, Agathe choisit celle qui lui allait le mieux. C’était une perruque de cheveux noirs corbeau, les cheveux effleuraient les épaules.

Le jour de la boum - on approchait alors, de la fin de l’année scolaire - Agathe vint aider Dominique à s’habiller. Dominique lui rendit la pareille. En regardant dans la glace Dominique agrafer sa robe dans le dos, elle lui dit
- Tu sais ce qu’on va faire ? Maman n’est pas là. On va se maquiller.
Dominique eut un geste d’hésitation. Agathe s’échauffa :
- Réfléchis petite cousine. C’est toi qui as voulu cette jolie coiffure. Tu avais raison. Tu vois bien que maquillée, tu passerais encore mieux. Et puis j’ai une surprise.
Quand Dominique fut maquillé avec un rouge à lèvres rouge carmin, Agathe lui montra une paire de bas noirs :
- On va mettre ça !
Dominique ne pouvait plus résister. Il s’était trop avancé. Tous deux portaient des bas pour la première fois. Dominique et Agathe empruntèrent des escarpins maternels.

Les deux filles appelèrent alors un taxi. A l’arrivée, c’est le rouquin qui leur ouvrit :
- Merde, les canons !
- Dis-donc, c’est pas une manière d’accueillir ma grande cousine. Agathe je ne te présente pas le rouquin. Agathe, tu le connais, ajouta-t-il avec une pointe de ressentiment.
- Non, mais c’est vrai je m’attendais à te voir dans la tenue de l’école. Mais pas comme ça ! Faut reconnaître que t’es réussi. Je vais dire aux deux copains de la classe de te considérer comme une fille. Ça sera mieux comme ça ! Que dirais-je aux gens qui ne savent pas qui tu es ?
Agathe :
- Tu as raison, il vaut mieux considérer Dominique comme une fille. Elle sait d’ailleurs danser en se laissant guider. Je lui ai appris. Viens on va leur faire une démonstration.

Dominique fut entraîné par Agathe qui lui fit danser un rock avec des passes compliquées qui empêchaient les deux danseurs de rabattre leurs jupes quand ils tournaient. Dominique de fait dansait bien et, léger, se laissait entrainer dans des pas rapides. Agathe finit en renversant Dominique en arrière, qui fut obligé de lever la jambe en l’air montrant ses abondants dessous. Le rouquin et les deux copains de classes étaient sidérés. Plus : troublés. Peu à peu arrivèrent des jeunes filles et des copains du rouquin. Ils étaient embarrassés, empruntés. Agathe fit merveille, d’abord en faisant danser à nouveau Dominique de façon à la fois dynamique et lascive. Des garçons, des inconnus, invitèrent Dominique à danser qui se sentit obligé de jouer le jeu. Il essaya d’inviter une fille à un slow. Elle n’osa pas refuser, mais tous deux étaient embarrassés. Dominique essaya de la guider, s’emmêla et la laissa le guider. Seule Agathe pouvait l’inviter à danser, car il s’agissait d’une sorte de démonstration. Dominique se prit à retrouver les sensations du cinéma. Mais là il fallait se tenir bien. Quand ces sensations étaient trop fortes, il courait s’asseoir, mettant d’un coup du revers de deux mains toutes ses jupes et ses jupons entre ses jambes au cas, tout à fait théorique, où la culotte de latex céderait. Illusion virile, sans doute, mais qui reflétait l’intensité de sa sensation. A l’un de ces moments, une jolie fille vint à côté de Dominique. Elle était légèrement pompette. Elle le félicita sur sa robe :
- Je peux toucher ?
Elle releva le bord de la robe pour regarder le jupon, le releva et regarda le panty. Elle caressa les bas d’une main négligente, puis confessa son envie :
- Tu as de la chance que ta mère te laisse porter tout ça ! Les bas surtout ! Tu te maquilles bien ! Quelle chance ! Tu aurais besoin d’un petit raccord ! Tu me laisses faire ! je m’appelle Cécile.

Cécile entraîna Dominique vers la salle de bain. Et elle lui refit son maquillage, ses doigts effleuraient la peau de Dominique qui ne tenait plus et qui demanda un tabouret pour s’asseoir et mettre à nouveau sa robe entre ses jambes. Quand Cécile eut fini, elle lui fit un baiser comme pour signer son ouvrage. Puis elle tira Dominique par la taille et l’emmena danser un slow. Elle guidait Dominique, en le serrant de près, l’obligeant à se cabrer. Elle était plus grande que Dominique et lui tira la tête pour la placer au creux de son épaule nue. Elle était troublée par les cheveux de Dominique qui lui caressaient l’épaule. Elle lui dit à l’oreille :
- Je suis un peu saoule, c’est sûrement pour ça que j’ai envie de t’embrasser. Viens dans le jardin.

Elle entraîna Dominique dans le jardin, s’assit avec lui sur un banc de jardin. Elle entourait de son bras ses épaules nues, se pencha sur lui et l’embrassa. A travers les épaisseurs de la jupe et des jupons, elle cherchait un sexe féminin. Sa quête fut interrompue par le bruit de branchages qu’on écartait derrière elle. C’était Agathe.
- Il était temps que j’arrive. On rentre.

Dans le taxi du retour, Agathe toujours décontractée embrassa Dominique, comme pour marquer que c’était un droit dont elle avait l’exclusivité. A la maison, comme tante Julie était en voyage, ils se démaquillèrent ensemble. Agathe lui choisit une chemise de nuit particulièrement bruissante. Elle lui retira sa culotte de latex et resta nue elle-même. Elle lui dit de se coucher sur le dos. Doucement elle lui écarta les jambes puis prit son sexe l’introduisit dans le sien mais tout en imprimant seule le mouvement, en tenant toujours Dominique jambes écartées. C’est ainsi que Dominique fut dépucelé. De cette circonstance germinale s’ensuivit peut-être une succession de circonstances qu’on pourrait prendre pour le jeu d’une fatalité.

A la suite de la boum, le bruit se répandit que Dominique pouvait être un véritable canon. Insensiblement, l’attitude ses copains envers Dominique changea encore légèrement. Ils le traitaient de plus en plus comme une fille, ou pour être plus exact de moins en moins comme un garçon, il était devenu à leurs yeux fille par défaut. Dominique semblait prendre à témoin ses voisins en tirant la langue, l’air harassé, comme pour dire : mon cartable est trop lourd pour moi. Voyant ça, un copain le lui prit des mains et le lui porta. Dominique hésita un instant, puis laissa faire. Un jour, Dominique et le rouquin reparlaient de sa boum :
- Dis-moi, je peux te poser une question ?
- Vas-y.
- Voilà, ce soir-là, faut reconnaître que t’étais canon. Enfin tu me comprends, je veux dire que là tu avais mis une sorte de bonne volonté à jouer la fille. En plus t’habiller comme ta cousine, c’était tout de même passer complètement de l’autre côté. Alors, qu’est-ce que tu as ressenti ?
- Je reconnais que je me suis un peu laissé entraîner.
- Un peu ? Remarque, nous aussi.
- J’en ai aussi eu l’impression. Pour répondre à ta question, c’est la première fois que je mettais des habits de fille avec le but de vraiment passer pour une fille. Et puis c’est aussi un peu de votre faute.
- Mais j’ai l’impression que pour draguer, c’est pas si con. Je t’ai vu avec Cécile. Mon salaud !
- Tu veux en faire autant ? Mets une robe !
- Déconne pas ! Remarque si tu me démontres que tu emballes à chaque fois, j’aurai plus de préjugé.
Le rouquin lui donna un claque dans le dos et retira sa main comme s’il s’était brûlé en sentant le soutien-gorge. Il revint aux choses sérieuses :
- Dans le fond, à partir du moment où on t’oblige à t’habiller en fille, pourquoi tu ne le fais pas plus ?
- Comment cela, plus ?
- Par exemple en ayant des cheveux longs et tout ça…
- Tu veux dire en me maquillant…
- Oui c’est ça. Je sais pas ce qu’ils diraient ici. Mais j’ai l’impression que c’est la technique pour les pousser à bout.
- Oh ça je m’en fous. Au contraire… Dans le fond c’est une bonne idée !

Le lendemain, Dominique en parla à Agathe qui approuva. Sans tout à fait renoncer à l’uniforme, Dominique donna de l’ampleur à sa jupe avec un jupon touffu, il se coiffa avec sa perruque brune, sans béret, avec un simple arceau dans les cheveux, un léger maquillage, une ombre de rouge à lèvres, des bas de vingt deniers et des talons hauts.

L’effet en classe fut radical. Ses copains eurent l’impression que la classe était devenue mixte. On ne lui proposa même plus de participer à la partie de foot-ball. Le rouquin le plaisanta en lui disant de faire le pom-pom girl.

Côté direction, l’accueil fut moins chaleureux. Le supérieur convoqua Dominique. Celui-ci s’arrangea pour bien faire crisser ses bas en croisant et en décroisant les jambes. Le supérieur aborda les choses en grognant :
- Qu’est-ce qui vous prend de faire pareil scandale ?
- Vous avez voulu que je porte des jupes. C’est ce que je fais, mon Père.
- Non de… Nom de nom, cessez de faire du bruit avec vos bas.
Dominique lui fit un charmant sourire et esquissa le geste de relever sa jupe :
- Voulez-vous que je les retire ?
- Dehors, dehors…
Dominique se leva doucement et se tourna tranquillement et repartit en classe en ondulant tant qu’il pouvait. Dix minutes plus tard, le concierge reconduisait Dominique à la porte du collège.

Le supérieur convoqua aussitôt tante Julie.
- Madame, j’ai fort à me plaindre de votre neveu !
- Et pourquoi, mon Père ?
- Parce qu’il met des tenues scandaleuses.
- Sans doute, mais vous devriez être le dernier à vous en étonner. N’est-ce pas vous qui m’avez recommandé la pédagogie du Petticoat Punishment ? Et de fait, constatez son efficacité. Plus d’écart…
- Comment plus d’écart ?
- Plus de bêtises.
Le supérieur devint rouge et en parlant tourna au violet
- Vous appelez cela plus de bêtises : venir en talons hauts, avec une perruque longue, en faisant crisser ses bas sous mon nez.
- Vous paraissez encore tout retourné ?
- Comment osez-vous, Madame ?
- Mon Père comment osez-vous vous-même renier votre œuvre ?
- C’en est trop !
- Non, ce n’est pas trop. Mon neveu est devenu sage. Et s’il faut, pour qu’il reste sage, le transformer définitivement en fille, je n’hésiterai pas.
- Hé bien pas chez nous !
- Alors où ?
- Où vous voudrez, mais pas chez nous !
- Fort bien, mais il va falloir nous aider.
- Débrouillez-vous !
- Très bien mon Père, vous excluez mon neveu. Je vais chercher un autre établissement religieux. Il faudra que j’explique ce qui s’est passé. Je ne connais d’autre langage que celui de la vérité. Il est possible que votre pédagogie suscite de la curiosité au secrétariat général pour l’enseignement ou à l’archevêché. Et qui sait à Rome ? Vous allez devenir célèbre, mon Père.
- Vous me faites chanter…
- Je vous mets face à vos responsabilités. Que la présence d’une fille dans un établissement de garçons vous fasse problème…
Tante Julie malicieusement décroisa les jambes pour faire crisser ses propres bas. Le supérieur fit un geste comme pour chasser une mouche.
- Donc plus de fille dans votre établissement. La seule solution c’est de l’envoyer dans un établissement de filles.
- Non de garçons.
- Il y est déjà, voulez-vous qu’il revienne en garçon ?
- Non, je n’en veux plus, c’est un pervers !
- Vous vous échauffez de nouveau, dit tante Julie en décroisant à nouveau les jambes.
Elle continua :
- Mon père, nous allons le faire entrer dans le même établissement que ma fille comme une fille. Vous direz que vous l’avez accueillie temporairement, en l’absence de ses parents, maintenant que je l’ai recueillie chez moi, vous pensez qu’il est mieux qu’elle aille dans un établissement de filles. Au passage, il faudra changer deux ou trois détails sur le livret scolaire et tant qu’à faire n’hésitez pas l’améliorer. Sinon, la mauvaise fille risque vous revenir comme un boomerang.
Tante Julie fit un grand sourire et se retira. Quand elle revint à la maison, loin d’être désagréable avec Dominique, elle était toute joyeuse et cria :
- Les filles mettez vos plus jolies robes, nous sortons.

En regardant le décolleté des deux filles, tante Julie se dit que si Agathe commençait à prendre quelques formes, il fallait acheter des faux seins plus vraisemblables pour Dominique. Ses cheveux naturels avaient poussé. Leur couleur naturelle était voisine de celle de la perruque. Le beau-frère de tante Julie, le père de Dominique, était d’origine eurasienne, et cette origine ressortait, notamment avec ces cheveux souples et d’ébène. Bientôt on pourrait se passer de perruque mais pas de poitrine.
Elle aborda le sujet du jour. Après avoir raconté l’entrevue avec le supérieur, elle demanda :
- Qu’est-ce qu’on fait ?
Agathe répondit
- Qu’elle vienne chez moi !
- Mais enfin je suis ton aîné et il s’agit de moi, c’est à moi de décider.
- Non, ma petite cousine, depuis que tu es ici tu n’es plus mon aînée. Tu le sais bien, tu es pour tout le monde, toi et moi compris, ma petite cousine. En plus c’est dans l’ordre des choses, je suis plus grande, plus forte que toi, trois classes au-dessus de toi.
- Deux classes seulement.
- Seulement ? je trouve que ce n’est déjà pas si mal. Cela te fait tout de même trois ans de retard par rapport à moi. Je sais bien que pour une fille ce qui compte c’est de savoir tenir une maison. Je serai d’avis que dès que tu auras seize ans on t’envoie dans un établissement d’enseignement ménager. Il vaut mieux être bonne cuisinière, savoir coudre, faire ses robes soi-même que de traîner dans les études. Il ne restera plus qu’à te trouver un bon mari. Quant à prétendre être plus forte…
Elle fit mine de lever la main. Dominique se protégea le visage avec ses deux mains.
- Tu vois bien. Ecoute, chaque fois tu as voulu m’affronter, tu as eu le dessous. Et encore j’ai fait attention de ne pas te faire mal. Dans le fond, tu te prends encore pour un petit Jules et tu voudrais faire le coq. Mais ma jolie, il faudrait que tu prennes dix centimètres. Et puis tu nous vois nous battre comme des chiffonnières avec nos jolies robes ?
Tante Julie intervint :
- Agathe a raison, ces réflexes de petit mâle montrent que le traitement est loin d’être achevé, c’est elle qui est en droit l’aînée. En plus, elle fait des études plus sérieuses que les tiennes et elle a tout à fait raison, le fait que tu ne sois pas douée pour les études, pour une fille, ce n’est pas trop grave. Agathe voit clair, tu es jolie, tu débrouilleras. Je voudrais justement que tu prennes en charge des tâches ménagères. Même quand le personnel est là, il faut que tu apprennes à diriger une maison. Pour diriger, il faut avoir fait les choses soi-même. Ma fille, il y faut de l’humilité pour garder un bon mari. Agathe m’a devancée, c’est précisément la suggestion que je voulais vous faire : si tu entres dans l’école d’Agathe, tu vas suivre de très utiles cours de cuisine, de couture, tu vas tricoter, cela t’occupera les mains, tu n’es pas faite pour la lecture. Du coup tu seras au moins en mesure d’être une maîtresse de maison. Laisse les ambitions à Agathe. Mieux vaut être une bonne épouse qu’un mauvais bas bleu…
Agathe intervint aigrement :
- Oh le risque n’est pas grand.
Dominique protesta sans conviction :
- Je n’ai pas l’intention d’être une femme toute ma vie.
- Bah, on dit ça…
En mettant sa chemise de nuit, Dominique se demanda : comment cela peut-il se terminer ?

Arriva l’été. Le rouquin invita Dominique à Saint-Tropez. Cette station commençait à être connue. Le rouquin savait que si Dominique venait, il aurait automatiquement Agathe en prime. Cela lui convenait parfaitement. Ils partirent un matin dans la Facel Vega des parents du rouquin par la route Napoléon. Dominique avait obtenu d’Agathe qu’elle se mît aussi en robe. Le rouquin entrevoyait un été chaud, c’est ce qu’il se disait en suivant ses parents en donnant le bras à deux canons au Lion d’Or à Saulieu. Il avait pour sa consommation Agathe sous la main et deux pin ups, comme on disait à l’époque, comme monnaie d’échange pour se faire inviter partout. Le fait que Dominique fût une chimère ne lui posait aucun problème pour passer ce marché. Tantôt Dominique serait une monnaie d’échange tantôt un pote avec qui il conservait une relation complice et un langage de charretier. Toujours est-il qu’en entrant dans le restaurant il tenait ses deux filles les considérant comme des escort girls. Il jubila du regard envieux des petits gros chauves et de leurs veaux-marins, vieilles aux poitrines tombantes, aux croupes saturées de cellulite qui jetaient des regards aigres aux deux jeunes filles sveltes. Elles portaient toutes deux des robes à carreau à la Brigitte Bardot avec un large décolleté qui s’achevait en entourant le haut des bras imposant aux deux belles de tenir les coudes serrés autour du corps. Elles avaient profité de la liberté que leur laissait le fait d’être invitées pour porter des talons honteusement hauts. Le rouquin se sentait comme encadré par des horse guards. Il ne détestait pas. Car il avait peu de préjugés. Les parents du rouquin non plus qui s’amusaient de son manège. Libéraux, l’important pour eux était que leur fils, assez déluré, s’amusât. Et quand il s’agissait de son plaisir il n’était pas fainéant. Toujours est-il que Dominique, sans accepter l’obligation de vivre en fille, y trouvait également un double avantage. Comme fille, il entrait facilement dans l’intimité des plus jolies filles et exerçait une séduction trouble. Son immersion dans un milieu de gens très aisés n’avait pas que des inconvénients. Brusquement, une question lui vint et l’assombrit comme un remords : que dirait sa mère ? Il décida de lui écrire et de tout lui dire. Le soir même il rédigeait sa lettre qui laissa certains points dans le flou. Il ne se voyait pas lui parlant de ses petites robes…

Arrivé le lendemain à Saint-Tropez, pour la première fois, Dominique s’essaya aux maillots de bain. Agathe lui avait acheté des prothèses qui se fixaient efficacement à la peau. Elles tenaient une demi-journée sans soutien-gorge. On ne les voyait pas, même sur un deux pièces. Toutefois Dominique s’en tenait au maillot une pièce. La culotte de latex ne se voyait pas non plus. Sauf qu’elle donnait une apparence très féminine à l’anatomie de Dominique. Heureusement pour protéger Dominique, non de son manque de féminité, mais au contraire de son excès, la mode avait proposé des maillots avec une jupette. Ses cheveux naturels étaient assez longs. Il mettait un bonnet de bain pour les protéger de l’eau de mer. Le reste du temps il portait de grands chapeaux et une courte queue de cheval. Malgré tout, il préférait être en robe ou en jupe, parce que cela lui paraissait plus décent que d’exhiber une féminité racoleuse. La villa des parents du rouquin était pleine, Agathe et Dominique partageaient la même chambre. Dominique commençait à se mettre au tennis. Agathe le conduisit dans le village pour acheter des raquettes et des jupes de tennis. Le plus difficile pour Dominique était de ne pas laisser le naturel prendre le dessus. Il fallait garder un geste féminin. A l’époque, le jeu était très plat, ce qui le rendait plus compatible avec des gestes féminins. Elle commença à disputer des doubles mixtes avec le rouquin comme partenaire qui en profitait pour présenter ses deux copines, lançant ainsi d’efficaces appâts. Il aurait sans doute été invité partout sans elles, mais elles donnaient plus de prix à sa compagnie. Sa cote dans la jeunesse tropézienne montait rapidement.

Un soir, chez le rouquin dont les parents étaient retournés quelques jours à Paris, tout le monde avait trop bu. Le rouquin s’était accroché à Agathe qui s’éveillait rapidement à la sensualité. Ils avaient commencé à flirter dans un coin sombre. Dominique se morfondait dans son coin, torturant rageusement sa robe, avec une pointe de jalousie. Soudain, il entrevit une fille. Un profil familier ! Il se leva et se faufila. C’était bien elle, Cécile. La fille des bras de laquelle Agathe l’avait arraché. Dominique courut à elle. Elle paraissait plus mince encore dans son pantalon patte d’éléphant avec ses fins revers. Elle portait un blazer qui l’amincissait. Elle fit un grand sourire en reconnaissant Dominique :
- Toi ici, viens ma jolie.

Elle emmena danser Dominique. Dominique sentait sa main sur son épaule nue. Parfois, Cécile jouait avec la bretelle de la robe pour caresser la peau qu’elle recouvrait. Elle enserrait l’autre main de Dominique qui se laissait aller épousant les mouvements du corps gracile de Cécile. Toujours en dansant Cécile l’embrassa sur la bouche. Fougueusement, avec une force surprenante, elle enserrait maintenant la taille de Dominique, poitrine contre poitrine.
- Où est ta chambre Dominique ?
Dominique lui prit la main et l’emmena. Cécile était de plus en plus excitée. Mais elle se heurtait à la culotte de latex.
- Qu’est-ce que c’est que ça ?
- Tu sais j’ai mes règles, alors je mets cela.
- Alors tu ne peux pas ? Bon ça fait rien, on va flirter !
Peu après, Dominique entendit la porte de la chambre du rouquin se fermer.

Le lendemain, Dominique qui avait passé une chemise de nuit très ample mais de ce fait point trop transparente se leva, Cécile s’éveilla. Elle était nue, elle se rhabilla. Main dans la main Dominique et Cécile descendirent pour le petit déjeuner. A peine avaient-ils commencé le petit déjeuner qu’ils virent arriver Agathe et le rouquin baillant passablement. Dominique supporta avec agacement les regards soudain suspicieux du rouquin et d’Agathe. Tous deux le fixèrent un temps. Puis ils se regardèrent. Dominique se leva pour leur servir du café. Au moment où le rouquin était masqué à la vue de Cécile par le corps de Dominique, et comme Dominique se penchait pour le servir, le rouquin fit un signe de va-et-vient avec deux doigts comme pour dire : alors, vous deux. Dominique haussa les épaules pour marquer son indifférence. Agathe choisit une autre voie. Elle alla voir Cécile et s’assit à côté d’elle. Sur un ton gouailleur :
- Alors, tu as sauté ma cousine ? C’est l’inverse ? Un bon coup ?
- Pas mauvais, ma vieille.
- Vous avez ?
- Tu veux encore en savoir long ? Ecoute, c’est pas mon genre de faire des confidences.
- Excuse-moi, mais elle est si prude…
- Pas tant que ça ; pour les aveux, on verra une autre fois.
Agathe comprit ce qui s’était passé, elle imaginait sans peine le prétexte pris par Dominique. Elle fut soulagée. Le rouquin fut plus direct encore, il interpella Dominique :
- Tu as sauté Cécile ?
- Non, j’ai eu la trouille.
Il n’osa pas avouer qu’il n’avait pas la clef du latex. Il ne pouvait avec cette culotte que faire certains exercices, mais sûrement pas se comporter en mâle entreprenant. Pour cela il fallait l’autorisation d’Agathe. Dominique décida de travailler la question.

Entre-temps, Dominique reçut un coup de fil de sa mère. Elle était à Sainte-Maxime de l’autre côté du Golfe de Saint-Tropez.
- Dominique viens me voir.
- Tu sais pour moi ?
- Quoi ?
- Ben comment je vis.
- Oui ta tante m’a dit que tu avais bien changé. Je m’en réjouis et je voudrais voir tes progrès. Je t’aime tellement.
- Et ça ne te pose pas de problème ?
- Non aucun, pourquoi veux-tu que ça m’en pose. Je te donne mon adresse.
- D’accord.

Dominique s’habilla avec sa sage robe à carreaux de l’aller et mit un foulard sur ses cheveux en queue de cheval, prit son sac et partit. Il n’avait pas prévu à quel point faire de la mob en jupe était compliqué. Il ne conduisait que d’une main essayant de retenir robe et jupon. Arrivé à Sainte-Maxime, Dominique devant la glace d’un coiffeur se remaquilla légèrement remit de l’ordre dans sa robe et sa coiffure. Il prit une inspiration. Il monta dans l’immeuble. C’était un immeuble assez modeste. Dominique sonna. Sa mère lui ouvrit :
- Bonjour Mademoiselle vous désirez ?
Dominique comprit aussitôt le malentendu et fondit en larmes. Sa mère, en voyant la réaction de Dominique, comprit sur le champ et se mit également à pleurer. Elle attira Dominique dans l’appartement et le fit asseoir. Soudain, elle éclata de rire.
- Nous sommes trop bêtes de pleurer toutes les deux. Dans le fond tu es si jolie, ma chérie ! J’aurais du comprendre.

Elle lui caressait le visage. Jamais Dominique ne s’était senti si proche de sa mère. Soudain, il se trouvait projeté à l’extrême opposé. Lui déclarer son état provisoire, c’était la lancer dans un abîme d’incompréhension, de culpabilité. Il y renonça, provisoirement du moins. Elle s’écarta et lui demanda de se lever.
- Cette robe te va à ravir. Tiens je vais t’offrir un collier de perles qui me vient de ma mère. Il sera beaucoup mieux sur toi que sur moi. Viens on va faire des courses toutes les deux. Il paraît qu’on peut faire une opération ?
- Il paraît ! répondit prudemment Dominique.
Sa mère avait adopté avec une vitesse surprenante sa nouvelle fille. Elle avait trouvé une complicité tendre qu’elle avait en vain rêvée de son fils. La radicalité de cette conversion surprenait et inquiétait Dominique.
Quand Dominique reprit avant la nuit la route de Saint-Tropez, sa mère lui avait fait promettre de venir la voir à Aurillac.
Quand Dominique fut de retour, Agathe, le rouquin et Cécile l’attendaient pour diner. Agathe le prit à part :
- Alors ?
- Tu savais qu’elle ne savait pas ?
- Non, elle l’a mal pris ?
- Hélas, non. Elle paraît ravie, comme si j’étais né une seconde fois.
- C’est un peu vrai.
- Arrête tes conneries ! termina Dominique en lui tournant le dos.
Cécile s’incrustait un peu. Dominique en était ravi. La situation serait-elle tenable longtemps ? A un moment, Cécile lui glissa :
- Toujours indisposée ?
Dominique alla voir Agathe.
- Cécile insiste. Tu ne pourrais pas me libérer pour un soir.
- Tu en prendrais le risque ?
- Pourquoi pas ?
- Pour l’instant je ne suis pas d’accord, débrouille toi.

Dominique se dit : la garce elle veut demander à sa mère. Il décida de se passer d’elle. Après le diner, il emmena promener Cécile au bord de l’eau. A l’époque la plage était déserte. Quand ils furent loin de la villa, Dominique s’assit sur le sable. Cécile l’avait prise par les épaules. Alors, Dominique parla. Cécile souriait :
- Qu’importe tu me plais.
- Mais il y a encore un problème. Ma culotte c’est une sorte de ceinture de chasteté.
- Tu m’en diras tant ! Alors qu’est-ce qu’on fait ?
- Elle ne s’ouvre que vers le bas.
- Voyons cela.
Cécile était Dieu merci ingénieuse. Et ils virent tout ce qui était possible pour utiliser le peu de masculinité de Dominique.
Cécile en revenant :
- As-tu jamais pensé que tu pouvais faire autre chose malgré ta ceinture ?
- Quoi ?
- Te faire prendre ?
- Tu plaisantes ?
- Enfin tu ne vas tout de même pas t’effaroucher !
- Parce que c’est à toi qui tu penses pour me prendre, comme tu dis ?
- Moi ou quelqu’un d’autre ?
- Toi tout de même, car je ne vois pas d’autre candidat à l’horizon !
- Oh ! ce ne serait pas difficile à trouver. Pour moi, je n’en sais rien. Je n’y ai jamais réfléchi. Tout ça est un peu nouveau.
- Et tu ne diras rien à personne ?
- Non, mais qui sait ?
- Agathe et le rouquin. Enfin lui pas tout, pas pour la culotte.
Cécile, incrédule :
- Agathe sait ?
- Oui.
- C’est elle qui peut te délivrer ?
- Oui, mais ne t’en mêle pas, je t’en supplie.
- Je veux bien. Mais tu ne crois pas que tu devrais m’expliquer à quoi tout cela rime. Parce que, honnêtement, je crois que tu prends plaisir à être une fille.
- Tu crois que j’aime porter cela, dit-il en relevant légèrement sa robe.
- Tu n’as pas l’air d’y être si mal. Et puis cela te va bien. Je t’ai trouvé un charme équivoque. Et puis tu es charmante, douce…
- Arrête de me parler au féminin.
- Tu veux que je t’appelle Monsieur ? Pour moi comme pour toi, il vaut mieux jouer la fille. D’ailleurs tu es une fille. Même quand nous sommes seules tu dis : Je suis prête, et non le masculin. Tu te perçois toi-même plus comme une fille que comme un petit garçon.
- Pourquoi petit ?
- Parce que monsieur, vous n’êtes pas la moitié, voire pas le quart d’un homme, fit-elle en riant et en montrant un petit espace entre ses deux doigts.
Dominique se tourna maussade. Elle s’écria :
- Vanité virile ? Hein ! Elle est résistante ta vanité, parce qu’elle est tout de même un peu malmenée ta virilité. Tu ne trouves pas ?
Agathe de tout l’été ne consentit qu’une seule fois à libérer Dominique.
Celui-ci attendit avec impatience la réaction de Cécile.
- Tu t’attends à ce que je m’extasie ? Eh bien, non ! je ne m’extasie pas. Je me fous de cette chose. J’aime plus en toi la fille que ce qui reste du type. Alors tu peux remettre ta ceinture. Au moins elle contient le type.
Ce soir-là Dominique ne dormit pas avec Cécile et remit sa ceinture.

Le lendemain, Cécile voulut se faire pardonner. On était un 15 août, Cécile se fit câline.
- Aujourd’hui, c’est la Fête-Dieu, traditionnellement je vais à la procession à la Garde Freinet. Il faut préparer parce que chaque année, il y a un pique-nique. Si tu veux bien on va se préparer chez moi.
Ils prirent leurs mobylettes. Arrivée chez elle, Cécile, demanda qu’on lui préparât deux paniers. Pendant ce temps, Cécile emmena Dominique dans sa chambre :
- J’ai encore ma robe de provençale d’il y a deux ans. Elle devrait t’aller. J’en ai acheté une nouvelle cette année. Les filles, on est toutes obligées de s’habiller en costume du pays. Tu verras c’est joli, ces longues jupes très colorés. Moi j’aime bien mettre ce costume et tu verras on danse. Mais d’abord la religion. Il faut que je te trouve une mantille.
Bientôt, aux couleurs prêt Dominique et Cécile étaient habillés comme deux jumelles. Il fallut trouver une voiture en stop pour monter à la Garde-Freinet qui est au sommet d’un col du massif des Maures à 20 ou 30 km de Saint-Tropez. Cécile prévint Dominique :
- Mets-toi dans la chorale. Sinon, tu vas te retrouver à faire le service.
Quand ils arrivèrent à la Garde, la première femme qu’elle rencontra était une femme d’âge mûr également en costume régional. Elle avisa Dominique, lui prit le menton dans la main :
- Qu’elle est mignonne la petiote ! Tu viens chanter, Petite, d’où es-tu donc ?
- De Paris, Madame.
- Bon, chante-moi ce que tu voudras, je voudrais simplement te placer dans le chœur.
Dominique, qui ne chantait jamais, se rappela deux couplets d’une chanson de Dalida. Cécile le regardait stupéfaite. La dame d’âge mûr l’arrêta :
- Petiote, si ta voix pouvait être aussi jolie que ta frimousse ! Va voir la dame que tu vois là-bas, elle va te dire ce que tu dois faire.

Dominique quitta donc provisoirement Cécile et le chœur pour recevoir ses instructions. Elle revint vers Cécile. Celle-ci lui dit de remettre sa mantille, la procession allait partir. Les femmes partaient d’abord. Les hommes après. Dominique ne s’attendait pas à être parmi les hommes, mais espérait être mélangé. D’autant plus que le rouquin lui avait dit qu’il viendrait peut-être. Tout le monde lui faisait compliment de sa robe. Et c’est un fait, il s’était regardé dans une glace, la tenue provençale allait à merveille avec ses cheveux. Pour une fois ses vêtements féminins étaient un déguisement. Quand les femmes, après plus d’une heure de marche et de nombreux chants, arrivèrent elles s’affairèrent en riant. Dominique avait fait semblant de chanter. Mais il s’amusait vraiment au milieu de ses compagnes. Dominique comprit pourquoi les femmes précédaient les hommes, il s’agissait de préparer le pique nique. Les hommes arriveraient pour la messe en plein air puis mettraient les pieds sous la table.

Cécile et Dominique participèrent à l’installation du pique nique. Les femmes rejoignirent le prêtre et l’aidèrent à installer l’autel. Les hommes arrivèrent enfin. Les femmes étaient d’un côté de l’autel, les hommes de l’autre. Quand la messe fut finie, les hommes se dirigèrent d’un pas tranquille vers le stables à tréteaux que les femmes avaient installées sous les chênes lièges. Cécile rejoignit le chœur qui chantait pour l’agrément des hommes qui ripaillaient. Dominique fut affecté au service de quatre hommes. Il dut apprendre à effectuer un service rapide, il devait notamment servir le vin. Il s’aperçut que deux des hommes qu’il devait servir lui tournaient le dos. L’un était roux, l’autre blond. Tous deux en costume provençal. Dominique n’en crut pas ses yeux. Le rouquin et Agathe, vêtue en homme, cela n’aurait jamais de fin. Mais ce qui lui était le plus pénible était ce statut servile devant son copain. Etre obligé de se comporter en fille, passe, mais en servante c’en était trop.
Dominique comprit qu’Agathe avait manœuvré pour être servie par Dominique. Le rouquin le regarda stupéfait, puis se marra :
- T’es chouette en Provençale.

Dominique répondit au compliment par une révérence. Dominique dut satisfaire tous les caprices d’Agathe qui demandait du vin, puis le rappelait ayant changé d’avis. Puis les hommes redescendirent, laissant les femmes déjeuner rapidement et ramener les paniers vides. Le reste, un tracteur viendrait le prendre le lendemain.

A la Garde Freinet, une fête folklorique était prévue. Dominique dut danser parmi les filles pendant une heure. Puis les garçons de mêlèrent à la danse. Agathe avait décidé d’être le cavalier de Dominique. Tard dans la soirée, Dominique dansait un slow avec Agathe quand il sentit quelque chose de dur contre son ventre, alors qu’Agathe le serait dans ses bras. Il regarda Agathe qui sourit. Il comprit ce qui allait lui arriver. Agathe avait pas mal bu. Au second slow, elle prit Dominique par la taille et l’entraîna vers la campagne. La nuit était claire. Quand ils arrivèrent dans un clairière, Agathe lui dit de s’étendre sur le dos. Elle se mit sur lui, lui écarta les jambes, le caressa sous sa jupe puis releva jupe et jupons. Elle lui arracha sa culotte. Elle obligeait Dominique à se soulever. Tout à coup, Dominique sentit un bâton dur entrer en lui. Il chercha à résister, mais l’objet était déjà bien entré et Agathe l’écrasait et lui avait pris les deux poignets dans ses mains. Ecartelé, il ne pouvait faire usage de ses jambes. Après s’être agité quelques minutes, il devint plus passif et se laissa aller au rythme qui s’accélérait et que lui imprimait Agathe. Fatigué il ne résista plus au viol, il referma ses jambes autour de la taille d’Agathe et se soumit entièrement au mouvement qu’elle lui imprimait, puis il sentit une substance chaude en lui. Elle avait trouvé le moyen de simuler une éjaculation. Puis Agathe reposa sur lui. Il ne bougeait plus. Il n’osait pas repousser Agathe et attendit qu’elle décidât de se retirer de lui. C’est à ce moment que les larmes lui vinrent aux yeux. L’humiliation ne venait pas tant du quasi-viol. Il y était résigné et s’attendait à ce que cela arrivât un jour ou l’autre. Elle venait du fait qu’il avait résisté pour la forme et avait éprouvé du plaisir. Il avait ainsi l’impression de franchir une nouvelle étape dans la fuite qui l’éloignait de sa vie de garçon. Puis quand Agathe se releva, il remit sa culotte, se releva, remit de l’ordre dans sa jupe et son corsage. Il courut faire ses ablutions aux toilettes, se recoiffa et se remaquilla un peu, puis rejoignit les danseurs. Cécile qui s’était inquiétée de sa disparition le regardait d’un air soupçonneux. Dominique était bien décidé à garder le secret sur ce qui lui était arrivé. Il espérait qu’Agathe en ferait autant. D’ailleurs, comme elle était loin d’être irréprochable dans l’affaire, l’intérêt mutuel au silence rassurait. Dans les bras de Cécile il repensait à son arrivée à la gare de Lyon quand il avait vu Agathe pour la première fois, comment aurait-il pu imaginer ce qu’il venait de subir.

L’été se passa, le supérieur de Saint-James intervint auprès de la supérieure de Sainte-Agnès-de-Neuilly et Dominique entra en cinquième, pendant qu’Agathe commençait sa troisième. Les deux filles n’étaient pas dans la même cour. Tante Julie avait fait un mot pour qu’Agathe puisse venir chercher Dominique pour la ramener à la maison. Celle-ci n’avait pas le droit de quitter le cours si Agathe n’était pas venue la chercher. En plus Agathe avait le droit de porter des bas, des jupes droites et des talons hauts. L’écart des tailles, qui s’était encore creusé, était accentué par les talons hauts. Agathe apparaissait de plus en plus comme la grande sœur de Dominique. C’est dans le fond ce qui humiliait le plus Dominique de se trouver sous la tutelle de sa cadette. Il aurait voulu sinon être sa supérieure, du moins son égale. Mais plus le temps passait, plus l’écart des tailles, des forces physiques et surtout de la force morale se creusait. Agathe faisait travailler Dominique. Comme il n’était pas doué, Agathe, qui avait son propre travail, s’énervait. Un jour où Dominique peinait sur un problème simple de maths, elle le gifla. Dominique se mit à pleurer comme une petite fille. Agathe le consola aussitôt. Plusieurs fois par la suite quand elle se levait brusquement Dominique se protégeait comme si elle allait le brutaliser. Malgré ses réticences, il avait pris l’habitude de demander à Agathe si elle l’autorisait à aller chez une copine. Agathe veillait sur lui mais de façon assez libérale.

En dehors de l’école, et quand tante Julie n’était pas là, elle l’autorisait à se maquiller et à mettre des bas.

C’est à ce moment que Dominique fit d’étranges retrouvailles. On annonça l’arrivée d’une nouvelle dans la classe. Une grande jeune fille un peu dégingandée surgit en petite jupe plissée. C’était Cécile. Quand les deux filles se virent elles se précipitèrent dans les bras l’une de l’autre. Dominique obtint l’autorisation de se placer à côté de Cécile. A la récréation, Cécile lui raconta :
- Comme je ne fais rien en classe, tu ne peux pas savoir ce que je suis en retard…
- Oh ! moi aussi !
- Alors mes parents ont sévi. Je m’attendais à un séjour infernal.
- Tu verras ce n’est pas drôle.
- Oui, mais tu es là. Tu te rends compte de leur tête, s’ils savaient qu’à côté de moi, j’ai amené mon amant. Ça me fait drôle de te voir en petite jupe plissée.
- Moi aussi. Qui aurait deviné qu’on serait toutes les deux enfants de Marie ?
- Tu parles toujours au féminin ? Dans le fond c’était déjà comme ça sur la Côte.
- Oui évidemment, à part toi, personne ne connaît la vérité.
- On pourra se voir souvent.
- Tu sais, je ne suis pas très libre, Agathe me surveille tout le temps.
- Tu n’as qu’à lui dire que tu veux qu’elle te foute la paix.
- Je ne peux pas.
- Pourquoi ? Tu as l’air d’avoir peur d’elle. Elle te bat ?
Dominique fondit en larmes. Cécile essaya de la consoler. Mais un regard sévère de la professeure de français sépara les deux amies.

Dominique avait dû apprendre à se faire à l’ambiance d’une école de filles. Papotages, rires étouffés, histoires de garçons racontées avec un mélange d’effronterie et de crainte. Et puis, cette intimité, les filles le prenaient par la main, tout le monde s’embrassait tout le temps. Ce besoin des filles de parler et de toucher… L’habitude lui était aussi venue de parler avec ses amies en leur tenant la main ou de suspendre à leur bras. Dominique était invité chez certaines filles. Dominique envoyait ses amies en demander l’autorisation à Agathe. Les filles étaient un peu surprises mais se montraient compréhensives. Si Agathe consentait, elle veillait sur la tenue de Dominique qu’elle choisissait aussi féminine que possible. Robes amples, bas quand tante Julie était en voyage, talons mi-hauts, coiffure compliquée, gants, etc. La plupart du temps, cela introduisait un fort décalage vestimentaire. Pas trop gênant si l’amie, qui avait invité Dominique, le recevait seule. Plus gênant quand il y avait plusieurs autres filles. Dominique avait du mal avec une robe ample et de petits escarpins à jouer au ballon. Il se trouvait ainsi un peu à l’écart des jeux des autres filles. Comme s’il avait été trop fragile pour y participer.

Même difficulté, quand Dominique revoyait le rouquin, seul ou avec d’anciens copains de classe. Agathe soignait alors Dominique. Robe rose avec des volants, nœud dans le dos, décolletée, cheveux déployés sur les épaules. Dominique prenait alors conscience du bruissement incessant des jupons de tulles, des bas, du cliquetis de ses talons. Quand il se penchait en avant ses cheveux lui recouvraient le visage l’obligeant à les rejeter en arrière de la main ou d’un mouvement de la tête. Quand il jouait avec ses copains au flipper, sa fausse poitrine bougeait. Et Dominique voyait bien que ses copains s’en apercevaient, même s’ils ne faisaient aucun commentaire. Le rouquin réussissait à mettre Dominique à peu près à l’aise quand ils étaient en tête à tête. Il abordait les choses franchement.
- C’est Agathe qui t’habille comme ça ?
- Elle te l’a dit ?
- Oui, elle m’a expliqué que tu étais puni et que sa mère la chargeait de te surveiller. C’est dingue !
- Bah ! Tu sais à la longue je m’y fais.
- Je le vois bien.
- Tu trouves que je m’y fais trop bien ?
- J’ai pas dit ça. Si tu ne peux pas faire autrement, mieux vaut que tu aies l’air d’une fille que d’un travelo. Mais le problème c’est que tu as de plus en plus l’air d’une fille.
- Je m’en rends compte. Mais on s’y fait. Tu sais les cheveux, l’habitude quoi.
Montrant sa robe, Dominique continua :
- Tu es bien obligé avec tout ça, de faire comme les autres filles.
- Tu vois, tu dis les « autres filles » !
- Comment veux-tu que je dise ?
Pendant que le rouquin, lui répondait, Dominique s’était placé devant une glace du salon, avait sorti une brosse de son sac, se donnait un coup de brosse en murmurant :
- J’ai l’air d’une sorcière.
Le rouquin lui jeta un regard inquiet.

Dominique, à la mode de l’époque en dehors de l’uniforme, était forcé par tante Julie de s’habiller de façon aussi féminine que possible. Il y avait longtemps qu’il avait renoncé à toute velléité de résistance. Il ne négociait que sur les modalités. Ainsi, souhaitait-il combler l’écart qui le séparait du statut d’Agathe autorisée à s’habiller en femme alors que, lui, l’était presque en petite fille. Agathe s’appuyait ces différences pour lui faire sentir son infériorité, pour cela, en allant à l’école, elle lui faisait réciter ses leçons ses leçons à Agathe. Mais quand ils sortaient, il comblait un peu l’écart entre eux en s’habillant comme Agathe. Il avait au début beaucoup résisté aux cours de couture. Soudain son attitude changea. Il s’appliqua et passa désormais l’essentiel de son temps libre à faire de la couture. Il cousait vite, adroitement. Tante Julie avait été un peu surprise de ce revirement, mais comme il allait dans son sens, elle avait laissé faire. Elle comprit bientôt. La première robe qui sortit de des mains de Dominique était très décolletée et moulante. Elle faisait femme. Sa tante lui dit qu’elle avait gagné le droit de la porter. Quand elle l’eut mise, elle s’aperçut qu’elle était tellement serrée qu’elle ne pouvait tirer la fermeture éclair dorsale seule. Tante Julie s’amusa :
- C’est bien, continue de fabriquer des robes que tu ne peux pas mettre toute seule, cela nous permet à Agathe et à moi de surveiller comment tu t’habilles. Les disciples de Saint-Simon, l’utopiste du XIXe siècle pas le mémorialiste, recommandait à ses disciples de porter des chemises qui se boutonnent dans le dos pour développer l’esprit de solidarité. Tu es une sorte de petite saint-simonienne.

Dominique ne se découragea pas et se fit toute une garde robe : robes décolletées, jupes droites… Il retailla à ses mesures des robes d’Agathe devenues trop petites pour elle. Et ce qui arrive à chacun en bien d’autres matières, à mesure qu’il cousait mieux, il y prenait plus goût. Il dessinait ses modèles, puis en réalisait certains. Agathe lui commanda une robe, Cécile un manteau cintré qui mettait en valeur sa silhouette longiligne. Un jour, Cécile par mégarde lui dit alors qu’ils prenaient un pot avec le rouquin :
- J’ai plusieurs copines qui voudraient te commander une robe comme celle que tu m’as faite !
En voyant rougir Dominique, Cécile comprit sa gaffe. Trop tard. Le rouquin perplexe :
- Tu fais des robes maintenant ?
- Oh, juste pour rendre service.
- Ecoute, cela ne me regarde pas. Je n’ai pas à te juger. Tout de même tu ne crois pas que tu dérapes ?
Cécile vint au secours de Dominique :
- La couture est aussi un métier d’hommes, regarde les tailleurs, les grands couturiers.
- Les grands couturiers, ce n’est pas ce qu’on fait de plus viril !
- Dominique non plus n’est pas ce qu’on fait de plus viril.
Le rouquin préféra se taire, il allait vexer son copain. Dans le fond si ça lui plaisait !

Une autre voie pour s’établir sinon sur un pied d’égalité par rapport à Agathe était d’obtenir de porter des bas et pas seulement pour les soirées habillées avec une robe longue. Dominique mettait le plus souvent possible des robes et des jupes très amples. Leur volume venait de jupons composés de tulle et de volants d’organza et de soie. Dominique se plaignait à juste titre que le contact du tulle était désagréable sur des jambes nues alors qu’il était presque insensible sur des bas. D’où la nécessité de porter des bas en dehors de l’uniforme. C’était un premier pas pour les revendiquer bientôt avec l’uniforme. Tante Julie finit par y consentir, car cette revendication de féminité lui paraissait de bon augure. Pour le maquillage, l’argumentation était un peu différente. Dominique prétendit qu’elle pensait à devenir esthéticienne. C’était là une vocation qui convenait parfaitement à tante Julie et à Agathe. Car elles avaient aussitôt trouvé que c’était tout à fait ce qu’il fallait à Dominique. Il y avait du mépris et du calcul dans cet acquiescement. Que ne lui aurait-on accordé pour le fixer dans l’univers féminin ? Cette ruse lui permit de gagner du temps et de remonter d’une marche sur le podium que dominait Agathe. Dominique avait ensuite intrigué, pour une fois avec la complicité d’Agathe. Il essayait de convaincre sa directrice de division que compte tenu de son âge, il pourrait être également autorisé à l’école à se maquiller légèrement et à porter des bas. Agathe expliquait qu’en effet, Dominique était surtout avec ses propres amies et que le fait d’avoir l’air d’une petite fille avec des socquettes aggravait ses complexes quand elle sortait avec ces filles, toutes plus jeunes qu’elle. Le problème du même coup se posait pour Cécile. La directrice finit par céder, se promettant de ne plus prendre d’élèves avec deux ans de retard. Un jour, Dominique arriva à l’école avec un léger rouge à lèvres, les yeux faits et des bas noirs. Cécile était effarée :
- Tu es folle ? Tu vas te faire virer.
- Non, j’ai le droit.
- Ah ! salope quelle chance tu as !
- J’ai obtenu la même chose pour toi. Dès demain tu peux te maquiller légèrement et mettre des bas.
- Et les talons hauts ?
Dominique plia sa jambe, vers l’extérieur pour montrer sa chaussure et répondit :
- Mi-hauts.
- C’est vrai je n’y avais pas fait attention, tu es presque aussi grande que moi.
Elle se rapprocha de Dominique pour comparer leurs tailles.
- Même avec les talons, je suis tout de même plus grande. Tu sais je préférerais être petite comme toi. Pour une fille, je ne trouve pas ça bien d’être trop grande. Pourvu que je ne continue pas à grandir. Après, ça restreint ton choix parmi les garçons. Oh ! je te parle comme si tu étais une vraie fille. C’est vrai, ce n’est pas ton souci. Toi c’est l’inverse, si tu devenais un garçon, tu serais trop petite pour les filles. Je m’emmêle, je ne sais plus comment te parler. Allez, il faut que je m’y fasse, tu es une fille. Donc tout va bien.

Le lendemain, Cécile mettait également ses bas. En classe, Cécile frottait sa jambe contre celle de Dominique. Ces effleurements, ces glissements les excitaient tous deux. A la récréation, Cécile prit Dominique par la main et l’emmena dans une salle désaffectée de travaux pratiques. La porte refermée, Cécile prit les cheveux de Dominique dans sa main gauche, lui tira la tête vers l’arrière et l’embrassa. Puis sa main droite, releva légèrement la jupe de Dominique, et parcourut la cuisse sur sa face interne remontant lentement le long du bas, puis franchit la limite du bas, s’attarda sur la peau, remonta lentement entre les jambes de Dominique et massa, le petit clitoris qui en fait correspondait à une zone érogène de la virilité emprisonnée de Dominique. Ils atteignirent le plaisir en même temps.
Cécile regarda Dominique et murmura :
- Me voici lesbienne, je crois.
Elle regarda Dominique en riant et lui dit :
- Va, ma chérie, va faire tes ablutions féminines.
Dominique s’esquiva en vitesse vers les toilettes. Cécile la laissa partir et se la représenta accroupie… et rigola franchement.

Cécile prit l’habitude d’exciter Dominique en mêlant leurs jambes dans de glissantes caresses, masquée par le pupitre, de relever la jupe de Dominique et de la caresser jusqu’à la limite du bas. Cécile en revanche interdisait que Dominique en fît autant. Elle ne supportait pas la moindre intrusion sous sa jupe. La seule fois où Dominique s’y essaya, dans la salle de travaux pratiques, Cécile le reprit par les cheveux, lui tirant à deux mains brutalement la tête en arrière. Cécile approcha ses lèvres de la bouche de Dominique, non cette fois-ci pour l’embrasser, mais en sifflant entre ses dents :
- C’est un geste de mâle que je ne veux jamais te voir refaire. Tu es une femelle. Mets-toi cela dans ta petite tête !

Ce fut la seule altercation avec Cécile. Dominique tenait trop à elle pour ne pas obtempérer. Ainsi, sa libido se développa-t-elle à cet âge de construction selon une voie particulière. Il associa le plaisir à la passivité, aux caresses subies et désirées. Il mesurait sa séduction sur la montée visible du désir sur le visage de Cécile. Certaines postures, quand il cambrait la taille en mettant en valeur sa poitrine, un demi-sourire pouvait faire sentir à Cécile qu’il était prêt à s’offrir. Peu à peu un code s’était établi entre eux. Le crépitement de signes annonciateurs de la montée du désir s’exprimait chez Dominique par des postures lascives, chez Cécile par une tension croissante. La seule avance tolérée par Cécile était des caresses de plus en plus savantes de Dominique, bas contre bas. Les massives tables d’écolier cachaient en partie ces jeux. Mais pas sous tous les angles. Le risque accroissait d’ailleurs le plaisir. Ce qui échappait aux professeurs n’échappa pas longtemps à la classe. Dominique et Cécile furent classées à l’époque dans ce qu’on appelait les amitiés particulières. Il y avait une certaine tolérance, surtout pour des filles, qui n’abolissait pas pour autant la transgression. En tout cas, sans pleinement sans rendre compte, la sexualité de Dominique, tout comme celle de Cécile, avait pris une orientation. Dominique voyait bien que son comportement n’était pas approprié à un garçon, mais il tablait sur ce sujet, comme sur les autres, sur la réversibilité. Ce dont il prenait vaguement conscience, tout en se le cachant, c’est que sa pilosité était bien peu développée. Et le peu qui apparaissait était impitoyablement pourchassé par Agathe et sa pince à épiler. Dominique se posait des questions en voyant des garçons plus jeunes que lui se raser. A la fois il était embarrassé d’être aussi en retard et il s’en réjouissait. Car qu’aurait-il fait d’une barbe ? Un soupçon lui était venu. Il avait lu dans France Soir que Coccinelle était devenue une femme, notamment grâce aux hormones. Est-ce que tante Julie serait capable de faire cela ? Là encore, en regardant des dictionnaires médicaux, il avait eu l’impression, mais sans comprendre grand chose, que les effets de ces traitements hormonaux étaient réversibles. Dominique s’accrochait à l’hypothèse générale de la réversibilité pour accepter une féminisation croissante, qui lui semblait le rapprocher d’un mythique point de flexion qui amorcerait le retournement. Et si Dominique se percevait intensément comme une fille, il n’envisageait pas d’être une femme. Il voyait sa situation actuelle un peu comme une sorte de phase adolescente qui tout naturellement, après la puberté, le ramènerait dans une voie plus normale. « Tout naturellement » ; il savait bien que cela ne voulait rien dire. La nature, c’était la volonté de Tante Julie, et non une sorte de fatalité astrologique. Or tante Julie faisait mystère de ses projets.

Un jour, Agathe avait pris grand soin de préparer Dominique pour l’anniversaire d’une amie de classe. Elle lui avait mis une robe de velours grenat avec l’habituel grand nœud dans le dos, des manches courtes et bouffantes ourlées de fines dentelles, les mêmes dentelles au décolleté, au bas de la jupe comme si un jupon dépassait. La robe portée sur des jupons bouffants faisait un large mouvement autour de Dominique. Ses cheveux descendaient déjà jusqu’au milieu du dos. Ils étaient rassemblés sagement derrière la tête par un grand nœud de même couleur que sa robe et se déployaient librement jusqu’au nœud de la robe. Il avait mis des bas noirs avec une couture et des escarpins très hauts. Il portait un minuscule sac accroché à son poignet. Agathe l’avait soigneusement maquillé, notamment avec un rouge à lèvres d’un rouge intense, le même que sur ses ongles de mains et de pieds.

Arrivé chez la jeune fille, Dominique s’aperçut que de toutes les filles qui étaient là, il était la plus coquette. Cécile n’avait pas été invitée. Les filles, en l’absence de Cécile, le considéraient presque comme une célibataire en goguette. Dominique le sentait et n’osait bouger. Les filles mirent de la musique. Et une de ses camarades, plus hardie que les autres, l’invita à danser. Elle conduisait Dominique avec adresse et dynamisme. Les filles se mirent à danser ensemble. Se disputant peu à peu Dominique. Au moment de rentrer, Dominique eut une inspiration, il emprunta sous le sceau du secret à plusieurs filles de l’argent pour prendre un taxi. Il eut de quoi payer plusieurs courses. C’était l’hiver, Dominique avait un chaud manteau de fourrure. Pour charger encore le trait, sa tante et Agathe lui avaient choisi un manchon de fourrure et une toque identiques au manteau. Quand il partit, il marcha un peu au hasard. Au bout d’une heure, il commença à avoir mal aux pieds : les hauts talons, la danse, la marche… En cherchant l’heure, il vit une horloge, celle du campanile de la gare de Lyon. Il se dirigea vers la gare, demanda un billet de troisième classe pour Aurillac. Il compta son argent. Il n’en avait pas assez. Il demanda un ticket de quai. Puis il monta dans le train de nuit d’Aurillac. Au bout d’une heure, il eut froid, il s’allongea sur la banquette, recroquevillant ses jambes sous sa robe. Quand le contrôleur arriva il dut le réveiller. Comme le contrôleur se mit à verbaliser, Dominique n’eut pas beaucoup à se forcer pour fondre en larmes. Le contrôleur s’assit devant lui. Il avait un accent de la Lozère et roulait incroyablement les « rrrr ». Dominique lui dit à peu près la vérité : pas d’argent, sa volonté de retrouver sa mère à Aurillac. Le contrôleur réagit au-delà de toute espérance.
- Bon, écoute, ce n’est pas dramatique. Dors tranquillement. Quand on sera à Aurillac, je te conduirai en voiture chez ta mère. Tu ne peux pas marcher dans la neige avec ces chaussures. Tu sais j’ai une fille de ton âge et je n’aimerais pas qu’elle voyage comme toi. Mais j’aimerais encore moins qu’on lui fasse du mal. Bonne nuit, petite.

Les retrouvailles avec sa mère furent beaucoup plus faciles que la première fois. La mère de Dominique avait pleinement assimilé le fait d’avoir une fille. Et elle se fit un plaisir de lui acheter tout ce qu’il fallait en ville pour se changer. Elle ne pouvait en effet conserver tout son séjour cette robe habillée.
- Et puis ma chérie, il faut que tu aies ici quelques robes, jupes, chemises de nuit que tu puisses venir quand tu veux. J’ai d’ailleurs jeté toutes tes vieilles affaires.

Dominique était avec sa mère dans la grand’rue d’Aurillac. Ils n’avaient pas encore fait leurs emplettes, et Dominique portait son manteau de fourrure ouvert sur sa robe de velours et était juché sur ses escarpins. Une fille que Dominique reconnut aussitôt se précipita sur la mère de Dominique et l’embrassa sans prêter attention à Dominique :
- Madame, comment allez-vous ? Avez-vous des nouvelles de Dominique ? Il ne m’écrit jamais.
- Tu vas en avoir de vive voix.
- Il est à Aurillac ?
- Bien sûr, il est arrivé hier.
- Vous lui direz de m’appeler.
La mère de Dominique s’amusait manifestement :
- Ce ne sera pas utile.
La jeune fille regardait les deux femmes un peu décontenancée par cette esquisse de jeu de chat et de la souris. Puis elle se dit qu’elle ne s’était pas présentée à la jeune fille.
- Violaine, bonjour, j’étais en quelque sorte la petite amie de Dominique.
Devant l’hésitation de Dominique, sa mère intervint :
- Hé bien Violaine, embrasse-la, c’est Dominique.
La fille regardait Dominique incrédule, mais peu à peu, en retrouvant les traits familiers, elle le reconnut. Elle s’avança gauchement et fit deux bises distantes. Dominique était tout aussi contracté. Violaine reprit difficilement la parole :
- Excuse-moi, cela me fait un choc. Qu’est-ce qui t’arrive ? Tu te déguises ?
- Oui et non. Tu sais il faudra que je t’explique.
La mère intervint pour soulager le malaise :
- Si tu peux, Violaine, passe cet après-midi à la maison, vous pourrez bavarder un peu. En plus, nous sommes pressées, nous avons plein de courses à faire.
Violaine promit.

La mère de Dominique avait envie de faire quelque chose pour se donner l’air de participer à la construction de la nouvelle personnalité de Dominique. Elle choisit de lui permettre de s’habiller plus femme. Elle acheta à Dominique un tailleur noir très moulant, avec une veste très échancrée à porter sur la peau. Quand on se penchait on voyait un peu de dentelles noires du soutien-gorge. Dominique garda le tailleur noir et empaqueta sa robe. On acheta des escarpins à aiguille noirs très fins. Dans la rue, Dominique avait quelque mal à marcher, entre l’entrave de la jupe et les échasses. Sa mère appréciait au contraire que le vêtement féminisât encore plus les gestes de Dominique. Elle avait décidé de rayer le garçon de sa mémoire et était follement fière de sa fille. Et elle choisit de lui faire franchir un rite d’initiation. Elle décida de lui percer les oreilles. Quand ils furent revenus, sa mère offrit à Dominique deux pendentifs anciens.

L’après-midi, Violaine, après avoir hésité, se rendit chez Dominique. Celui-ci s’était fait un chignon, que la longueur de sa chevelure rendait très épais. Il s’était maquillé pour faire plaisir à sa mère avec un rouge à lèvres incandescent. Quand Violaine arriva, Dominique l’embrassa à nouveau mais en lui effleurant les joues pour ne pas laisser de trace de rouge à lèvres. La mère de Dominique les laissa dans la pièce de séjour. Dominique essaya d’être naturel. Il prit Violaine par l’épaule et l’entraîna dans le salon. Grâce à ses talons hauts, il était plus grand qu’elle. Cela aussi affectait leurs rapports. Ils s’assirent sur un canapé. Violaine regardait de tous ses yeux son ancien petit ami, les deux jambes gainées de bas noirs bien jointes, la jupe remontée au dessus des genoux, les dentelles des dessous dans l’échancrure de la veste… Et puis cette masse de cheveux, cette poitrine, ce maquillage, alors qu’elle-même n’en portait pas. Violaine se racla la gorge :
- Tu sais, j’ai été un peu surprise…
- Je le crois.
- Surprise, le mot est faible, déroutée. Qu’est-ce qui t’arrive ? Je ne crois pas que tu déguises. Ces cheveux, ce sont les vrais ?
- Oui, je les porte jusqu’au milieu du dos.
- Tu es donc vraiment devenue une fille ?
- Oui et non.
- Cette poitrine, c’est, c’est… une vraie ?
- Non.
Dominique raconta alors son histoire. Le regard de Violaine fuyait Dominique sans pouvoir s’en détacher, il revenait sur Dominique aimanté par une attraction irrésistible. Ce fut au tour de Dominique d’interroger Violaine.
- As-tu dit à quelqu’un que tu m’avais rencontré ?
- Non à personne.
- Le diras-tu ?
- Non je ne crois pas. Je ferais ce que tu me diras.
- Je préférerai que tu ne le dises pas.

Puis ils changèrent de sujet. Peu à peu la complicité se rétablit en évoquant le passé, les amis perdus de vue par Dominique. Violaine s’habituait à discuter avec cette ancienne amie. Ils décidèrent d’aller au cinéma. Quand ils furent assis et qu’ils se sentirent protégés par l’obscurité, Violaine mit sa tête sur l’épaule de Dominique comme ils faisaient autrefois. Le bras de Dominique entoura aussi les épaules de Violaine. La tête de Violaine reposait à la fois sur l’épaule de Dominique mais aussi sur sa poitrine. Violaine se décrispa en un instant. Puis elle passa sa main droite, sous la veste de Dominique et caressa doucement la peau, la main s’habitua peu à peu à passer sous la bretelle de soutien gorge. Puis la main descendit et se posa sur le genou finement gainé de Dominique. Celui-ci décroisa les jambes en crissant. Violaine s’était habituée. Quand ils sortirent, Violaine passait son bras franchement sous celui de Dominique. Elle s’habituait à la fourrure imprégnée d’un parfum féminin. Elle se sentait entre filles tout en retrouvant ses anciennes sensations des flirts passés. Ils retournèrent chez Dominique, dans sa chambre. Ils ne se déshabillèrent pas, bien que le flirt fût quelque peu compliqué par la jupe très étroite de Dominique. Celui-ci ne tenait pas à avoir à s’expliquer sur la ceinture. Dignité de mâle. Violaine se sentait happée par ce charme trouble. Dominique avait conscience qu’il ne fallait pas rompre cette magie.
- Quand retournes-tu à Paris ?
- Je ne sais pas encore. Ma mère s’est expliquée avec tante Julie. Elle lui a fait accepter que j’avais besoin de respirer.
- Tu respires là ?
- Oui, j’ai craint le retour à Aurillac.
- Je te comprends. Tu sais je me suis vite habituée. Mais cela m’a fait un choc.
- J’imagine. Comment peux-tu me supporter ainsi ?
- Je ne sais pas. Tu sais, je crois finalement que je te préfère comme tu es maintenant. Et toi ?
- Je ne sais pas. J’ai haï ces tenues. Et puis je m’y fais.
- Tu parles, plus coquette tu meurs. Regarde avec quel soin tu es habillée. Je ne peux même pas te concurrencer sur ce terrain. Sauf, peut-être, du moins j’imagine, si nous étions toutes nues. Et encore n’est-ce peut-être que provisoire…

La mère de Dominique avait obtenu un certificat médical pour une semaine. Le temps était donc plus compté qu’il ne pensait. Sa mère, ravie, vint voir Dominique dans sa chambre :
- Tu sais, ma chérie, ce qu’on va faire, on va inviter tous tes anciens amis pour une fête.
- Tu es folle. Jamais.
Dominique eut toutes les peines du monde à combattre ce projet.
Un jour en se promenant avec Violaine à Aurillac, ils rencontrèrent un ancien camarade de classe qui avait reconnu Violaine. Il fixait Dominique, intrigué. Violaine prévint sa question :
- Dominique, la cousine germaine de l’autre Dominique, ils se ressemblent beaucoup. En plus avec les mêmes prénoms, tu parles !
- Je préfère de loin cette Dominique au cousin. Je ne sais pas, Violaine ce que tu as pu trouver à cet avorton.
Dominique après la première tension, s’était relâché et commençait à s’amuser. Il en rajouta :
- C’est vrai mon cousin est un petit macho prétentieux.
Le copain de classe sentit que c’était le moment de se vanter et de se mettre en valeur :
- Qu’est-ce que j’ai pu lui claquer le beignet à ton cousin. Et plus je cognais, plus il était collant.
- Cela ne m’étonne pas, il était couard et fayot.
- Je l’ai même viré de ma bande.
Le copain sentit qu’il prenait des risques vis-à-vis de la cousine, car Violaine pouvait à tout moment rétablir sèchement la vérité. Quand il fut parti Dominique et Violaine s’amusèrent de la situation. Dominique :
- Tout de même le fait d’être une fille a des avantages. Je suis débarrassé de toutes les petites rivalités, des combats de coq des garçons.
- Oui mais tu as les rivalités féminines.
- Pas avec toi.
- Qui sait ?

Le copain répandit dans tout Aurillac que Dominique avait une cousine, un canon. Les copains décidèrent d’improviser une boum en l’honneur de la fameuse cousine. Le vrai Dominique s’était gardé bien des amitiés et à ce titre aussi la fameuse cousine méritait d’être célébrée. Violaine et Dominique allèrent ensemble à la partie. Violaine voulut emprunter la robe que Dominique avait en arrivant. Dominique se mit en tailleur noir. Dominique avait la trouille. Ses copains seraient-ils aussi aveugles que le vantard ?

En fait, la difficulté ne vint pas du fait que Dominique fût démasqué. Ce fut l’inverse, les copains crurent trop intensément à la légende de la cousine. Ils se firent très pressants. L’un réussit même à coincer Dominique dans le grenier où ils étaient montés sous un prétexte futile. Il se mit à embrasser Dominique malgré sa résistance. Il passa la main sous la jupe. Il ne put pas la remonter très haut tant elle était étroite, mais réussit en mettant la main où il le souhaitait à se convaincre encore plus, si c’était nécessaire, de la féminité de Dominique. Le lendemain, il s’était vanté partout de ses exploits. Violaine interrogea Dominique sévèrement :
- Qu’est-ce que cette histoire ? Je répète les choses comme il les a dites, il t’a mis la main au panier. Il prétend que tu es une vraie fille !

Dominique se débattit dans des explications embarrassées. Devant la méfiance croissante de Violaine, il ne vit plus qu’une solution. Il avait mis une jupe paysanne très ample. Il prit la main de Violaine et lui permit de reconnaître à travers sa culotte. Elle la retira horrifiée. Puis il lui expliqua.

Le séjour était presque terminé, quand un soir en rentrant seul de chez Violaine, un type l’accosta. Dominique chercha à s’en défaire, mais le type était d’autant plus lourd qu’il était saoul. Dominique essaya de courir, impossible avec son maudit tailleur. Comme le type essayait de l’embrasser, Dominique releva sa jupe autant qu’elle put et donna un violent coup de genou au bas ventre pour neutraliser le monsieur. Il se tordit de douleur et lâcha prise. Dominique courut aussi vite qu’il le put. Le type le rattrapa bientôt et commença à cogner. Dominique cria. Une patrouille de flics qui passait s’arrêta et embarqua le type. Mais ils insistèrent pour que Dominique vienne témoigner et porter plainte. Un des flics allait enregistrer le témoignage de Dominique, quand il abaissa les yeux sur la carte d’identité. Il siffla avec un demi-sourire. Il s’esquiva promptement, puis revint avec un copain.
- Bon le travelo, tu vas nous faire une bonne pipe.
Ils forcèrent Dominique à s’agenouiller devant eux. Il se mit à glapir. Il reçut une gifle :
- Ta gueule, sinon on te fait tomber pour racolage.
Soudain la porte s’ouvrit, le commissaire passa la tête et vit la scène. Les deux flics, penauds, s’esquivèrent. Le commissaire, glacial, les laissa passer. Les deux flics ne perdaient rien pour attendre. Gentiment à Dominique :
- Mademoiselle, je suis navré de ce qui vient de se passer. Suivez-moi dans mon bureau. Mais avant reprenez vos affaires.
Dans le bureau, le commissaire lui demanda ce qui s’était passé. Il écouta puis interrogea :
- Tout de même je ne comprends pas pourquoi ces deux fonctionnaires se sont ainsi déchaînés. Quoiqu’il en soit, vous avez eu de la chance que je sois passé au commissariat. Vous avez une explication ?
Sans un mot, Dominique qui avait très bien reconnu le commissaire lui tendit sa carte d’identité. Le commissaire la retournait distraitement dans ses mains.
- Je vois, je vois. Tout de même ce nom me dit quelque chose.
Dominique lui rafraîchit la mémoire et dut une fois de plus raconter son histoire. Le commissaire de plus en plus stupéfait :
- Mais c’est barbare. Je vais vous sortir de là.
Devant la réticence de Dominique :
- Vous craignez d’attirer des ennuis à votre mère ? Savez-vous comment on appelle cela, c’est du chantage affectif. Une forme particulièrement haïssable du chantage.
- Oui je crains ça. Mais ce n’est pas tout.
- Vous voulez dire que vous consentez à l’invraisemblable expérience qu’on a faite sur vous.
- Oui.
- Comprenez que vous êtes mineur et que je ne peux pas laisser faire cela.
- Mais enfin, je ne fais plus de bêtise.
- Enfin ceci est hors de proportions avec vos bêtises. En plus ce n’est pas prouvé, car je vous retrouve tout de même au commissariat.

Dominique savait quoi faire à ce moment psychologique. Il sanglota. Le commissaire était décontenancé. Il avait déjà vu des travestis professionnels qui relevaient à ses yeux de la prostitution pure et simple. Le fait qu’ils s’habillent en femme n’était, à ses yeux, qu’une sorte de décor. Il se sentait intuitivement confronté à une tout autre problématique. Un garçon pouvait-il avoir envie d’être une fille ? Il le savait. Mais là, cette envie avait été introjectée par des parents brutaux et cyniques. Et pourtant l’adolescent paraissait y consentir. Il fit alors le raisonnement inverse. Supposons qu’on le ramène à sa vie de garçon, s’il ne consent pas, ne fera-t-on pas pire ? Il se rappelait ses cours de pathologie criminelle on lui avait raconté le suicide jadis d’Herculine Barbin après un itinéraire semblable. Il décida de laisser Dominique rentrer chez lui et de le convoquer le lendemain avec sa mère. Il les reçut séparément. La mère fut convaincante, même si elle l’inquiéta. Sa satisfaction d’avoir troqué un fils turbulent contre une fille affectueuse lui paraissait trop négligente des désirs et des intérêts de Dominique. Dominique demanda à rester comme il était. Il se demanda lui-même pourquoi. D’abord, il craignait à court terme ce qui se passerait si, à Aurillac, on dévoilait la supercherie. Mais au fond, il ne se sentait pas encore en état de reprendre sa vie de garçon. Pas encore ou de moins en moins ? Il ne voyait pas quel bout la reprendre. Tous ses liens sentimentaux et sociaux s’étaient établis sous son identité de fille, il ne voyait pas le moyen de les préserver s’il changeait quelque chose à son état actuel.

Dans le train du retour à Paris, il avait revêtu sa robe de l’escapade et il réfléchissait. On lui avait offert de sortir de la punition. Il avait clairement choisi de la continuer. Ce n’était donc plus une punition, mais un état électif. En quoi il allait bientôt voir qu’il se trompait.

En arrivant à Paris, il vit tante Julie et sa cousine qui l’attendaient au même endroit que la première fois. Mais quel changement ! il trottait sur des escarpins, était voluptueusement enveloppé dans la fourrure et leur faisait une bise prudente pour ne pas laisser de trace de rouge à lèvres. En somme, on était entre filles.

Tante Julie ne lui fit aucun reproche. Elle avait réfléchi. On l’avait mise au courant des événements d’Aurillac. Dans le fond, si Dominique avait voulu échapper à son emprise, il l’aurait pu cent fois. Une aurait suffi. Or le voilà qui revenait docilement en robe, bien maquillé…

Agathe n’était pas dans la même disposition, elle lui en voulait mille fois plus. Car elle avait l’impression que Dominique s’était révolté contre son autorité. Il allait falloir le remettre au pas. Agathe attendit patiemment qu’ils fussent seuls. Elle vint trouver Dominique dans sa chambre :
- Ma petite fille, nous avons à parler. Comment as-tu osé partir à Aurillac sans mon autorisation ?
- Je ne l’avais pas prémédité, simple ras-le-bol…
- Ras-le-bol de quoi ? Est-ce que tu crois que c’est un langage à me tenir ? Tu as simplement voulu te révolter.
- Non je ne me suis pas révolté, je voulais juste me retrouver.
- Tu t’es révoltée. Et cela je ne puis le souffrir. Ma fille, il va falloir changer de comportement. D’abord, tu me réponds avec insolence.
- Non je ne suis pas insolente, j’essaie de t’expliquer.
- Baisse les yeux.
Dominique baissa les yeux. Mais ce n’était pas suffisant pour contenter la vindicte d’Agathe. Dominique ne savait que faire pour la calmer.
- A genoux, insolente.
Dominique se mit à genoux.
- Maintenant à quatre pattes.
Dominique obéit.
- Relève ta jupe. Bien, baisse ta culotte.
Agathe défit la ceinture de chasteté. Elle avait pris un gant de crin et commença à administrer une fessée brulante à Dominique. Les coups pleuvaient et Dominique pleurait. Quand Agathe eut fini, elle remit la ceinture et ordonna à Dominique de se rhabiller.
- Voici ce que j’ai décidé. Désormais, tu vas filer doux. Donc quand tu t’adresses à moi, tu baisses les yeux et tu m’appelles Mademoiselle et tu me parles à la troisième personne, je t’interdis de me tutoyer. Quand tu entres dans une pièce où, soit maman soit moi-même, nous nous trouvons tu nous dois une révérence profonde, quand tu la quittes tu en fais une rapide. A la maison tu mettras l’uniforme qui est dans l’armoire.
Tout en parlant, Agathe ouvrit l’armoire et en sortit un uniforme noir.
- Tu vas me faire le plaisir de passer cela tout de suite.
- Bien Agathe.
- Bien, Mademoiselle !
- Bien, Mademoiselle.

L’uniforme se composait, d’une veste courte qui ne fermait pas à l’avant et permettait de découvrir une guêpière de fine dentelle noire, d’une jupe très droite, qui s’arrêtait juste au-dessus du genou, d’escarpins noirs vernis. Plusieurs pairs de bas noirs à couture accompagnaient l’uniforme. Un tablier blanc avec de fines dentelles et une coiffe tout aussi immaculée.
- Ce sera ta tenue à la maison. Mets-la et viens dans ma chambre.

Quand Dominique eut fini de s’habiller, il s’avança pour prendre son service. Sa marche était terriblement entravée. Quand il voulut s’accroupir pour mettre ses escarpins, il s’aperçut que la jupe lui permettait à peine de le faire et qu’il lui fallait le faire les genoux serrés.
Quand il entra dans la chambre, il s’avança :
- Bonjour, Mademoiselle, quels sont vos ordres.
- Sors, insolente et reviens faire ta révérence et commence par faire celle que tu me dois en sortant.
Dominique s’exécuta.
- Ce n’est pas trop tôt. Maintenant tu vas me coiffer. J’ai ensuite de la couture à te donner. Tu referas mon lit. Tu apprendras à disposer mes affaires pour la nuit. Baisse les yeux. Combien de fois je devrais te le dire ? Viens ici.
Dominique hésita.
- Je te fais peur ?
- Oui, Mademoiselle me fait peur. Mademoiselle va-t-elle me punir ?
- Non pas tant que tu es obéissante. Mais gare.

A l’école, Cécile arriva un jour juste après Dominique. Elle l’entendit parler à Agathe en lui disant Mademoiselle et la voussoyant. Elle voulut savoir quel était ce nouveau tourment. Pendant la classe elle frotta son bas contre celui de Dominique qui ne réagit pas. Elle attendit la récréation, puis interrogea Dominique qui fondit en larmes et lui raconta ce que lui faisait subir Agathe.

Cécile réfléchit à la situation. Elle se décida à aider son amie. Elle lui demanda de lui donner une copie de l’emploi du temps d’Agathe pour, dit-elle, voir si elles pouvaient certains jours revenir à la maison toutes les deux sans Agathe. Elle avait insisté pour que Dominique lui copiât bien tout. Dominique l’avait fait innocemment, avait apporté la copie à Cécile qui l’avait elle-même recopié et elle avait rendu l’original à Dominique, qui l’avait remis sans plus y penser dans son cartable. Elle conçut son plan sans en parler à Dominique. Elle chargea un de ses amis, un solide pilier de rugby de draguer Agathe. Comme le pilier ne plaisait pas à Agathe, elle l’envoya promener. Cette attitude maussade ne fit qu’augmenter la résolution de l’ami de Cécile. C’est alors qu’il se mit à adresser des lettres enflammées à l’intention d’Agathe Il les adressait avec une fausse ingénuité : « Classe de 3ème A, Sainte-Agnès-de-Neuilly ». Evidemment ces lettres étaient interceptées et lues par la directrice de division. Or, elles ne se contentaient pas de déclarer la flamme du soupirant, il faisait de claires allusions aux nuits passées ensemble. Ce qui mit le comble à la fureur des sœurs fut que le dernier poulet fut adressé avec un lance-pierre qui brisa la vitre de la classe d’Agathe. Tante Julie fut convoquée pour renvoi immédiat d’Agathe. Tante Julie plaida fermement. La supérieure, exaspérée, lui répliqua :
- Si rien de ce que dit ce garçon n’est vrai comment sait-il qu’à telle heure Agathe était dans telle classe, sans se tromper de fenêtre ?
- Il aura fallu que quelqu’un le renseigne.
Les deux femmes réfléchirent un instant. L’hypothèse de la malveillance était plausible. La supérieure décida de temporiser en attendant d’en savoir plus. Tante Julie pensait en plus précisément à quelqu’un.

Quand Dominique revint le soir à la maison. Il eut l’impression que sa chambre avait été rangée. Initiative de la femme de chambre ? Surprenant, car au contraire, Dominique faisait les tâches ménagère pour apprendre son métier de maîtresse de maison, tout en satisfaisant au sadisme de sa cousine. C’était lui qui faisait le ménage dans sa propre chambre, faisait son lit, comme dans la chambre d’Agathe. Quand celle-ci avait quelque chose à repasser, elle le confiait à Dominique. Tout cela dans l’uniforme noir à jupe droite, veste cintrée, tablier bordé de dentelle et petite coiffe assortie au tablier. Tante Julie avait accepté le port des bas et des escarpins imposé par Agathe. Au début ces changements d’uniforme, jupe plissée pour l’école, uniforme de soubrette à la maison, l’irritaient. Mais on s’y habitue vite. Le matin il était autorisé à servir le petit déjeuner à sa tante et à Agathe en chemise de nuit. A la longue, son régime s’assouplit : il ne mettait son uniforme que pour faire un peu de ménage et les lits. Dominique, au retour de l’école, faisait ses devoirs en uniforme et quand il avait fini, on lui donnait les travaux de couture. Et, quand il n’y en avait pas, il s’occupait à broder ou à tricoter. Il était dispensé de lecture : on lui avait dit que comme il n’était pas doué, autant qu’il apprenne des choses utiles à une épouse.
Pourtant, il ne prêta pas autrement attention à cet ordre suspect dans sa chambre. Il se changea en soubrette. Il accrochait ses bas, quand tante Julie entra dans sa chambre :
- Dominique, ouvre ton cartable ! Sors tout ce qui est dedans.

Tante Julie observait attentivement les objets qui sortaient du cartable en levant les yeux au ciel devant le bric à brac du mauvais élève. Soudain son regard devint fixe et intense. D’un geste sec, elle happa l’emploi du temps d’Agathe, tourna le dos et disparut. Dominique sentit que ce papier avait une importance soudaine. Il se rappela Cécile. Qu’avait-elle fait de ce papier ?
Le soir l’ambiance du dîner fut froide. Mais elle l’était toujours quand tante Julie était là. Dominique attendait un orage. Et pourtant rien ne vint.

Entre-temps, tante Julie était retournée avec le papier voir la supérieure de Sainte-Agnès-de-Neuilly. Elle avait sa preuve. La supérieure :
- Ce n’est pas une preuve, mais une présomption. De plus comme vous tenez Dominique assez serrée, d’après ce que nous observons et d’après ce que vous en dîtes vous-même, on ne voit pas où et quand elle aurait pu rencontrer ce garçon.
- En vacances et elle peut lui téléphoner en cachette.
- Tout cela est plausible. Mais nous ne sévissons que si nous avons des preuves. J’admets que cette hypothèse si elle n’innocente pas Agathe, crée un doute et un soupçon symétrique. Si Dominique a pu organiser cette espèce de machination, Agathe n’est pas nécessairement coupable. Si cela s’arrête, on s’en tiendra là.

Pendant, ce temps, Dominique avait parlé à Cécile du manège de sa tante. Cécile n’avait rien dit à Dominique, mais avait décommandé la suite des opérations de façon à ne pas placer Dominique dans une situation pire que devant. L’affaire se tassa donc et Dominique l’oublia. Dominique mais pas tante Julie qui, elle, n’avait nul besoin de preuve. Tout comme Saint-Just elle pensait : « La justice n'a point matériellement prise sur la dissimulation des grands crimes. On ne voit pas le crime, mais on en est frappé. » Car si l’on attendait l’aveu des criminels pour sévir on ne sévirait que rarement et au seul détriment des criminels les moins coriaces. Or tante Julie avait une certitude, parmi les criminels à la fois les plus obstinés et les plus dissimulés, Dominique occupait une place de choix. Elle inventa donc un stade 3 de la Petticoat Punishment dépassant ainsi son mentor, le supérieur du Collège saint-James.

Quand les vacances de Noël arrivèrent, Dominique sentit qu’il se préparait quelque chose, mais il ne sut pas quoi. Une surprise sans doute. Un soir en se couchant, il s’écroula de sommeil. Le lendemain, en s’éveillant, il était augmenté de deux prothèses mammaires protubérantes. Il fallut attendre quelques jours pour les découvrir complètement. En fait, il éprouvait plus d’impatience que de ressentiment et se demandait si à l’école cela ne paraîtrait pas trop soudain. Il fut convenu qu’il cacherait aussi longtemps qu’il pourrait ces protubérances, si possible jusqu’aux robes d’été, au moins le temps que ses compagnes de classe s’y soient insensiblement habituées. En effet, en été, l’école admettait des robes colorées, robes à fleurs très décentes mais qui laissaient voir un début de sillon des seins pour celles qui en avaient. Dominique ne pourrait plus cacher sa poitrine, il faudrait bien l’exhiber. Il faudrait aussi assumer les jalousies qui frappaient celle qui avait quelque avance sur ses camarades de classe. Il est vrai que son âge le justifiait. Cette poitrine redonnait un avantage à Dominique sur Agathe qui était moins bien dotée. Celle-ci, à qui ses amies demandaient d’amener sa petite cousine, ne pouvait refuser. Dominique se trouvait invitée dans des soirées « au-dessus » de son âge. Les garçons qu’il rencontrait avaient dix-sept ou dix-huit ans, soit un ou deux ans de plus que lui. Agathe était un peu grande pour certains garçons, Dominique plus menue avait quelques succès, ce qui rendait jalouse sa grande cousine. Un soir Agathe avait trop bu, Dominique dansait un slow avec un garçon, Agathe l’arracha des bras du type et la malmena publiquement. De retour, Dominique vint en chemise de nuit essayer de se réconcilier avec sa grande cousine, elle vint dans son lit et se lova contre elle. Agathe réagit :
- Enfin, Dominique un peu de dignité, tu n’es pas une petite fille. Tu es un garçon comporte toi comme un garçon.
- Tu veux que…
- Evidemment que je veux. Allez, saute-moi.

Dominique ne put pas. Il n’osait depuis plus aller dans le lit d’Agathe. Celle-ci changea de tactique, ou de sadisme, et la traita du coup plus encore comme une petite fille. Au retour de l’école, elle lui donnait la main, la guidant un peu brutalement comme une mère excédée. Si elle la voyait mettre des bas, elle l’envoyait enfiler des chaussettes, si c’était du rouge à lèvres, se débarbouiller. Sur le chemin elle lui faisait réciter ses leçons. Quand elle la quittait, ostensiblement, elle refaisait maternellement sa coiffure. Mélange de gentillesse feinte et de volonté réelle d’infantilisation.

Un jour, Agathe tirait brutalement Dominique par la main. Celle-ci avait mal aux pieds. Ses chaussures à talons lui écrasaient le bout du pied. Elles étaient en retard. Agathe exaspérée tira la main de Dominique pour la faire avancer, celle-ci trébucha et sa chaussure érafla le bas de la grande cousine. Agathe se pencha sur sa jambe : son bas était filé. Elles arrivaient à proximité d’un square. Agathe entraîna Dominique sur un banc. Elle lui dit :
- Tu as filé mon bas. Donne-moi les tiens.
- Et moi ?
- Tu te passeras de bas. D’ailleurs les filles de ton âge ne devraient pas en porter.
Dominique s’exécuta en maugréant :
- Ton âge, ton âge ! c’est moi l’aînée.
- Tu as fini avec ces bêtises. Je t’interdis de proférer des idioties pareilles.

Dominique achevait de retirer son second bas, elle le prit alors entre ses dents et, de rage, le déchira. Agathe furieuse attrapa Dominique, et la mit en travers de ses genoux, releva jupe et jupon et lui administra la magistrale fessée qu’elle avait, dit-elle, cherchée. Dominique se mit à pleurer. Ce fut à ce moment que surgirent dans le square deux filles de la classe de Dominique en compagnie de Charlin et Duvert deux anciens camarades de classe de Dominique et du rouquin. Les deux filles s’esclaffèrent. Les garçons étaient stupéfaits. Charlin, plus vif prit sa fille par la main et lui faire demi-tour, en faisant signe à Duvert d’en faire autant. Le mal était fait. Avant que Dominique y fût arrivée, sa classe ne parlait plus que de ça. Cécile avait conscience des constantes humiliations auxquelles était soumis son petit amant. Mais la précédente expérience l’incitait à prudence.

Peu après les vacances de Noël, à la récréation, Cécile prit Dominique par le bras. En sentant la pression d’un sein ferme sur son bras, Cécile se recula un peu, jeta un regard circulaire pour voir si elles étaient observées, puis avec la main tâta carrément. Elle rit :
- Dis-moi, ils ont grossi, on dirait des vrais !
- Ce sont des vrais !
- Comment ça ?
- Ben, une opération. Tu sais, on sait en fabriquer.
- Alors, là, dans ton soutien-gorge, c’est une vraie poitrine ? Tu m’en diras tant. Et quel effet ça te fait ?
- Au début, c’était curieux, surtout si tu es toute nue, avec un soutien-gorge, on oublie qu’on a des seins. J’ai l’impression que je marche et que je cours différemment.
- Ben tu parles ! Mais le jour où tu redeviendras un garçon, qu’est-ce que tu en feras ?
- Je les ferai retirer.
- Tu es sûre qu’on peut ?
- C’est ce qu’on m’a dit.
- Tu me les montreras ? J’y compte avant que tu les fasses retirer !
Dominique rougit soudainement, tout en éprouvant un raidissement - bien contenu - à cette pensée.

Aux vacances de février, Cécile invita Dominique à la campagne. Agathe ne fut pas du voyage. Car désormais, on n’avait plus à craindre que Dominique voulût passer pour un garçon, quant à sa vertu elle était garantie par le latex.

Cécile aida Dominique à défaire ses bagages.
- Tu ne prends que de robes et des jupes. Tu n’aimes que ça ?
- Non, je n’ai que ça !
- Je voudrais te voir en pantalon, retire ta robe. Je vais te prêter un de mes pantalons.

Cécile tira la fermeture éclair de la robe dans le dos de Dominique. Il se retrouva en soutien gorge. Cécile dégrafa le soutien-gorge d’un coup sec, il tomba sur les avant-bras de Dominique laissant s’épanouir deux beaux seins fermes dardant comme des cornes mafflues. Cécile contourna Dominique et se justifia négligemment.
- Tu m’avais dit que tu me les montrerais ! Je peux y toucher ? Oh ! mais c’est vrai, ce sont des vrais.
Elle retira d’un geste souple son pull et dégrafa son soutien gorge d’où jaillirent deux petits seins. Elle s’approcha de Dominique, l’amena devant une glace et elles comparèrent. Cécile :
- J’aimerais que les miens deviennent comme les tiens. Dis-donc quand on te voit comme en petite culotte, les seins à l’air, tu es une vraie fille. Et puis, comme j’aime aussi les filles… ajouta-t-elle en lui faisant un baiser.
Elle alla dans une penderie et sortit un pantalon.
- On va voir s’il te va, celui est un peu large pour moi, il devrait t’aller.
Même si c’était un pantalon de fille, c’était la première fois depuis un an et demi que Dominique passait un pantalon. Cela lui provoqua une sorte d’angoisse : était-il déjà trop tard ?
Il tira la fermeture latérale. Le pantalon était très moulant. Les formes les plus féminines de Dominique apparaissaient. Cécile regarda, se mit à rire :
- Ma petite chérie, il te va bien, mais il est carrément indécent. Les garçons vont te suivre comme des chiens affolés derrière une chienne en chaleur. Alors qu’est-ce qu’on fait ? Tu veux être violée ?
Dominique retira à regret le pantalon.
- Ne mets pas de soutien-gorge. Je préfère les seins émancipés.

Cécile emmena promener Dominique jetant de temps à autre un œil intéressé sur la poitrine bombée qui ballotait à chaque pas. Et dans une futaie, elle n’y résista pas et culbuta Dominique sur une plaque d’herbe fraîche. Dominique avait à l’extérieur de sa ceinture de chasteté tout ce qu’il fallait à une lesbienne point trop insistante. Cécile s’en satisfit fort bien. Cécile avait défait la robe de Dominique laissant ses seins en sortir. Comme Dominique était sur le dos bien que tassés, ils étaient encore très protubérants. Dominique prenait un plaisir un peu imaginaire et non moins réel aux caresses de Cécile. Quand Cécile eut pris son plaisir, elle s’allongea sur Dominique, lui écartant les jambes. Celle-ci était à la fois excitée et perplexe. Je me comporte comme une femme, se disait-elle. Suffit-il d’avoir des seins et d’être habillée en femme pour en être une et cela me suffit-il ? Et me faut-il en être une ? Elle sourit en pensant à un joke des années cinquante où deux snobs discutent. Le premier demande : « Etes-vous de la pédale », l’autre inquiet : « Faut-il en être ? » Accomplir soudain un destin de femme, cela se décide-t-il ? Et pourquoi se poser ainsi la question ? Sans le Petticoat Punishment que serait-il advenu ? Peut-être serais-je en maison de correction au lieu d’être allongée à côté d’une jolie fille.

Peu après pendant les vacances, Dominique retourna voir sa mère à Aurillac. Elle avait mis une robe très décolletée. Mais elle n’avait pas pensé que Violaine accompagnerait sa mère pour l’attendre à la gare. Dominique avançait toute fière, poitrine en avant quand elle vit Violaine, elle rougit. Violaine la regardait sidérée. En revanche sa mère était enchantée. Elles partirent toutes les trois.

Quand Violaine fut seule avec Dominique, elle lui demanda une explication :
- On ne m’a pas donné le choix. Et puis, tu sais, tu vas voir en vacances, c’est plus pratique.

Effectivement Violaine et Dominique allèrent avec les amis de Violaine se baigner dans un lac voisin d’Aurillac. Le bas était comme avant contenu efficacement par la ceinture. Le haut en revanche débordait du maillot deux pièces. Le soutien-gorge mettait en valeur cette poitrine opulente. Violaine n’en revenait pas. Dominique avait de très loin les seins les mieux formées de toutes leurs copines. Comment était-ce possible ? Ses repères vacillaient. Et pendant ce temps Dominique avait un succès considérable. L’éclosion de cette poitrine avait provoqué une sorte de rupture. Dominique se percevait désormais bien comme une fille. Dans le fond elle ne croyait plus à la réversibilité. Non à sa possibilité qu’elle ne mettait pas en doute. Mais à son opportunité. Les raidissements de Dominique répondaient au désir qu’elle voyait dans le regard des garçons.

Vint une nouvelle rentrée des classes. A Noël suivant la pose des prothèses mammaires, le rouquin fit signe à Dominique. Elle hésita à le voir. Puis elle se décida à lui rendre visite en discrète tenue de classe. La veste cachait autant que faire se pouvait sa poitrine. Précaution inutile, le rouquin était au courant. Un copain l’avait vue en boum, suffisamment décolleté pour qu’il pose un diagnostic ferme : Dominique avait de vrais seins. Ils se retrouvèrent dans un bistrot. Dominique s’assit à côté du rouquin et regretta d’avoir mis des bas. Le rouquin regardait son genou brillant à la limite de la jupe. Elle avait rassemblé ses cheveux en un épais chignon. De fines mèches rebelles s’échappaient des peignes et féminisaient sa silhouette. Le rouquin n’était nullement décontenancé. Il ne s’attendait à rien moins.
- Alors, lâcheuse, on ne te voit plus. Tu sais avec les potes qui sont restés avec moi (on a un peu été dispersés avec les changements de classes), on parle souvent de toi.
- C’est précisément ce qui m’inquiète, parce qu’il y a plein de connexions entre Saint-James et Sainte-Agnès. Tu vois ce que je crains.
- Tu ne risques pas grand-chose. On n’est plus que trois de l’ancienne équipe. Et les deux autres ce sont Charlin et Duvert, tu les connais, c’est pas le genre à baver. Justement en parlant avec eux, on organise une boum chez moi. On manque de nanas et…
- Tu as pensé à moi ! C’est sérieux ?
- Ben oui c’est sérieux. Déconne pas, tu sais bien que tu n’as plus rien d’un mec. Et la preuve qu’on ne veut pas vendre la mèche, c’est que sinon justement on ne t’inviterait pas.
- Alors personne ne saurait ?
- Sauf nous. Ecoute, t’es vraiment roulée. Tu feras ce que tu voudras y compris te taper d’autres filles. Au fait, maintenant que t’es dans le poulailler, est-ce que tu en profites ? tu dois plus tenir, toutes ces nanas qui se foutent à poil devant toi…
Dominique s’essaya au ton de la complicité canaille :
- Si je me rince l’œil. Un peu, mon neveu. Je m’en tiens là dans l’ensemble. Si je me mettais à draguer, mon secret n’en serait rapidement plus un.
- Tu ne me réponds pas. Alors je te pose la question. Tu sautes des filles ?
- Si ta question est : est-ce que je peux ? La réponse est oui. Si je le fais : rarement hélas.
- Justement ça te donnera des occases.
- Ta soirée ? Tu fous de ma gueule. Non, ne me vends pas ton histoire de cette façon. C’est vous que ça arrange, pas moi.
- OK. En revanche, je te promets une chose, c’est que tu feras ce que tu voudras, y compris te taper des mecs. Tu sais, tu me connais. Moi, je suis tolérant. Pour moi, il n’y a rien de changé, t’es restée mon pote. Que tu aies plus l’air d’une fille qu’est-ce que ça change ? Au fait, tu pourrais convaincre Agathe de venir avec toi ?
- Ça non, débrouille-toi.

Le rouquin se débrouilla bien. Agathe vint. Mais il fallait des robes du soir. Or ni l’une ni l’autre n’en avions la moindre. Tante Julie, quand il s’agissait de faire franchir une nouvelle étape même infime dans la féminisation de son neveu, était toujours partante. Elle ouvrit donc largement sa bourse. Agathe et Dominique s’achetèrent des robes longues.

Dominique choisit une robe blanche avec un haut de moire, très décolleté entre les seins et soutenu par deux fines bretelles. Une large ceinture de velours noir se terminait sur le côté par un nœud dont les deux extrémités descendaient jusqu’au bas de la jupe. Quand Dominique bougeait ces deux extrémités volaient autour de la jupe. La jupe et les dessous étaient de tulle blanc, comme une mariée. Elle avait en plus une grande écharpe de soie noire. Tante Julie leur prêta des colliers de diamants, des bagues et des pendentifs très fins en or. Le premier soir étaient pour les deux filles leur première soirée en robe longue. Elles décidèrent de s’entraider. C’était la première fois qu’elles rétablissaient une certaine coopération. Elles allèrent ensemble chez le coiffeur qui leur fit le même chignon, l’une brune l’autre blonde. Sous la main du coiffeur, aucune mèche rebelle. La maquilleuse les maquilla de façon sophistiquée, un léché d’actrice. Dominique s’était prise au jeu. Elles mirent leurs robes ensemble. Toutes deux avaient certes porté des chemises de nuit qui descendaient aux chevilles. Mais se promener dans la rue en robe longue perchée sur des talons à aiguilles c’était une autre affaire. Elles s’essayèrent d’abord chez elles. Tante Julie avait, compte tenu de la solennité de la circonstance, fait une exception et prêté le chauffeur. Agathe aida Dominique à rassembler ses jupes pour monter en voiture, indiquant ainsi au chauffeur ce qu’il avait à faire. Précaution inutile, il l’avait déjà fait maintes fois avec tante Julie qui était passablement mondaine.

La voiture les amena au domicile du rouquin. La blonde en robe noire et la brune en robe blanche arrivèrent bras dessus bras dessous, réservant deux doigts pour relever leurs jupes. Elles avaient répété cette entrée, et s’étaient entraînées à sourire. Elles portaient toutes deux de longues étoles de fourrure pour protéger leurs épaules du froid. Les trois copains, en habit, embrassèrent stoïquement leur pote sur les deux joues, le prenant par les épaules. Sentir la peau de leur pote sous leurs mains nues et inversement leur fut pour le moins une sensation inédite. Du coup, ils remirent leurs gants, comprenant soudain pourquoi l’habit était toujours accompagné de gants. Dominique les regarda avec reconnaissance, imaginant au même instant les paluches en sueur de ses potes sur ses épaules. Elle se secoua avec un léger frisson. Elle décida de n’accepter de danser qu’avec des mains gantées, que ce soient les mains d’inconnus ou de potes. Dominique éprouvait pour la première fois, du moins aussi intensément, le plaisir de séduire, de sentir convergents l’admiration et le désir se concentrer sur elle. Elle éprouvait ces sensations avec d’autant moins de culpabilité qu’elle considérait cette soirée comme une simple parenthèse.

Dominique prenait avec beaucoup de naturel plaisir à se mouvoir dans cette robe somptueuse. Le bruit des tissus empesés qui lui était autrefois pénible était devenu à ses oreilles un doux murmure. Elle saisissait sa jupe délicatement pour monter quelques marches, se retournait à demi pour sourire au garçon qui la suivait, elle se laissait aller à déployer toute la grâce qu’elle avait captée depuis près de deux ans. Quand elle eut la sensation d’avoir épuisé ces premières sensations, elle se dirigea vers ses potes. Quand elle leur parlait elle posait son éventail sur leur avant-bras, ou mettait la main sur leur épaule se dressait avec légèreté sur la pointe des pieds pour leur susurrer du bout des lèvres un mot à l’oreille. Elle s’amusait du contraste entre leur ancienne relation et le comportement extrêmement déférent d’aujourd’hui. Ils allaient lui chercher le champagne, lui tendaient le bras pour l’accompagner d’une pièce à l’autre, la faisaient passer devant eux en s’inclinant légèrement. Mais cette galanterie ne les rendait pas pour autant distants, elle masquait au contraire une complicité étrange, car ils participaient maintenant à la supercherie. Ainsi, le rouquin avait-il invité Dominique à danser :
- Tu danses magnifiquement…
- Toi, fais attention à mes pieds.
- Tu charries, je ne danse pas si mal !
- C’est vrai, je plaisante. Est-ce que tu as repéré des filles ?
- Non, pas encore et toi ?
- Non plus. Tiens regarde la rousse là-bas, elle est roulée, en plus vous iriez bien ensemble.
Le rouquin fit opérer un demi-tour à Dominique pour repérer la cible.
Un des copains de Dominique décida de la mettre sur un coup : une fille splendide, mais très grande. De telle sorte que les garçons étaient intimidés. Elle portait une robe violette. Elle devait avoir trois ou quatre ans de plus que Dominique.
Le pote de Dominique :
- Toi, sa taille t’en as rien à foutre. Entre filles n’est-ce pas ? Et puis tu verras, elle intimide tout le monde pour une autre raison. Mais tu constateras qu’elle est sympa.
- Mais comment tu vas me présenter ?
- Tu verras…
Ils arrivèrent devant la fille, le copain s’effaça et dit :
- Je te présente mon pote Dominique !
Puis il s’esquiva. La fille tendit la main à Dominique en disant :
- Moi je m’appelle Catherine ! Tout de même, il a une façon étrange de parler de toi.
- Oh ! tu sais, j’ai cette relation bizarre uniquement avec trois des garçons qui sont ici.
- Comment cela ?
- Eh ! bien il y a deux ans, je n’avais pas d’école quand je suis arrivée à Paris et j’ai été la seule fille de leur classe. C’est comme ça que s’est établie une relation de camaraderie.
- C’est vrai il agit comme s’il ne te considérait pas comme une fille.
- C’est exactement ça. Quel âge as-tu ?
- Dix-neuf ans et toi ?
- Quinze. Tu ne les trouves pas un peu jeunes pour toi ?
- Si, un peu. Mais cela m’est égal, je suis à Paris depuis peu de temps et je ne connais personne. Tu es en quelle classe ?
- Oh ! parlons d’autre chose. C’est un sujet qui me donne des cauchemars. J’imagine que toi tu dois travailler bien.
- Oui, à peu près. Tu as raison parlons d’autre chose. Tu sais les garçons n’osent pas m’inviter à danser. Ils ont des complexes, parce que je suis plus grande qu’eux. Mais moi aussi j’ai des complexes, je voudrais être menue comme toi.
- Tu vois, moi, c’est l’inverse, je voudrais être aussi grande que toi. Le monde est mal fait. Si tu veux on peut danser ensemble, ça décomplexera peut-être les types.
- Tu crois ? Ecoute, essayons toujours. En plus, j’adore danser. Je t’ai vue danser tout à l’heure, tu es légère, tu danses bien. On y va ? Qui conduit ?
- Toi.
Dominique se laissa donc conduire. En passant à côté d’un type, Dominique entendit un type dire :
- Tu as vu la grande Catherine a soulevé une petite.
Dominique siffla :
- Catherine, tu as entendu ce qu’a dit ce con ?
- Oui, laisse tomber.
- Non, ramène-moi vers lui.
Quand Dominique fut à sa hauteur, elle tenait un petit sac accroché à son poignet, elle se retourna brusquement et en pivotant lança de toutes ses forces son sac dans la figure du type, il tomba et se releva avec un balafre sanglante. Il grommela en avançant la main levée vers Dominique :
- Qu’est-ce qui te prend connasse ?
Surgit le rouquin qui se balança de droite à gauche et décocha un swing splendide dans le menton du goujat qui repartit vers le sol. Décidément, ce n’était pas son jour.
Dominique spontanément s’approcha du rouquin qui se massait le poing et lui fit un baiser sur la joue :
- Merci, tu sais il avait été grossier avec Catherine.
Le rouquin ne répondit pas et s’adressa au goujat :
- Tire-toi.
Les deux copains du rouquin et de Dominique s’étaient rapprochés pour les couvrir au cas où les choses dégénèreraient.
Catherine avait été stupéfaite. Elle prit Dominique par la main et l’emmena boire une coupe de champagne :
- Merci, tes amis ont raison, tu t’es comportée comme un vrai petit mec.
- Si petit que ça ?
- Non, non pardonne-moi. Tu es vraiment courageuse.
Catherine l’embrassa à la commissure des lèvres. Dominique frissonna. Catherine sentit sa réaction et sourit.
- Moi aussi j’ai frissonné quand tu m’as défendue. Tu veux bien qu’on se revoie ?
Le reste de la soirée fut un peu arrosé. Un des copains du rouquin voulut emmener Dominique dans la virée qu’ils allaient faire après la soirée. Dominique eut un mal fou à se débarrasser :
- Ecoute, un autre jour, mais avec cette robe et habillée comme ça, je ne peux pas vous suivre. En revanche, j’aimerais bien vous accompagner mais dans une tenue plus appropriée.

Le lendemain, Catherine téléphona à Dominique en lui proposant de diner. Dominique lui demanda d’attendre et elle alla demander à Agathe si elle voulait bien qu’elle sorte avec Catherine. Agathe acquiesça.

Quand Dominique eut raccroché, Agathe lui demanda :
- Tu es attirée par cette fille ?
- Oui, je crois.
- Bien, je vais te retirer ta ceinture tu seras libre.
- Oh ! merci, Agathe.
Dominique, folle de joie, se précipita sur Agathe pour l’embrasser.

Le soir même, Dominique s’était mise sur son trente et un, elle avait revêtu un tailleur droit bleu roi, des bas noirs et des escarpins vertigineux pour ne pas paraître trop petite par rapport à Catherine.

Catherine avait elle-même mis une belle robe rouge. Dominique sentit sous la table du restaurant le bas de Catherine qui frottait le sien. A la fin du repas, Catherine, très naturellement lui dit :
- On va chez moi ?
- Tu sais, j’ai d’abord quelque chose à te dire.
- Non ne dis rien, je sais.

Quand elles arrivèrent Catherine ouvrit la porte de l’immeuble, puis tendit la clé à Dominique :
- On va faire comme des jeunes mariées !
- ….

Catherine passa son bras derrière le cou de Dominique, son autre bras sous la pliure des jambes et elle souleva Dominique comme une plume. Celle-ci se mit à rire et à se débattre, entravée par sa jupe, elle agitait frénétiquement ses jambes. Arrivée au deuxième étage, elle cessa de se débattre et posa la tête dans le cou de Catherine, heureuse de se sentir si légère et protégée. Elle arriva néanmoins en haut échevelée, la poitrine à moitié sortie de la veste de son tailleur [car elle n’avait pas mis de soutien-gorge pour ceux qui attendent la précision]. Catherine la mit sur le lit. Elle tira la glissière de la jupe de Dominique, lui retira sa veste. Dominique se retrouvait en culotte. Puis Catherine alla lui chercher une chemise de nuit. Quand, Dominique la mit, elles éclatèrent de rire quand la virent traîner par terre. Elle était tellement trop grande ! Catherine trouva une combinaison qu’elle portait avec des robes à mi-mollet qui convint très bien. Elle arrivait aux chevilles de Dominique. Catherine toujours habillée, passa la chemise de nuit à Dominique, puis baissa sa culotte. Alors Catherine s’allongea sur le dos. Dominique lui retira aussi sa culotte et lui fit l’amour sans la déshabiller. Pour la première fois Dominique s’était conduite en homme. Ou à peu près. Puis Dominique se blottit entre les bras de Catherine.
Le matin, un lundi férié, quand Dominique se réveilla, elle alla faire du café dans la cuisine et apporta le petit déjeuner au lit. Elle se blottit à nouveau contre Catherine. Puis elle l’interrogea :
- Tu savais ?
- Bien sûr. Quand je t’ai vue gifler le type, j’étais intriguée. J’ai demandé à ton ami le rouquin. Il ne voulait rien me dire. Alors je lui ai dit que j’étais à peu près sûre que tu étais un homme ou que tu en avais été un. Et il ne m’a dit la vérité que lorsque je l’ai convaincu 1° que je n’en démordrai pas et 2° que c’était ce qui m’attirait en toi. Il t’aime bien et il n’a pas voulu te priver d’une aventure.
- Mais pourquoi m’avoir portée en entrant chez toi ? Tu intervertissais les rôles.
- Non je voulais cette entrée. Aurais-tu pu me porter ?
- Evidemment non, mais l’idée ne m’en serait pas venue.
- La question n’est pas là. As-tu aimé ?
- A ma grande honte, oui.
- Pourquoi honte ? C’est idiot, tu es dans les schémas conventionnels. L’homme est fort, viril et je ne sais quoi encore. Or peu m’importe. Que ce soit quelqu’un de très efféminé qui me fasse l’amour. Je t’aime comme tu es. Et je trouve pathétiques tous ces garçons complexés. Toi justement tu es différente.
- Tu me considères alors comme une fille ?
- Ni homme complet ni vraie femme, ou plus exactement les deux. Et donc, compte tenu de ton apparence, il me paraîtrait ridicule de te parler comme à un homme. Et si cela te va, je te traite en fille. Au pire on passera pour des lesbiennes. Sauf d’ailleurs pour tes copains. Quant à la réalité, faire l’amour avec toi, c’est moins l’acte qui compte que l’imaginaire et tu es une riche source d’inspiration.
- Est-ce que tu veux dire que l’acte ne vaut rien.
- Pas du tout. Quand je sens tes seins contre les miens je ne peux pas m’imaginer quelqu’un de très viril. Et toi qu’as-tu éprouvé ?
- Oh ! pour moi tout ceci est si nouveau.
- Tu étais vierge.
- Pas exactement, comment te dire, on m’avait toujours empêchée de faire l’amour normalement.
Dominique expliqua à Catherine pourquoi. Catherine demanda :
- Et pourquoi Agathe a-t-elle consenti cette fois-ci à te rendre ta liberté ?
- Je n’en sais rien. Peut-être simplement pour faire l’expérience.
- De la liberté ?
- Oui, c’est cela.
- Tu sais quand je te regarde, je te trouve des rondeurs, tu es sûre que tu ne consommes pas des hormones ?
- Je me le suis demandé. Tu penses aussi ? Au point où j’en suis peut-être est-ce mieux ainsi.
- J’en suis moins sûre que toi. Parce tu risques de ne plus pouvoir faire ce que nous avons fait cette nuit. Tu sais qu’on peut aussi aller plus loin.
- Oui je sais. Je le ferai le jour où on fera des allo-greffes d’utérus. Et on n’y est pas.
- J’aimerais te voir enceinte. Mais moi je peux l’être. Qu’est-ce qu’on ferait ? Il aurait deux mères.
- C’est toujours mieux que pas du tout.

Un jour le rouquin et ses deux amis de classe attendaient Dominique à la sortie de l’école. Elle regarda Agathe, qui d’un signe de tête exprima son assentiment. Elle pouvait suivre ses amis. Le rouquin :
- Agathe on t’emmène dans notre virée ?
- Non, j’ai du travail, mais je vous laisse Dominique. Tiens donne-moi ton cartable tu seras plus libre.
Dominique tendit son cartable puis se ravisa :
- Il vaudrait mieux que j’aille me changer.
Le rouquin à Agathe :
- C’est une bonne idée, en garçon !
Agathe tira sur la veste de Dominique pour montrer le contour d’un mamelon :
- Avec ça ? et tu as pensé aux cheveux, ils lui descendent presque jusqu’au bas du dos. Ne perds pas ton temps à te changer, Dominique, qu’est-ce que tu vas mettre de plus approprié ? Une grande robe décolletée à volants, un lascif tailleur entravé ? Tu es aussi bien en petite jupe plissée.
- Oui, mais j’ai l’air d’une enfant sage.
- Mais c’est bien ce que je compte que tu sois.

Le rouquin attrapa Dominique par le bras et l’entraîna. La conversation commençait à le mettre mal à l’aise. Il n’aimait pas trop cette posture de grande sœur d’Agathe. Il savait ce qu’il en était et la trouvait indécente. Pendant qu’ils marchaient vers la porte Maillot, Dominique avait sorti de son sac à main un nœud violet qu’elle tenait dans ses dents pour rassembler ses cheveux et se faire une queue de cheval moins incommode que de les avoir tout le temps dans les yeux. Charlin, l’un de ses trois amis, regardait ses seins bomber la veste d’uniforme. Dominique sentit son embarras et s’en amusa, elle agita sa queue de cheval qui fouetta le visage de Charlin qui franchit un nouveau degré dans le malaise. Elle avait des talons mi-hauts pas trop inconfortables pour marcher, mais l’impatience faisait presser le pas aux trois garçons :
- Doucement, les garçons, j’ai du mal à vous suivre, dit Dominique en trottant joyeusement d’une jambe sur l’autre en faisant danser sa jupe.
Elle avait compris que le seul moyen que leur relation fût naturelle était de ne pas fuir sa féminité, mais au contraire, d’en jouer. Elle prit le bras du rouquin en s’y suspendant légèrement et lui demanda :
- Où m’emmènes-tu ?
- Aux Champs. On va draguer.
- Tu plaisantes !
- Si justement, tu vas nous rabattre les filles. Sinon, on n’y arrive pas. Tu comprends les seules filles qu’on a, ce sont celles des soirées. Elles ne baisent pas.
Dominique hocha la tête pour montrer qu’elle n’était pas vraiment de cet avis. Le rouquin :
- Catherine, tu l’as sautée ? Ce doit être un bon coup.
Dominique ne répondit pas. Le rouquin reprit.
- Enfin, nous en tout cas, on a fait tintin. On t’a mis sur un bon coup, tu nous dois de nous rabattre quelques filles.
- Tu as du culot. Tu me vois draguer en minaudant en petite jupe plissée ?
- Pas du tout. Tu restes une fille. Tu repères des canons, tu sympathises. Nous on rapplique, tu nous présentes et on emballe.
- Et moi après ?
- Tu fais ce que tu veux. Allez, sois sympa. C’est pas la mer à boire.
Dominique était d’accord pour être sympa. Elle réfléchissait simplement au modus operandi. Elle improviserait. Elle dit :
- On prend le métro à Argentine jusqu’à Franklin Roosevelt.
Elle s’amusait à rattraper sa jupe soulevée par l’air pulsé dans l’escalier par une rame de métro qui entrait dans la station et observait ses copains du coin de l’œil. Charlin avait l’air de guetter précisément les effets de ce vent indiscret.

Arrivés à Franklin-Roosevelt, Dominique avait choisi son terrain de chasse. Ce serait le Monoprix des Champs-Elysées. Elle dit à ses amis de se balader dans le magasin mais en restant à distance d’elle. Elle se rendit dans le rayon féminin et s’attarda aux soutiens-gorges. Elle attendit un moment puis repéra une proie qui lui parut idéale. Elle fit un signe en direction d’une fille brune assez bon genre. Le rouquin fit non de la tête. Dominique comprit : on ne voulait pas de filles du seizième arrondissement. C’est à ce moment que surgirent trois filles qui riaient, elle regardait les soutiens-gorge grande taille en les plaçant sur leurs propres poitrines. Dominique sortit un soutien-gorge couleur peau de panthère avec une bordure de dentelles. Les trois filles s’approchèrent d’elle en riant toujours. Elles échangèrent leurs impressions avec Dominique sous l’œil hostile des vendeuses qui n’aimaient pas qu’on dépréciât la marchandise. Les trois filles étaient peu timides, elles portaient des pantalons aux couleurs tendres. Une des filles avait pris Dominique par le bras :
- C’est un uniforme ? Tu es encore à l’école ?
- Hé oui.
- Tu as quel âge ?
Dominique se vieillit :
- Dix-huit et toi ?
- Moi aussi. Mais j’en ai fini avec l’école.
- Oh comme tu as de la chance. Tu travailles ?
- Oui, je suis bonne à tout faire, comme mes copines.
- Tu aimes ce boulot ?
- Non pas tellement, mais je ne ferai pas ça toute ma vie. Comment tu t’appelles ?
- Dominique et toi ?
- Françoise.

Elles se serrèrent la main. C’est à ce moment, quand elles sortaient du Monoprix qu’elles croisèrent le rouquin qui sifflotait d’un air très disponible. Il feignit assez maladroitement la surprise de rencontrer Dominique. Il l’embrassa sur les deux joues, puis d’un air interrogatif :
- Tu nous présentes ?
- Je te présente un vieil ami, tout le monde l’appelle « le rouquin », elle c’est Françoise. Tes autres copines je ne les connais pas.
Les présentations étant faites, Dominique regarda sa montre et allait dire qu’elle avait une obligation, mission accomplie. Quand surgit une jeune Antillaise qui se précipita en roucoulant vers ses trois copines. Le rouquin se pencha vers Dominique :
- Tu ne peux pas nous plaquer maintenant, on va avoir trop de filles, ça va tout faire rater. Il faut que tu nous ne neutralises une. La Martiniquaise est pour moi.
- J’ai fait mon boulot. J’ai rabattu. Maintenant, je ne vais pas tenir la chandelle.
- Non simplement, on va leur faire prendre un pot, et après Mimi Pinson.
- OK, après je me tire. D’accord.
- Tope-là ma grosse.
Au café, Dominique continua à discuter avec Françoise. Dominique en avait marre. Elle se tirait à la première occasion. Elle avait sympathisé avec Françoise et le rôle, qu’on lui avait fait jouer, lui répugnait.
Les trois garçons étaient allés danser avec trois des filles. Dominique était restée avec papoter sur la banquette. Elle s’apprêtait à partir, quand Françoise lui prit la main :
- Viens danser, maintenant qu’il n’y a plus de garçons pour nous. On ne va tout de même faire tapisserie toutes les deux. Tu danses le tango ?
- Non.
- Viens je vais t’apprendre.

Elles se mirent à danser. Dominique comprit vite le pas. Voyant son élève douée, elle commença des figures plus spectaculaires, renversant Dominique en arrière puis, d’une geste brutal, la collant à elle. Dominique aimait ces mouvements et se laissait volontiers entraîner. A un moment, Françoise la ramena plus brutalement contre elle. Dominique sentit les seins de Françoise qui se gonflaient au rythme de sa respiration. Cette sensation produisit un raidissement. Soudain Dominique s’avisa qu’elle ne portait plus la ceinture, mais une gaine à laquelle elle fixait ses bas. Elle portait certes une culotte, mais n’avait pas mis sa peu encombrante virilité entre les jambes. Et cette virilité s’était soudain tendue autant qu’elle le pouvait sous la gaine. Françoise qui tenait Dominique très serrée, sentit la même chose. Elle repoussa Dominique et éclata de rire :
- Ce n’est pas possible ?
L’air honteux Dominique répondit un timide :
- Si.
- Oh ma jolie, on va voir cela, je t’emmène chez moi. Tu me dois bien ça.
Elles partirent aussitôt. Le rouquin jeta un bref coup d’œil et murmura à Charlin :
- Merde, le salaud, il a déjà emballé.
Charlin ne paraissait pas trop content. Envie ?
Quand Dominique et Françoise arrivèrent avenue de Wagram, Françoise désigna une petite porte d’escalier de service dans un immeuble haussmannien. L’escalier était raide. Françoise donna une petite tape sur les fesses de Dominique :
- Passe devant ma cocotte, les filles d’abord. Oh mais que vois-je. Tu as un bien joli jupon.

En montant, Dominique essayait précisément de ne pas faire voler sa jupe car elle se savait observée. Elle ne devait au pire que voir la limite des bas, pas plus haut pensait-elle.

En arrivant dans la petite chambre de Françoise, Dominique vit tout de suite son uniforme professionnel tout noir bien pendu. Cela lui fit penser au temps où elle en portait un encore plus féminin. Françoise retira la veste d’uniforme de Dominique, puis lui défit son corsage qui se boutonnait dans le dos. Elle retira alors le soutien gorge dont jaillit la poitrine de Dominique qui par réflexe croisa ses bras pour dissimuler ses seins. Françoise lui fit faire demi-tour et lui prit doucement les poignets pour abaisser ses avant-bras. Elle regarda les seins, les caressa brièvement puis ses mains descendirent sur le côté et elle baissa la fermeture éclaire de sa jupe et elle mit jupe et jupon aux pieds de Dominique. Celle-ci attendait passivement les gestes de Françoise. Françoise d’un geste rapide abaissa enfin la gaine de Dominique et celle-ci mit ses mains devant sa modeste virilité. Elle dit à Dominique :
- Maintenant déshabille-moi.

Puis les deux filles s’étreignirent trois fois. La nuit était tombée et Dominique regarda sa montre. Elle se leva précipitamment. Françoise la calma et lui dit qu’elle la raccompagnerait à pied, il y en avait au plus pour une demi-heure. Comme Dominique était assise au bord du lit, Françoise déploya ses cheveux et se mit à les brosser :
- Quels beaux cheveux tu as !
- Tu peux me reboutonner mon corsage, tiens passe-moi mon soutien-gorge.
- D’accord pour le corsage, je veux que tu te promènes les seins à l’air. Enfin libres, je veux dire. Mets ta gaine, je m’habille pendant ce temps.
D’un geste négligeant, comme d’un objet inutile qui a fait son temps, Françoise jeta la culotte de Dominique dans sa poubelle :
- A partir de maintenant tu ne mets plus ça.
Quand elles furent toutes deux habillées, elles partirent dans la rue obscure en croisant de rares passants. Dominique avait compris que quand on ne les observait pas, Françoise aimait, passer la main sous sa jupe et lui mettre la main au panier d’un geste de propriétaire.

Elles convinrent de se revoir samedi soir. Dominique était ravie de cette aventure qui lui paraissait lui donner une chance de renouer avec la vie de garçon. Donc tout le samedi, Dominique chercha dans son armoire ce qu’elle pouvait trouver de plus masculin. Agathe était déjà sortie, Dominique trouva un tailleur pantalon, elle prit le pantalon, elle retroussa les revers de façon à raccourcir les jambes. Elle trouva une veste noire dans sa propre armoire (elle nageait dans celles d’Agathe). Pas de maquillage, les cheveux dans un chignon aussi serré que possible et des chaussures à talons presque plats. Françoise sonna, Dominique qui était seule dans l’hôtel lui ouvrit elle-même. Elle était ravie de l’effet que ferait sa tenue.
Françoise fit la moue :
- Tu n’as rien de mieux que ça ? Allons dans ta chambre, on va choisir autre chose. Pas de pantalon
Dominique retira le pantalon et essaya une jupe droite. Françoise balaya l’air de la main :
- Tu ne vas pas me dire que tu n’as rien de moins masculin ?
- Cette jupe, masculine ?
- Oui, tu as l’air des lesbiennes qui veulent se faire passer pour des Jules. Toi tu mérites mieux, sois féminine.
Dominique comprit que, s’il y avait retour à la vie de garçon, ce ne serait pas sur le plan vestimentaire. Et il se retrouva en ample robe rose à volants. Mais il essaya de faire valoir son point de vue :
- Et pourquoi, toi-même tu te mets à nouveau en pantalon ?
- Mais moi ce n’est pas pour me masculiniser, c’est que j’ai pris les jupes et les robes en horreur à cause de l’uniforme.
- Et moi avec les jupes plissées.
- C’est pas pareil, ça te va bien.
Ce faisant Françoise passa sa main sous la robe de Dominique pour vérifier que ses instructions avaient été respectées. Et de fait nue sous son jupon, sans même une gaine, Dominique se sentait vulnérable.

Il était convenu que Françoise et ses copines retrouveraient la bande du rouquin dans une boîte. Dominique était ravie de retrouver un peu de statut en exhibant sa conquête devant se copains. Quand ils arrivèrent, les trois garçons étaient au bar, les copines de Françoise n’était pas encore arrivées. Françoise alla leur téléphoner dans la cabine. Dominique s’installa sur un tabouret en rassemblant avec un sourire d’excuses tant bien que mal ses immenses jupons sous sa robe. Mais quelle joie d’entendre la question complice du rouquin :
- Alors, c’est un bon coup.

Dominique prit l’air modeste. Puis ils commencèrent à évaluer les filles qui étaient là. Dominique y prenait toute sa part. Dominique au bout d’un moment alla voir ce que faisait Françoise. En fait elle discutait avec la dame du vestiaire. Arrivèrent dans son dos les trois copains. Le rouquin lui tapa sur l’épaule et lui fit signe de le suivre.
- D’abord on va pisser.
Charlin lui fit signe de passer devant lui et Dominique en un tournemain se retrouva devant quatre urinoirs. Elle eut un moment d’hésitation puis alla s’accroupir dans une cabine. Ses copains l’attendaient à la sortie avec de gros cigares.
- Tiens Dominique, prends celui-là.
Elle n’avait jamais fumé de cigares surtout de gros Monte Christo N° 2 comme ceux-là. Ce n’était pas le moment de se dégonfler. Elle prit le cigare, l’alluma, toussa, puis savoura, le rouquin commenta :
- Bravo, ma vieille, tu vois la vie de garçon a tout de même du bon !
Dominique apprécia cette espèce de réhabilitation.
Les copines de Françoise étaient arrivées. Elles regardèrent Dominique arriver cigare au bec, dans un ample mouvement de sa robe autour de ses genoux. Elle embrassa les amies de Françoise.

Après avoir dansé, ils décidèrent d’aller à la fête à Neu Neu, une fête foraine. Les garçons se précipitèrent sur les autos tamponneuses, les filles se récrièrent. Dominique eut un temps d’hésitation, suivit les types, rassemblant ses jupes et s’installa dans une auto. Elle était revenue dans le monde des garçons. Peu après Françoise entraîna Dominique vers un ancien manège de chevaux de bois. Elle courut tirée par Françoise en suivant les trois copines. Elles s’installèrent. Dominique était seule à être en robe. Elle dut se mettre en amazone. Elle avait le plus grand mal à discipliner ses jupes que soulevait le vent de la course. Les garçons étaient restés sur le bord du manège et la regardaient se démener.

Puis vint le stand de l’homme le plus fort du monde. Tous, filles et garçons s’y essayèrent. Le rouquin fit le maximum. Dominique vint en dernier parmi les garçons et, comme elle s’y attendit fit le plus mauvais score des quatre. Quand ce fut le tour des filles, elle s’aperçut qu’elles avaient toutes fait mieux qu’elle. Cette défaite la rendit maussade une demi-heure. Dans le train fantôme, hors de la vue des autres, Dominique accepta le bras protecteur de Françoise qui entourait ses épaules nues. Elle se blottit contre sa maîtresse.
Au total, Dominique avait recouvré un statut plus voisin de celui de son arrivée à Paris, même s’il y avait des couacs. Et elle en était ravie.

Le mardi suivant, Françoise l’attendait à la sortie de l’école. Agathe lui donnait la main. Françoise embrassa Dominique qui fit les présentations. Françoise lui dit :
- Viens on va se promener.
Dominique dut demander l’autorisation à Agathe qui accepta.
Quand elles furent seules, Françoise s’étonna :
- Qui c’est ? Pourquoi tu lui demandes la permission ?
Dominique mentit :
- C’est ma grande sœur, elle a trois ans de plus que moi.
Françoise était perplexe :
- Ça lui fait vingt-et-un ans. Dis-donc elle doit pas être en avance ! Mais ça ne m’explique pas qu’à dix-huit ans on te traite comme une petite fille.
Dominique avait également senti que son mensonge ne collait pas. Françoise insista :
- Tu ne penses pas que tu pourrais m’expliquer pourquoi tu es comme ça.
- Comme ça ?
- Enfin ne fais pas l’idiot : habillé en fille, avec des gros seins…
Dominique choisit de mentir à nouveau. Elle lui raconta que la condition pour hériter la fortune d’un parent était qu’il fût une fille. On l’avait déclaré fille et il n’avait jamais eu le choix.
- Mais c’est débile ton truc. D’abord, on choisit pour toi à la naissance. Ensuite, pour avoir de la thune tu renonces à ton sexe véritable et tu mènes une vie de fille. Tu n’as jamais eu envie d’être un garçon ?
- Si bien sûr.
- C’est aussi l’impression que j’ai eue quand je te voyais tirer sur ton gros cigare avec tes copains. Tu étais content d’être là entre garçons chacun accompagné de sa petite amie. Tu vois, du coup, je te parle au masculin. Mais d’un autre côté tu as l’air d’aimer être une fille.
- J’ai fini par m’y faire.
- Non pas t’y faire, aimer cela.
Dominique se mit à pleurer. Françoise voulut la consoler.
- Arrête de pleurer ma jolie. Je veux simplement t’aider. Mais pour que je t’aide, il faut me dire la vérité. Et je ne crois pas à ton histoire. On en reparlera.
Elle passa sa main de propriétaire sous la jupe de Dominique qui réagit aussitôt :
- Voilà sous la jupe le petit garçon qui se réveille.

Le rouquin avait organisé un week-end chez lui à la campagne pour ses deux potes, les conquêtes du Monoprix des Champs-Elysées et Dominique bien sûr. La difficulté venait du fait que les trois amies de Françoise ne savaient pas qui était vraiment Dominique. Le rouquin en débattit avec Françoise et Dominique. On verrait bien, au pire on expliquerait. Une autre difficulté était que Dominique ait son autorisation. Agathe refusa. Le rouquin obstiné vint le vendredi soir à la sortie du collège de Dominique. Agathe était là. Le rouquin joua de tout son ascendant et Agathe consentit. Dominique ne demanda pas son reste et suivit le rouquin. Ils y allaient par le train, ils avaient juste le temps de le prendre. Une fois dans le train, Dominique s’avisa qu’elle n’avait rien pour se changer. Elle ne se voyait pas tout le week-end en uniforme. Naturellement, le rouquin lui dit que sa mère laissait quelques affaires à la campagne, elle trouverait bien quelque chose. Elle se fit la réflexion qu’il n’était pas même venu à l’idée du rouquin de lui prêter des affaires d’homme. Et à elle il ne lui viendrait pas à l’idée d’en demander. Françoise décida de s’afficher avec Dominique sans donner d’explications, les autres filles penseraient ce qu’elles voudraient. A la campagne, Dominique ne trouva en fait qu’une grande jupe paysanne, un jupon d’organdis blanc à volants, une blouse et c’était tout. Pour deux jours cela ferait l’affaire. Ils dînèrent. Il n’échappa pas aux copines de Françoise que Dominique et elles s’étaient retirées ensemble. Elles entendirent la porte de leur chambre claquer. Une porte, pas deux. Le lendemain matin, Dominique se leva la première, elle vint faire le café en jupon et soutien-gorge. Elle s’affairait quand le rouquin apparut. Il fut décontenancé de voir son pote en sous-vêtements féminins. Ils n’avaient pas d’intimité. Dominique remarqua qu’il détournait le regard. Elle prit de deux doigts légers son jupon et lui dit
- Tu te doutes bien que je ne porte pas des pyjamas en coton.
- Oui, oui excuse-moi. Mais je continue à te considérer comme un type, alors…
Dominique s’amusa de sa maladresse :
- Parce que je ne suis plus un type ?
- Arrête ton charre, Ben Ur, répliqua-t-il spirituellement.
Les copines de Françoise descendaient une à une. La première fut l’Antillaise, elle vint embrasser Dominique.
- C’est vrai, ma pauvre, tu n’avais pas de chemise de nuit.
A la fin du petit déjeuner, Dominique se retrouva seule avec Daphné, l’Antillaise. Elles prenaient plaisir à parler. Daphné se lança :
- Comment c’est avec une autre femme ?
- Comment te dire ? C’est doux. Que te dire ? Je ne vois que des banalités. Le seul moyen c’est d’essayer.
- Tu me proposes d’essayer ?
- Non je ne te propose rien, je te dis que si tu éprouves une tentation, il faut suivre ton penchant.

Le rouquin et Françoise entrèrent en même temps dans la pièce et entendirent le dernier échange. Ils comprirent la méprise de Daphné. On avait dit qu’on laisserait faire le sort. Ils laissèrent donc les choses aller. Cela amusait plutôt Françoise que ses copines la croient lesbienne. Dominique était très à l’aise. Dans les situations équivoques, elle avait évidemment une sérieuse avance sur tous les autres.

Le mois suivant, après le coiffeur, Dominique s’apprêtait pour la deuxième soirée habillée de ses copains quand surgit Agathe avec un sourire ravi. Elle portait un grand paquet. Elle commenta :
- Tu allais mettre ta robe blanche ?
- Oui, bien sûr et toi ?
- Moi je mets la même que la dernière fois, mais pas toi. Regarde ce qu’on t’a acheté avec Maman.

Agathe ouvrit le paquet. Et elle en sortit une robe en lamé noir. Elle la déploya. Dominique ne put retenir un geste de convoitise. Elle l’enfila. Elle était très ajustée. Agathe lui ferma avec précaution une vingtaine de minuscules agrafes dans le dos. Dominique avait l’impression d’être revêtue d’une peau de serpent. Sa poitrine jaillissait au bord du décolleté de la robe qui la relevait comme avec un soutien-gorge à balconnets. Les épaules étaient entièrement nues. Une immense écharpe de gaze ondulait et formait une joyeuse guirlande dans son dos, après s’être reposé négligemment sur ses avant-bras. Ceux-ci étaient recouverts pas des gants noirs très ajustés qui remontaient aux épaules. Agathe déposa un diadème étincelant sur la tête de Dominique. Dominique se tourna vers la glace. La robe s’évasait tout en bas en une sorte de petite jupe de tulle qui recouvrait le bas des jambes et les pieds. Si l’on voulait que la robe tombât parfaitement sans balayer le sol, donc si la voulait à un centimètre au-dessus du parquet, il fallait d’immenses talons. Elle fit un pas et constata qu’elle ne pouvait marcher qu’à tout petits pas rapides.
Pour une fois, Agathe devança la pensée de Dominique :
- Ma chérie, il faut souffrir pour être belle.

L’incommodité n’était rien par rapport à la mise en valeur des hanches qui tirait le tissu de la robe : la face avant entre les cuisses était ainsi rendu rigoureusement plate, nouvelle négaton de toute masculinité. Derrière elle était parfaitement moulée, insistante féminité. Elle se demandait malgré tout comment elle arriverait à danser. Il ne suffisait pas d’être belle et de souffrir...

Quand elle arriva à la soirée la robe bissa le succès de l’épisode précédent. Catherine vint l’embrasser et la félicita. Elle lui prit la main et l’entraîna avec elle. La soirée avait lieu dans un bâtiment du Bois de Boulogne au bord du grand lac. Catherine entraîna Dominique vers un ponton.
- Viens ma belle je t’emmène.
Dominique suivait avec difficulté mais faisait de son mieux.

Quand il fallut monter dans la barque c’était autre chose, elle ne pouvait faire un pas suffisamment grand pour atteindre le sol de la barque. Catherine l’attrapa sous les jambes, la fit tourner autour d’elle ; Dominique poussait des petits cris, mais se laissait faire. Puis Catherine la déposa dans la barque, prit les rames et la conduisit vers une île. Quand elles furent arrivées, Catherine reprit Dominique dans ses bras. Elle ne se défendit plus. Au contraire, elle s’abandonnait au plaisir d’être dans des bras forts, elles firent ainsi une cinquantaine de mètres.
- Maintenant si tu veux que je te dépose, un baiser.
Dominique s’exécuta.
- Mieux que cela, Mademoiselle.
Dominique se fit langoureuse.
Elles flirtèrent puis revinrent dans la soirée.
Vers minuit, le rouquin s’approcha de Dominique.
- Viens, on a un rancart.
- Avec qui ?
- Tu verras. Dépêche-toi, prends ton étole et ton sac.

Dominique fit aussi vite qu’elle put. Un taxi les attendait. Ils s’arrêtèrent à Vincennes, le rouquin paya le taxi. Une barrière d’un mètre cinquante séparait la chaussée d’un vaste terrain où se déployait une tente dont sortait de la musique d’accordéon. Derrière la barricade, Catherine et ses trois amies.
- Les garçons vous vous êtes trompés, vous n’êtes pas du bon côté.
- Où est l’entrée ?
- Il n’y en a pas de ce côté-ci.
Pendant ce temps, Dominique était masquée par Charvin. Les filles commentaient pendant que le rouquin tenait conciliabule avec le troisième copain :
- Ce qu’ils sont beaux en habit noir comme ça. Je ne regrette pas qu’on les ait invités. Mais où est Dominique ?
- Là dit-il en se déplaçant latéralement.

Les quatre filles restèrent hébétées en voyant la robe de Dominique. Pendant ce temps, le rouquin avait sauté la balustrade et était retombé de l’autre côté. Les deux autres garçons suivirent et se retrouvèrent de l’autre côté. Ils filèrent aussitôt vers la tente. Les filles allaient suivre, quand Françoise dit :
- Dominique, viens, fais pareil qu’eux.
Elle vit alors Dominique s’avancer à pas menus. Catherine :
- Je vois, attendez les filles.

Elle sauta souplement au-dessus de la clôture s’approcha de Dominique la prit sous les épaules et sous les jambes et la porta au-dessus de la clôture où une autre fille la prit dans ses bras et la reposa. Dominique cette fois-ci n’avait pris aucun plaisir à être portée. Elle se sentait humiliée. Tante Julie en lui faisant cadeau de cette robe avait présumé des circonstances de ce genre. Les filles étaient belles joueuses, elles admiraient la sophistication de Dominique. Mais le compliment n’avait pas le même sens pour Dominique. Il la renvoyait dans le monde des femmes alors qu’avec ses copains et les quatre filles, il pensait s’en échapper, au moins d’une certaine façon.

Catherine n’y attachait pour sa part pas trop d’importance, elle tendit son bras à Dominique et l’aida à progresser sur le terrain inégal jusqu’à la tente. Au milieu du bal populaire, les trois garçons avaient l’apparence et la réalité de gens de la société qui viennent s’encanailler. Avec Dominique, cela tournait à la provocation. Les femmes lui jetaient un regard noir. Soudain Dominique s’avisa qu’elle avait envie de faire pipi. Comment défaire seule toutes les agrafes dans le dos. Elle parla à l’oreille de Françoise qui fit un geste d’assentiment. Elles allèrent ensemble dans une cabine des toilettes. Françoise défit les agrafes, attendit que Dominique accroupie eût fini, puis lui remit sa robe. Au retour Françoise la sema, la pauvre Dominique était de nouveau larguée par ses copains. Une fille passablement éméchée, quand Dominique passait à côté d’elle lui fit peur avec un diable projeté hors de sa boîte. Elle fit un pas de côté et tomba sur le côté. Mais dans sa robe, elle ne pouvait pas se relever seule. La fille saoule s’approcha d’elle, la prit sous les bras et la releva. Puis elle lui dit, j’ai envie de te faire un baiser sur ce dos nus. Dominique sentit une haleine chargée d’alcool dans son cou. Elle essaya de courir, mais à tous petits pas. La fille la suivait en ricanant. Elle l’attrapa par le bras et la fit se retourner. La fille tira sur le décolleté de Dominique, ses deux seins jaillirent. Elle croisa ses mains gantées sur eux. C’est alors que Françoise surgit derrière la femme ivre, la tira en arrière et l’envoya d’un mouvement brusque par terre. La poivrote était trop ivre pour se relever. Françoise, prit Dominique par la main et retourna aux toilettes. Elles empruntèrent deux épingles de nourrice et bricolèrent la robe de Dominique. L’incident donna le signal du repli.

Dominique avait retrouvé avec plaisir ses jupes plissées. Françoise vint la chercher à l’école.
Elle avait eu le temps de se calmer.
- Ma chérie, j’ai réfléchi. Tu n’es vraiment pas la personne qu’il me faut. Il faut te porter, te défendre, te conduire aux toilettes, te consoler. Il faut regarder les choses en face. Tu es une femmelette. Or, cette expérience m’a été utile, c’est d’un homme dont j’ai besoin. Pas d’une fillette que sa grande sœur tient par la main.

Dominique écoutait Françoise en reniflant au bord des sanglots. Elle ne se rendait pas compte que la méchanceté de Françoise, en tout cas, son constat sans complaisance, n’étaient pas destinés à lui faire mal. Il était visible que François forçait le trait pour ne pas flancher. Ce n’était pas une consolation. Ce fut ainsi, Dominique ne vit pas que Françoise l’aimait plus qu’elle ne le disait. Evidemment Dominique savait tout cela. Ce qui était amer, c’est que ce constat survenait à un moment où Dominique croyait se retrouver un peu comme elle avait été à ses débuts à Paris. La complicité renouée avec ses copains n’allait pas résister à ce coup. Il tenta une manœuvre de désespoir :
- Et si je redevenais un garçon !
Françoise haussa les épaules et eut un rire nerveux.

Dominique reprit contact avec Catherine. Mais celle-ci évoluait dans un autre monde. Elle venait de finir Sciences Po, elle préparait l’ENA. Elle était accaparée par son travail. Elle vivait dans un univers de gens beaucoup plus âgés qu’elle-même et a fortiori que Dominique. Ni disponible ni de plain pied avec elle, l’aimait pourtant bien. En un mot comme en cent, elle n’était pas d’humeur à la consoler. Ceci d’autant plus qu’il se serait agi d’être la confidente d’une infidélité. Néanmoins Catherine était gentille. Elle essaya de distraire Dominique en l’emmenant un peu dans les boîtes. Un jour, des amis les traînèrent au Carrousel de Paris, une boîte connue de transformistes. Dominique eut un coup au cœur. Cela lui posait une question : était-elle comme les transformistes. Quand le spectacle finit, elle insista auprès de Catherine pour rester le temps que les artistes viennent dans la salle. Une ravissante transsexuelle la regarda fixement et lui dit :
- Mais, dis-donc, ma jolie, tu es des nôtres…
Dominique faillit s’étrangler, puis se reprit, c’était maintenant ou jamais :
- Comment l’as-tu vu ?
- L’œil américain ma jolie…
- L’œil quoi ?
- Non, fais pas attention. Tu veux faire du spectacle ? Tu es là pour ça ? Tu es pas mal, tu pourrais.
- Tu veux bien que je parle avec toi une seconde ?
Dominique raconta son histoire. Daphné, la transformiste l’écouta, dubitative.
- Tu prétends que tu n’es pour rien dans tout ça ? Tu te fous de moi ? Ma chérie, quand un garçon voit pousser ses seins, ce n’est jamais un hasard. Tu ne vas pas nous refaire le coup de la vieille Marie-André ?
- Qui ?
- La fille qui prétend que ce sont les Allemands pendant sa captivité qui lui ont fait changer de sexe. Le plus fort est qu’elle imagine qu’on la croit ! Non, le coup de ta tante, c’est un truc de roman.
- Et pourtant, c’est ça.
- Mettons, je me fous de la vérité. Alors qu’est-ce que tu veux ?
- Je ne sais ce que je veux devenir.
- Mais si tu sais. Si tu ne savais pas, il y a longtemps que tu aurais remis tes pantalons. Alors quand tu enfiles des bas ultrafins, tu ne crois pas que tu as fait ton choix. Les chaussettes de laine ne sont pas pour toi.
- Alors qu’est-ce que je vais faire ?
- Ecoute, ma cocotte tu as deux solutions. Soit, tu fais comme moi. Tu cries bien haut que tu es trans-sexuelle, trans-formiste, trans-tout ce que tu voudras… Tu donnes dans la provocation, dans le genre intrépide, tu mises sur l’extravagance, et aussi la trans-gression. Les hommes viennent te regarder sous le nez, le cerveau embrouillé d’un brouillis d’alccol et de fantasmes plus ou moins crades, tu verras de tout : des refoulés (qui passeront en un rien de l’excommunication à ton lit), comme des mecs relax qui prennent tout ce qui leur paraît bon, et puis tu verras notre petit milieu, lui aussi plein de contrastes…
- Et l’autre choix ?
- C’est de passer entre les gouttes, ma belle. Tu essaies de te faire oublier, de passer pour une bourgeoise, bon genre. Tu épouses un type bourré aux as, tu adoptes trois enfants et tu vas à la messe. Mais redevenir un garçon, oublie-le, tu as franchi le rubis con, comme disait l’autre, finit-elle en montrant sa bague et un autre endroit de sa personne.

Dominique fut traumatisée par cet échange. Car, elle lui renvoyait une vérité en face. Pas forcément, la vérité. Mais quelqu’un lui livrait quelque chose qui pouvait ressembler à la vérité, et sans fard. Et il lui fallait bien se poser la question : sortirait-elle un jour du provisoire. Pas un poil de barbe, des seins, des formes rondes et des goûts qui s’étaient insensiblement féminisés. Une façon d’être de femme, ce n’est pas simplement des jupes, c’est une façon de regarder, de sourire, de pleurer, de penser. Virginia Woolf avait observé la même métamorphose, celle de son Orlando : « L'homme regarde le monde bien en face, comme s'il était fait pour son usage, façonné pour son bon plaisir. La femme lui glisse un coup d'œil oblique, subtil, et même soupçonneux. ». Dominique était happée par la féminité, le monde des femmes autant que la féminité qui était en lui, celle portée par les œstrogènes peut-être sur-dosés. Une altercation lui revenait à l’esprit. Il avait demandé pour son anniversaire qu’Agathe intercèdât auprès de tante Julie pour qu’elle puisse porter des tailleurs avec des jupes droites. Son argumentation l’avait laissée elle-même perplexe : ses jupes amples s’accrochaient partout, les jupes droites étaient tellement plus pratiques… Etait-ce la façon de penser d’un garçon ? Daphné avait raison. Et l’enthousiasme victorieux avec lequel Agathe s’était chargée de cette mission l’en aurait sinon convaincue.

Et pourtant, Catherine revint jouer le rôle décisif dans sa vie. Cinq ans avaient passé, elle était partie en URSS. Elle avait perdu de vue Dominique, quand de retour, elle se mit à la rechercher et la retrouva assez facilement. Dominique avait tenu ses promesses scolaires, elle n’avait pas réussi à passer son bac. Elle travaillait come vendeuse dans une boutique de parfums. Quand elle vit entrer Catherine, elle crut à un hasard. Catherine l’attendit jusqu’à 20 heures pour l’emmener dîner. Catherine :
- Qu’as-tu fait pendant tout ce temps ?
- Pas grand-chose, tu sais j’ai glandé. Et toi ?
- Après l’ENA, j’ai choisi le Quai. Je suis en poste à Moscou. Tu sais, les premières années on ne fait pas non plus grand’chose. Le hasard a fait que j’ai eu une idée. J’ai l’impression que tu es partie pour rester une fille. Non ?
- Je sais pas. J’hésite toujours.
- Tu as une façon d’hésiter qui ressemble à un choix.
- Oui tu as raison. Mais ça devient inconfortable d’être un garçon pour la société et une fille pour les gens que je croise.
- Justement. Je t’ai trouvé une solution.
- Mais, je ne t’ai rien demandé.
- Oui, pas toi mais quelqu’un d’autre.
- ???
- J’ai rencontré dans une boîte une Russe qui veut quitter son pays. Elle a pas mal d’ennuis. Elle doit épouser quelqu’un, un Français.
- Parce que tu trouves que je fais un mari présentable !

Catherine se mit à rire. C’était simple la fille voulait non seulement sortir d’URSS par le mariage, mais elle voulait en plus changer de sexe. Alors, il suffisait d’intervertir. Comme elle s’occupait de l’état civil, Catherine pouvait faire mariage à l’ambassade à Moscou. Dominique devenait la Russe et inversement. Dominique demanda à réfléchir. Trois jours plus tard, elle se choisissait une robe de mariée.


Responsable du site : Lucie Sobek


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